Il n'y a plus de doute ! La force de Hidden Figures (Les Figures de l'ombre), c'est son casting exceptionnel et juste. Aucun acteur ne fait une seule fausse note et mieux, aucun acteur ne se met en avant et vole la vedette à un autre. Si l'on saluera unanimement le trio parfait Henson-Spencer-Monaé, trois personnages au caractère différent qui apportent chacun une touche particulière au film, nous n'oublierons pas les seconds rôles occupés avec brio par Kevin Costner, Mahershala Ali, Kirsten Dunst et Jim Parsons. Oui, tout le casting semble s'être investi pleinement dans ce projet, ce qui se ressent lorsque l'on voit le film.
Dans les petits papiers pour les Oscars, Hidden Figures parle d'une histoire qui s'est déroulée dans les années 1960 mais qui trouve un écho important aujourd'hui. En mettant en scène la ségrégation raciale qu'ont vécu les Afro-Américains, le film de Theodore Melfi ne veut pas simplement dicter un récit qu'il se contenterait de vendre à la sauce "Based on a true story", il veut faire réfléchir sur l'évolution de la cause des Noirs des années 1960 à aujourd'hui. Certes, l'évolution va dans le bon sens, mais derrière ce film, nous pouvons nous poser la question: n'y a-t-il pas encore des progrès à faire ? Justement, à travers ce projet spatial, plusieurs thèmes se retrouvent propulsés sur le devant de l'écran. Et Melfi en profite donc pour questionner le progrès, accélérateur de notre évolution mais au détriment de l'humain comme ce puissant ordinateur IBM destiné à remplacer le groupe de calculatrices supervisé par Dorothy Vaughan (Octavia Spencer). Mais il ne faudrait pas voir Hidden Figures seulement en moralisateur sur la cause raciale ou en juge du progrès mais aussi en avocat du féminisme. Les trois femmes de caractère qui occupent les rôles principales ne sont pas seulement noires, elles sont des femmes, double handicap dans ce monde spatial du début des années 1960 assez peu ouvert aux femmes et dans le contexte de ségrégation de l'époque. Plusieurs fois, on remarque dans le film la volonté de nous faire prendre conscience sur la masculinisation des projets spatiaux, les hommes occupant un rôle majeur et les femmes étant cantonnées à un rôle mineur. Seules deux femmes composent le Space Task Group...Et c'est avec bonheur que le scénario, adapté du livre Hidden Figures de Margot Lee Shetterly, fait évoluer ses trois protagonistes dont le combat est mis en valeur à la fois par la qualité des trois actrices qui les interprètent mais aussi par une réalisation, certes classique, mais qui s'efface au profit de son casting. Nullement Melfi ne souhaite prendre l'espace avec sa caméra, au contraire, avec ce brillant hommage à ces figures de l'ombre et à leur immense travail, il les laisse tutoyer les étoiles et s'envoler vers un espace dont tout le monde rêve. C'est sans doute l'un des derniers messages du film, croire en ses rêves les plus impossibles pour construire un avenir radieux et atteindre un but que nous nous sommes fixés et non que les autres nous ont fixé. Ce message passe beaucoup à travers le personnage de Mary Jackson joué avec fraîcheur par Janelle Monae.
Les Figures de l'ombre est une très belle réussite, faisant de ces thèmes des étendards qu'il brandit haut et fort, les assumant pleinement jusqu'au bout grâce à un scénario aussi solide que l'interprétation. Sans oublier cette musique intéressante portée par l'étonnant duo Hans Zimmer-Pharell Williams ainsi que Benjamin Wallfish.