On peut juste regretter le côté "déjà vu" sur le fond, dans les tenants et aboutissants du film : illusions et désillusions de migrants, parcours semé d'embûches que l'on devine plus ou moins fatales... Sinon, c'est une belle réussite. Le réalisateur Diego Quemada-Díez croque cette tranche de misère humaine et d'espoir sans aucun misérabilisme. Cet ancien assistant de Ken Loach (notamment) signe un premier long-métrage dont le réalisme social, âpre et violent, est irrigué par une sensibilité sobrement émouvante, une certaine poésie également. Si le scénario a été nourri par des centaines de témoignages de migrants fuyant le Guatemala ou le Mexique, Quemada-Díez a su trouver un juste équilibre entre documentaire et fiction. En fait, il a réussi à combiner deux regards : le sien, mélange de lucidité, d'empathie, d'amertume, et celui de ses personnages principaux, ces ados qui se frottent à un univers hostile et dangereux, sans perdre pour autant leur fraîcheur, leur sourire, leurs désirs. On est donc à la fois embarqué (comme si l'on y était) dans un road-movie chaotique, épique, tragique, et plongé dans une chronique ado délicatement sentimentale, avec un joli trio amoureux et un développement touchant sur la fraternité. Très mobile avec sa caméra super-16, le réalisateur est toujours là où il faut : perché sur les trains de marchandises qui convoient des centaines de migrants, au coeur des courses folles pour échapper à la police, tournant autour de ses personnages avec discrétion et précision pour en capter les moindres vibrations... Avec une telle acuité, pas besoin de beaucoup de dialogues, pas besoin non plus de traduire les propos du jeune Indien. Quemada-Díez et ses acteurs (tous excellents) laissent deviner une pléiade d'idées et de sentiments avec une économie de moyens assez remarquable et une sacrée intelligence dramatique. C'est simple, c'est limpide, c'est beau. C'est aussi infiniment triste. Une tristesse que l'on garde en soi quelque temps après la fin du film.