Les profondeurs sauvages, humides et dangereuses de l’Amazonie prennent des allures de contrées mystiques, terrifiantes de mystères chez James Gray. Le cinéaste new-yorkais, à qui l’on doit des bijoux d’un genre particulier, Little Odessa, The Yard, la Nuit nous appartient, quitte le monde du thriller urbain, du drame familial et criminel, se lançant avec une certaine grâce dans l’univers du film d’aventure historique. Au tout début du 20ème siècle, le major Percy Fawcett est missionné pour tracé la frontière entre Brésil et Bolivie, au cœur de la forêt tropicale la plus dense et la plus inexplorée qui soit, l’Amazonie. Ayant un blason à redorer, un prestige à acquérir, l’explorateur et sa petite équipe découvre qu’une certaine civilisation pourrait bien se terrer au cœur de l’enfer vert. De retour au bercail, Percy Fawcett et ses disciples réorganisent bien vite un retour en Amérique du Sud histoire de prouver l’existence de ladite civilisation, tout du moins, et de découvrir la cité perdue de Z.
Cette quête, il s’agit bien d’une quête, dévorera un personnage avide de découvertes et se transformera bien vite en obstination. Une obsession. Sacrifiant tout sur l’autel d’un idéal, sa découverte, Percy Fawcett s’enfonce sans cesse plus profondément dans la canopée, côtoyant indigènes et faune locale pour le moins hostiles. Jusqu’où ira-t-il? James Gray explore la récurrente obsession de l’homme pour l’inconnu, le mystère, tout en traitant des affres d’une telle soif sur l’entourage, sur la nation. La grande Angleterre, non-contente d’explorer, masquait les faits pour ne pas mettre en avant des cultures dites sauvages. Quelles sont donc les conséquences de l’obstination d’un explorateur qui souhaite faire la lumière sur une prétendue civilisation dont l’élite occidentale nie l’existence?
A la manière d’un vieil artisan de cinéma, consciencieux, James Gray s’enfonce avec son équipe, ses acteurs, au cœur de la forêt tropicale colombienne, livrant une odyssée verte dont le tournage n’aura jamais été de tout repos. Point de fond vert, point de CGi dégoulinant, Gray filme la jungle en s’enfonçant dans ses entrailles, exigeant, méticuleux. Ses images sont radieuses, magnifiques et ses acteurs, on le sent, souffre de ce dépaysement pour le moins désagréable. L’œuvre d’un vrai cinéaste, en somme, à la manière de Coppola lorsqu’il filmait Apocalypse Now ou de William Friedkin avec Sorcerer. Un film ne peut avoir une réelle identité, à mon sens, que filmer réellement là ou est censée de passé l’action. Très bon point pour The Lost City of Z.
Seule ombre au tableau, quoique toute relative, Charlie Hunnam, figure montante depuis sa prestation dans les célèbres Sons of Anarchy, semble ne pas incarner un homme obstiné mais le héros orgueilleux d’une fiction hollywoodienne. Peu charismatique au-dehors de ses atours virils de beau-blond, l’acteur, s’il s’investit, peine à exprimer les multiples facettes de son personnage complexe. Indéniablement, sans parler pour autant d’une erreur de casting, le comédien britannique n’est pas à la hauteur de la tâche. Mais il ne s’agit là que de mon avis.
Entre mysticisme, aventure, découverte et photographie sublime, le dernier né dans la filmographie de James Gray se veut un excellent cru, une belle réussite technique et narrative qui ne pêche qu’en partie de par quelques faiblesses d’acteurs. Avant de passer dans le monde de la SF, le prestigieux metteur en scène de polar New-Yorkais s’offre et nous offre une belle escapade dans l’histoire et dans la jungle sud-américaine. 15/20