Anton Corbijn a été photographe avant d’être réalisateur. Il a commencé sa carrière à la fin des années 1970 en photographiant des musiciens comme David Bowie ou Miles Davis pour des magazines spécialisés. Il est notamment célèbre pour sa collaboration avec le groupe Depeche Mode pour qui il conçoit des clips et des pochettes d’album. Le public ne l'a découvert comme réalisateur que récemment, avec The American en 2010 ou Un homme très recherché en 2014. Life est son premier film sur la photo.
Le titre du film fait référence au magazine Life pour qui Dennis Stock a fait un reportage sur James Dean en 1955, ce que raconte le film. Life est l’un des premiers médias à avoir mis en avant le photojournalisme, au point d’en faire sa spécificité. Son équivalent français pourrait être Paris Match !
Dennis Stock et James Dean font tous les deux partie d’un inconscient collectif, celui de la période pré-hippie. Ils représentent une génération qui n’a jamais connu la guerre et qui s’interroge sur son identité et sur son mode de vie fondé sur une société de consommation dont elle se méfie. Leurs œuvres respectives reflètent leur soif de liberté et leur esprit contestataire qui se heurtent aux mentalités puritaines des années 50. James Dean possède évidemment une aura particulière, notamment grâce à La Fureur de vivre, où il incarne cette jeunesse en crise. Les clichés de Dennis Stock ont contribué à la construction de cette icône.
Le rôle de James Dean a été proposé cinq fois à l’acteur Dane DeHaan, mais celui-ci l’avait toujours refusé, réticent à incarner son acteur préféré. C’est sa femme qui l’a finalement convaincu d’accepter le rôle. Son partenaire dans le film, Robert Pattinson, a d’ailleurs déclaré qu’il refuserait toujours d’incarner lui-même James Dean, et a salué le courage de DeHaan.
La sortie américaine du film a été programmée de façon à coïncider avec le soixantième anniversaire de la mort de James Dean dans un accident de voiture, le 30 septembre 1955, à seulement 24 ans.
Anton Corbijn souhaitait à l’origine filmer Life en noir et blanc, pour faire écho à l’esthétique des clichés de Dennis Stock. Il a cependant été incité à filmer en couleur pour des raisons de budget.
Corbijn, en plus de vouloir tourner en noir et blanc, souhaitait filmer sur pellicule "à cause de l’époque et du rôle majeur de la pellicule 35 mm qu’utilise Dennis Stock dans l’histoire." Cela coûtait trop cher également, mais l’équipe technique a su improviser en utilisant de vieux objectifs de 1955.
Anton Corbijn a donné à Robert Pattinson une vieille caméra Leica, le même modèle que celui de Dennis Stock, pour qu’il commence à prendre des photos et à s’habituer aux gestes du photographe. L’acteur prend d’ailleurs véritablement des photos dans le film.
Les photos de Stock ont été publiées la veille de l’avant-première de A l’Est d’Eden et juste avant la célébrité soudaine de James Dean. Life explore la genèse de ces clichés, et l’amitié inattendue qui s’est formée entre les deux hommes : "Dennis Stock, contrairement à James Dean, a suivi le scénario social imposé alors : mariage, carrière, enfants. Dennis est le jeune photographe en vogue du magazine LIFE, lu chaque semaine par trente millions de personnes, et Jimmy est un jeune acteur qui a fait quelques feuilletons télévisés et qui joue dans un film qui le rendra peut-être célèbre. Donc, à ce moment précis, Dennis est la personne la plus importante socialement, et pour lui, c’est une sorte de pacte avec le diable", souligne le scénariste Luke Davies.
Life s’interroge sur la question de la célébrité, et incite le spectateur à comparer ce qu’elle est aujourd’hui par rapport à l’époque du film. James Dean a toujours voulu échapper à la machine de la célébrité pour garder son indépendance, et il se méfiait de Dennis Stock qui fait partie de cet engrenage. Mais, selon le producteur Iain Canning, le but de Stock était d’avoir "l’occasion de montrer, d’une certaine façon, l’esprit de cette personne, pas de saisir un instant volé, mais saisir un moment en apprenant à la connaître, en se souciant d’elle, en la comprenant mieux."
Anton Corbijn a été choisi pour réaliser Life, d’abord en raison de son expérience personnelle de photographe, mais surtout parce qu’il a vécu cette amitié qui naît entre l’artiste et celui qui le photographie ou le filme : il a lui-même suivi Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, pour son film Control. Son début de carrière ressemble également à celui de Stock, puisque c’est en photographiant une célébrité qu’il est entré dans la postérité : Herman Brood, une star de rock en Hollande, est pour lui l’équivalent de ce que James Dean a été pour Dennis Stock. "Je me suis identifié à l’histoire du jeune photographe qui débute face à quelqu’un dont la carrière a explosé et qui l’a laissé en retrait", admet-il.
Anton Corbijn et Dennis Stock ont une référence commune : ils admirent tous deux William Eugene Smith, un photojournaliste engagé et connu pour sa rigueur et son indépendance. Il a en effet effectué une grande partie de sa carrière en électron libre, sans être engagé par un journal en particulier, pour préserver sa liberté artistique et exprimer ses idées sans censure. Il a notamment photographié les combats dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale et a popularisé l’expression "plonger au cœur de l’image", aujourd’hui célèbre chez tous les photographes.
Le réalisateur a insisté pour que Pattinson endosse le rôle du photographe et non celui de James Dean. Il a en effet jugé intéressant que "Robert Pattinson incarne un photographe qui photographie un jeune homme sur le point de devenir célèbre, étant donné ce qui lui est arrivé et sa notoriété précoce avec la saga des Twilight. Jeune acteur, il était sans cesse au cœur de toutes ces photos, maintenant, il joue celui qui est de l’autre côté".
Dane DeHaan ne ressemble pas physiquement à James Dean, et cela n’était pas le but du réalisateur. Afin de se rapprocher un peu plus de la réalité, l’acteur a dû se plier à une préparation de longue haleine : très mince, il a pris 11 kilos pour se forger une silhouette plus trapue. Le producteur Iain Canning précise qu’ "il a dû se façonner l’allure d’un corps des années 50, qui n’est pas centré sur les abdos, comme les acteurs actuels – mais ressemble à celui d’un fermier."
Dane DeHaan et Anton Corbijn ont souligné la même difficulté : lorsque l’on fait un film sur James Dean, il faut se préparer à se heurter aux attentes d’un public qui a nécessairement une idée, ne serait-ce que superficielle et préconçue, de ce monstre sacré du cinéma. D’où l’idée de ne se concentrer que sur deux semaines de sa vie, avant même qu’il ne soit célèbre, et de centrer le film sur Dennis Stock et non sur l’acteur. "Life n’est pas qu'un biopic sur James Dean", affirme Anton Corbijn, puisque la narration se fait du point de vue du photographe.
Dane DeHaan a raconté que c’est Ben Kingsley, qui joue le patron de studio Jack Warner, qui l’a réellement poussé à se jeter à l’eau malgré sa peur d’incarner James Dean. Il se souvient d’avoir vu l’acteur, pensionnaire de la Royal Shakespeare Company, réciter des vers du dramaturge anglais entre les prises, une expérience qui l'a poussé à se laisser aller lui aussi.
La chef-décoratrice Anastasia Masaro raconte sa préparation pour le film : "Anton ne voulait pas une version stylisée des années 50. Il voulait que cela fasse vrai. Le style viendrait de son cadrage et de ses compositions. J’ai donc créé une palette de couleurs pour Los Angeles, une pour New York et une autre pour Fairmount. Mon décorateur de plateau et moi sommes allés à Fairmount, dans l’Indiana, la ville natale de James Dean."
Les scènes d’extérieur dans l’Indiana sont en réalité tournées au Canada, près de Toronto. L’équipe a filmé en plein hiver, parfois par -35 degrés !
Pour Anton Corbijn, Life est cohérent avec le reste de son travail. Il aime en effet mettre en scène des "solitaires", que cela soit dans ses photos ou dans ses films, comme dans The American, où George Clooney, un tueur à gage, évolue presque en ermite dans un village d’Italie. "Comme pour tous mes autres films, il s’agit de solitaires, sauf que cette fois, il y en a deux au lieu d’un".
Dane DeHaan et James Franco ont un point commun : ils ont tous les deux incarné James Dean. Mais avant cela, Dane DeHaan avait joué Harry Osborn, le meilleur ami de Peter Parker dans l’un des opus de Spiderman, tout comme James Franco. Ils ont également tous les deux interprété le rôle l’écrivain de la Beat Generation Allen Ginsberg.
D’après le critique du quotidien britannique The Guardian, Peter Bradshaw, le film laisse la question de la bisexualité de James Dean complètement dans l’ombre, comme de nombreux ouvrages à son sujet.