« The Lost City of Z »… Je ne sais pas vous, mais moi, ce titre, il me fait rêver. « The Lost City of Z », pour moi, ça sonne « mystique », ça sonne « aventure », ça sonne « dépassement », ça sonne presque « fantastique »… Mais bon, d’un côté il y a le titre, et de l’autre côté il y a la réalité du film… Honnêtement, ce long-métrage a été pour moi une longue liste d’incompréhensions (…et vraiment longue la liste hein ! 2h21 tout de même !) Alors OK, c’est plutôt bien fichu formellement (sauf la photo, mais on y reviendra) : ça reprend les codes de la bonne vieille épopée à l’ancienne et ça les reprend bien ; c’est propre ; c’est cohérent ; bref ça se tient… Mais la manière de mener cette intrigue, moi, ça m’a vraiment laissé songeur. Oser prendre trois quarts d’heure pour présenter la situation du personnage principal avant de commencer à faire deviner qu’il sera question de cité perdue au milieu de l’Amazonie, franchement, ça, je trouve ça juste… fou. « The Lost City of Z » quoi ! Quand tu appelles ton film comme ça, tu penses à construire ton propos autour de ce concept-là quand même ! C’est juste un minimum ! Alors OK, le film entend suivre la trame d’une histoire vraie, celle d’un explorateur britannique obnubilé par le désir de découvrir une cité légendaire au beau milieu de l’Amazonie, soit… Mais si ton centre d’intérêt c’est le gars, tu choisis un titre qui renvoie au gars, et pas à l’objet de son fantasme. Et je suis désolé pour tous ceux qui penseraient que c’est un détail, mais pour moi – au contraire – c’est révélateur de tout l’échec qu’est ce film. Trois quarts d’heure sans faire une seule fois référence au fait qu’à un moment donné il sera question de rechercher une cité dans la jungle, c’est juste dingue. Cette histoire de cité, elle lui prend comme ça, en tombant sur trois tessons au milieu de la forêt. A aucun moment avant ça, on ressent ce qui pourrait conditionner ce personnage à se passionner totalement pour cette question. Pour le coup, son obsession soudaine pour cette cité n’a même aucune cohérence par rapport au désir d’ascension et de reconnaissance sociales autour duquel on nous a structuré ce personnage.
Après son premier voyage, ce gars a obtenu ce qu’il voulait. Il est reconnu socialement. Il peut retrouver sa femme qu’il aime et ses enfants qu’il chérit. Il n’a AUCUN intérêt à se lancer dans une quête folle à la recherche d’une cité qui ferait de lui la risée de la bonne société. Si encore on nous avait montré avant tout ça qu’il existait une envie chez lui de rompre avec les codes sociaux, j’aurais dit OK ! Si on avait profité de ces trois quarts d’heure interminables pour nous montrer comment la jungle l’avait changé et que du coup, il ressentait comme un appel libérateur le fait de repartir, là encore j’aurais dit OK !… Mais rien de tout ça ! Franchement, ça n’a juste pas de sens ! En dix minutes, le film décide de totalement changer de personnage principal. Et voilà qu’il se met à hurler comme un âne devant une foule qui le hue alors que jusqu’à présent on nous l’avait présenté comme quelqu’un de posé et de respectueux des conventions et des normes de son temps ! Insensé !
Et si encore ça s’arrêtait là… Mais à dire vrai il y a tellement d’autres choix dans ce film que je ne comprends pas. Pourquoi ce choix de cette photographie super jaunie par exemple ? Pourquoi ce choix de vouloir lisser toutes les aspérités des visages et des décors ? Pourquoi si peu exposer le capteur lors de ces scènes en pleine jungle ? Alors OK, ça a du sens quand on se dit que James Gray a voulu donner à son film des allures de vieux parchemins, collant à la réalisation très « vieille épopée à l’ancienne ». Mais bon, en terme de sensations, ce choix, il tue énormément de choses. On parle d’un gars qui se laisse prendre par l’aventure, qui recherche des cités d’or, et pourtant, malgré cette caractéristique là, le film nous présente un univers qui ne scintille même pas ! Cet univers est lisse ! Il est terne ! Il est plat ! Ce film parvient à transformer une chute d’eau magnifique en vieille carte postale figée et jaunie ! Elle transforme une forêt luxuriante en jardinière désenchantée ! Elle réduit les eaux cristallines de l’Amazonie aux teints ternes d’une Deûle des mauvais jours. WOH ! Mais il est où le gain là-dedans ?! Tant de choses perdues pour si peu de choses gagnées ! Je ne comprends pas ce choix de tout anesthésier ; de tout stériliser… Il peut être cohérent, je l’entends, mais pour moi il a totalement tué l’intérêt du film. Le pire, c’est que j’aurais pu lui céder deux étoiles à ce film au seul regard du fait qu’il s’agit quand même d’un film propre fait à l’ancienne… Mais encore aurait-il fallu qu’il fasse une heure de moins ! Parce que là c’est tellement convenu, c’est tellement attendu, c’est tellement téléphoné qu’assister au déroulement pénible de ce récit prévisible et connu de bout en bout est juste une purge ! En fait, j’ai eu l’impression d’assister à un banal exercice de style tant James Gray paraissait réciter son truc sans n’y mettre ne serait-ce qu’une once de personnalité là-dedans. Et le pire, c’est que ça a l’air d’être la démarche assumée de l’auteur ! Il suffit de constater le jeu plat et convenu de toute cette troupe d’acteurs pourtant de qualité pour s’en convaincre. Alors OK, oui, c’est cohérent. Mais pour moi, ce film, c’est juste incompréhensible. Pourquoi vouloir faire ça, alors qu’en adoptant d’autres choix, on aurait pu en faire un film passionné et passionnant ? Juste changer la forme pour en faire un vrai appel à l’exploration ! Juste changer l’intrigue pour en faire une vraie plongée dans ce monde fantasque plutôt que de nous user avec ces sempiternels va-et-vient stériles entre l’Amazonie et l’Angleterre ! Juste travailler le personnage pour comprendre cette dimension presque folle et mystique de son projet ! Et puis surtout : juste choisir un acteur qui habite et transcende le personnage ! Alors après c’est vrai que, le problème, c’est que ce film existe déjà, il s’appelle « Fitzcarraldo ». Il a trente ans, mais il déchire toujours autant. Et c’est vrai, pourquoi refaire un « Fitzcarraldo » alors que l’original fonctionne toujours aussi bien ? Du coup, c’est vrai que cela pourrait justifier ce choix de prendre un tout autre parti pris esthétique… Mais d’un autre côté, quel intérêt aussi de faire ce « sous-Fitzcarraldo » ? Parce que oui, pour moi c’est à ça au fond que ce résume ce « Lost City of Z » : un film d’Herzog totalement amorphe, dénué de personnalité, et pas habité un seul instant. C’est triste d’avoir à dire çà d’un film, et j’en suis d’ailleurs le premier attristé. Mais bon, d’un autre côté je crois que FAIRE des films comme ça, c’est plus triste encore… Tragique donc… Une belle déception…