Pour ce nouveau long métrage, Christophe Honoré a choisi de donner vie aux poèmes d’Ovide, illustre poète latin né en 43 av. J-C. Il livre à travers le film une adaptation contemporaine et libre des Métamorphoses, ce long poème épique (15 livres et environ douze mille vers) relatant les grands mythes et légendes grecs et les transformations des dieux, déesses ou héros latins. Les Métamorphoses d'Ovide ont traversé les âges et sont aujourd’hui enseignées dans de nombreux établissements. Ce même ouvrage a influencé les plus grands peintres et compositeurs d’opéra des temps passés, et continue d’en inspirer plus d’un.
Si son précédent film se déroulait tout en chanson, Honoré a opté pour un registre différent avec Les Métamorphoses. La raison ? Un besoin de changement et de nouveauté. Il explique : "J’ai souvent éprouvé l’envie de construire un nouveau film contre le ou les précédents. Après avoir travaillé sur le romanesque avec des acteurs connus, après avoir assumé de citer des grands modèles, j’ai eu le désir de me retrouver sur un territoire complètement différent, assez inédit pour moi. J’avais besoin d’échapper au romanesque, au récit de personnages, qui suit les évolutions biographiques et psychologiques de chacun. Je pense que j’ai voulu me débarrasser des personnages, au sens traditionnel du terme."
Métamorphoses est le premier long métrage de la filmographie de Christophe Honoré à être produit par Les Films Pélléas. Il décrit l'expérience du film comme une "une aventure de production". C'est le producteur Philippe Martin qui a été désigné pour mettre le projet sur les rails. "J’ai beaucoup discuté avec mon nouveau producteur, Philippe Martin, à toutes les étapes. (...) Quand je lui ai proposé ce film et ce sujet, il a tout de suite été partant, ce qui n’était pas évident à première vue. Cet enthousiasme, ce risque qu’il prenait, et nos discussions, furent pour moi très stimulants", poursuit-il.
Retranscrire les douze mille vers qui composent le chef d’œuvre d’Ovide a demandé au réalisateur l’élaboration d’un plan structural et l'organisation du récit en trois parties, liées chacune par un fil conducteur : "Mon premier souci fut de choisir les épisodes qui me permettraient de composer un seul récit, de sélectionner ce qui pouvait entrer dans ce que je voulais raconter. J’ai pris une vingtaine d’histoires pour construire une ligne narrative » argumente le réalisateur, « Je me suis concentré sur la confrontation des dieux et des mortels, selon trois temps. D’abord, la rencontre avec Jupiter, qui attire Europe (…) Ensuite, vient Bacchus, et tout porte là sur la croyance (…). Enfin, arrive Orphée, et je le suis dans son prosélytisme, son enseignement, son prophétisme. Pour lier ces trois moments, je cherchais un point de vue porté par une personne qui unirait l’ensemble selon un fil rouge : j’ai imaginé Europe comme cela."
Christophe Honoré a travaillé seul sur le scénario du film. Il confie : "C’est un défi personnel et je me voyais mal entraîner quelqu’un d’autre…"
La plupart des acteurs que l'on retrouve dans Les Métamorphoses sont non-professionnels et ont été embarqués dans l’aventure à l’issue d’un grand casting. En tournant son choix vers des comédiens néophytes, le réalisateur avait l’ambition de "confronter ces récits (ceux d’Ovide) à la France telle que je pourrais la filmer aujourd’hui". Il ajoute : "Je souhaitais travailler avec des gens qui n’avaient pas l’expérience d’être filmés. Soit très jeunes, soit des hommes et des femmes qui viennent d’ailleurs. Je n’imaginais pas, ou j’imaginais trop bien plutôt, Louis Garrel en Jupiter… (…) Ceux qui n’ont pas d’expérience de jeu préalable sont souvent plus étranges que les acteurs, ils ne visent pas un jeu de conventions fondé sur un contrat de reconnaissance avec les spectateurs, ils se laissent regarder dans leur solitude, leur vérité qui échappe à la vraisemblance. J’avais besoin de cette étrangeté. Elle correspondait à celle des dieux grecs apparaissant soudain dans la France actuelle."
Christophe Honoré révèle avoir voulu, à travers Les Métamorphoses, montrer d'une part les vestiges de la civilisation grecque, et de l'autre, son apport à la culture contemporaine : "Je voulais raconter l’héritage grec dans la France contemporaine : on vient de la Grèce, bien plus que de l’Amérique. Mon pari consistait à dire, et à montrer, que ces mythes sont des soubassements, même parfois inconscients, de la société actuelle, une sorte de palimpseste, de sous-texte d’aujourd’hui, que les gens, s’ils grattent un peu, peuvent retrouver assez facilement. Il en reste des traces, parfois anecdotiques mais pas seulement : les cavistes «Au repaire de Bacchus», les transports routiers «Jupiter»… C’est une culture qui ne veut pas mourir, qui refuse d’être effacée, et que je propose à des jeunes Français de retrouver."
Dire que Christophe Honoré est passionné de littérature relève de l'euphémisme. En 2008, il revisitait pour la télévision La Princesse de Clèves, un classique de la littérature française, dans La Belle Personne. L’année suivante, il récidivait avec Non ma fille, tu n’iras pas danser, adaptation de Week-end de la chasse à la mère, roman de Geneviève Brisac. Quelques années plus tard, il mettait les auteurs du Nouveau Roman (Robbe-Grillet, Beckett, Duras…) en scène dans une pièce intitulée… "Nouveau Roman". Avec Métamorphoses, c’est une fois de plus la littérature qui lui sert d’inspiration.
Amira Akili, l’interprète de la douce Europe, joue ici son premier rôle au cinéma. Honoré déclare l’avoir rencontrée dans la rue, alors qu’elle suivait une formation d’aide maternelle : "Elle n’avait jamais joué et pouvait apporter au film sa vivacité, sa fierté, son innocence."
Avec Les Métamorphoses, c’est la première fois que Christophe Honoré tourne un film en numérique. Il avait brièvement tenté l’expérience sur Homme au bain en 2010.
Selon le réalisateur, les comédiens n’ont émis aucune objection à retirer leurs vêtements pour tourner les scènes de nudité. Mieux, ils auraient apprécié l’expérience : "Je n’ai pas rencontré d’interdits ; tous ont aimé être nus dans la nature et être filmés comme cela. Même en bordure d’autoroute. Le film ne vise pas un quelconque «retour à la nature», mais voudrait saisir les corps de manière hédoniste : la nudité n’est pas un retour mais un préalable, la condition première de l’homme et de la femme", précise-t-il.
Rassurez-vous, les comédiens du film ne se sont pas véritablement « métamorphosés » en animaux pour les besoins du film. Sauf preuve du contraire, aucun être humain n’est (encore) doté de telles capacités. Pour illustrer les transformations, le réalisateur a préféré procéder par montage plutôt que par effets spéciaux. Ses explications : "Ces métamorphoses ne sont pas des transformations à vue avec surenchère de maquillages ou d’effets spéciaux numériques. Ce n’est pas une position conservatrice mais un choix esthétique, éthique : ne pas faire voir mais faire croire. (…) En cela, le montage est le plus approprié car le plus efficace : rapprocher et coller deux plans successifs, un homme et un cerf, Io et une génisse, trois jeunes femmes et trois chauves-souris, deux vieillards et deux troncs d’arbres noueux… Il faut faire l’effort de croire pour que cela marche. C’était très amusant, y compris d’utiliser, à notre façon, des effets numériques pour certaines scènes."
Le tournage de Métamorphoses s’est déroulé entre mai et juin 2013, dans le sud de la France et la Grèce, dans des lieux proches de la nature : "Je voulais trouver des traces de nature dans la ville, des traces qui résistent à une urbanisation agressive. J’avais également besoin de lieux qui échappaient à la ville, au temps : des territoires de contes, de pur récit. Dans la forêt, près des rivières, naissent les histoires des origines."
En 2014, Métamorphoses est sélectionné à la Mostra de Venise, dans la section «Giornate degli Autori».