Tout, tout de suite est tiré du roman du même nom écrit par Morgan Sportès et publié en 2011. L'ouvrage a été récompensé du Prix Interallié.
Tout, tout de suite est le 6e long métrage de Richard Berry, après L' Art (délicat) de la séduction (2001), Moi César, 10 ans 1/2, 1,39 m (2003), La Boîte noire (2005), L' Immortel (2010) et Nos Femmes (2015) : "J'avais depuis longtemps envie de faire un film sur le racisme de manière générale : c'est un sujet qui a toujours excité ma curiosité. Mais me lancer, par exemple, sur un projet autour de la Shoah me semblait moins pertinent car je me rendais compte qu'il y a une pérennité du racisme et que, quels que soient les événements qu'on traverse, les gens continuent d'entretenir des jugements et des pensées xénophobes et racistes. J'estimais donc qu'il était plus intéressant de trouver un sujet ancré dans la société contemporaine", confie l'acteur/réalisateur.
En 2006, Ilan Halimi est kidnappé, séquestré et torturé par le gang des barbares mené par Youssouf Fofana. Le jeune homme sera relâché après 24 jours de détention et succombera à ses blessures. L'affaire a suscité des réactions intenses en France en raison du caractère antisémite du meurtre et de la violence des faits.
Le casting de Tout, tout de suite comprendra essentiellement des inconnus : "Un mélange de casting sauvage, de jeunes acteurs entre 17 et 22 ans", selon Richard Berry. "Le seul acteur un peu connu, c'est moi : je vais jouer le papa d'Ilan Halimi. C'est un an de travail. L'avantage quand on met du temps à monter un film, c'est qu'on peut se consacrer pleinement au casting. Christelle Barras est une directrice de casting exceptionnelle : elle a abattu un boulot de fou ! Elle m'a présenté des dizaines d'acteurs et d'actrices, et après de multiples essais et interviews, j'ai choisi mes interprètes. Au final, près des trois quarts d'entre eux sont des non-professionnels", indique Berry.
Un autre long métrage inspiré de l'affaire Ilan Halimi a été réalisé peu de temps avant Tout, tout de suite : 24 jours, adapté du livre de Ruth Halimi, réalisé par Alexandre Arcady. Le tournage s'est déroulé en septembre 2013, avec au casting, Zabou Breitman, Syrus Shahidi, Pascal Elbé, Jacques Gamblin, Sylvie Testud, Eric Caravaca et Michel Boujenah.
Richard Berry a déjà joué dans une adaptation d'un roman de Morgan Sportès inspiré de faits réels, il s'agit de L'Appât, sorti en 1995. Coïncidence ou pas, le film de Bertrand Tavernier était également tiré d'un fait divers dans lequel des jeunes gens assassinent pour de l'argent, sujet proche de Tout, tout de suite : "Il se trouve que j'ai tourné dans L'appât de Bertrand Tavernier, tiré d'un livre de Morgan Sportès : quand j'ai appris que celui-ci allait écrire un ouvrage sur l'affaire Ilan Halimi, je me suis tout de suite intéressé à cette idée. J'aime beaucoup son point de vue ethnologique, à mi-chemin entre le philosophe et le journaliste. Je l'ai immédiatement contacté en lui disant que je souhaitais m'atteler à l'affaire Halimi à travers son analyse. Du coup, je tenais à ce qu'on écrive ensemble le scénario", explique Berry.
Tout, tout de suite a été tourné en 8 semaines, de mars à mai 2014 à Paris, Bruxelles et au Luxembourg : "À Paris, on a tourné sur les lieux emblématiques de l'affaire, qu'il s'agisse du café ou de la cabine téléphonique de la porte d'Orléans ou des cybers cafés. Par la suite, comme c'était impossible de tourner à Sceaux ou à Bobigny pour des questions de sécurité, on a filmé les scènes de cité en Belgique. S'agissant de l'appartement et de la cave où Ilan a été séquestré, on les a reconstitués en studio grâce aux infos de Morgan et aux photos. Bien entendu, on a ensuite monté les images de studio à d'autres tournées en décors réels", explique Richard Berry.
Richard Berry avait à coeur de réunir le plus d'éléments possibles afin de retranscrire ce fait divers de la manière la plus réaliste possible : "Je me suis beaucoup entretenu avec Didier Halimi qui m'a livré des infos que même Morgan ne connaissait pas. J'ai aussi contacté la femme qui a découvert le corps d'Ilan. Au départ, elle était très méfiante et voulait s'assurer que j'allais raconter la vérité. J'ai gagné sa confiance et elle m'a tout raconté : elle avait cru apercevoir un corps, mais comme il y avait un hôpital psychiatrique à proximité, elle a eu peur, elle a poursuivi sa route et s'est garée à cinq minutes de là, sur un carrefour, d'où elle a appelé la police. Puis, elle a rapidement regagné son bureau par crainte d'être renvoyée. Une demi-heure plus tard, la police, qui ne retrouvait pas le corps, l'a recontactée pour qu'elle leur indique plus précisément ce qu'elle pensait avoir vu. Dans le même ordre d'idée, j'ai également parlé avec Mony, la fiancée d'Ilan, qui a quitté Paris depuis la mort de son compagnon. Bref, j'ai approfondi mon enquête pour alimenter le scénario de faits réels. La vérité est toujours intéressante à mettre en scène et peut amener un recul transcendantal sur la société : on n'a pas besoin de la travestir", raconte le metteur en scène.
C'est le jeune Steve Achiepo qui a eu la lourde tâche de prêter ses traits à Youssouf Fofana, chef du gang des barbares. Richard Berry a éprouvé des difficultés à trouver le bon comédien pour le rôle : "Le plus difficile a été Fofana que j'ai trouvé au dernier moment. J'avais envie que le mec dégage un incroyable charisme et qu'il soit imposant physiquement pour – par exemple – pouvoir transporter le corps d'Ilan. Je suis tombé sur Steve Achiepo, metteur en scène et auteur de courts métrages, et je lui ai proposé ce rôle qui est aux antipodes de ce qu'il est. Parfois, il pensait qu'il était allé assez loin dans l'horreur, mais ce n'était jamais suffisant ! Du coup, cela a créé des rapports conflictuels entre nous grâce auxquels il a pu canaliser sur moi la haine que je cherchais en lui ! Quand il se mettait en colère, c'était contre moi. Bien entendu, il savait que je le savais et inversement. C'était une complicité tacite", commente Berry. "Ce qui m’a surpris, c’est qu’au tout début du tournage, j’avais un cas de conscience à dire certains passages de mon texte et à jouer les séquences de torture avec l’acteur qui joue Ilan : je m’entendais très bien avec lui et je culpabilisais à chaque fois que les séquences devenaient dures. Mais peu à peu, je ne culpabilisais plus car je m’habituais", raconte Steve Achiepo.
Le film débutera par l'arrestation du gang des barbares, le 17 février 2006 à 6h du matin et le spectateur pourra remonter le fil des événements via les interrogatoires des suspects par les enquêteurs. Richard Berry s'est inspiré de la structure de Inside Man de Spike Lee "où le hold-up est rythmé par des scènes
d'interrogatoires sans qu'on sache s'il s'agit des victimes ou des voyous", relate le réalisateur.
C'est Marc Ruchmann qui prête ses traits à Ilan Halimi dans Tout, tout de suite, un rôle compliqué et un vrai défi pour le comédien : "Mon personnage vit à travers des états extrêmes, d’autant plus qu’on ne me voit presque jamais puisque mon visage est masqué par le sparadrap. J’ai donc privilégié un jeu corporel, et on est parti dans cette direction avec Richard, avec plusieurs états à jouer en même temps : il ne m’a jamais lâché. Mais c’était assez sportif ! Sans oublier qu’il a fallu que je perde du poids. Faire un régime aussi radical, ça isole beaucoup dans la vie de tous les jours. Quand il a fallu attaquer les scènes qui suivent le kidnapping, et que je me suis retrouvé sous le masque, il y avait la peur, la douleur, l’appréhension, le froid à exprimer en même temps. C’était assez intense de jouer ces quatre états extrêmes en permanence, sans pouvoir m’appuyer sur mes expressions de visage", explique l'acteur.
Pour composer la musique de Tout, tout de suite, Richard Berry a fait appel au musicien britannique Harry Escott, qui a déjà officié sur The Road to Guantanamo, Hard Candy, Shame ou Le géant égoïste : "Je l'ai contacté et je lui ai donné la même direction que celle que je m'étais fixée : pas de grandiloquence, un style dépouillé, pur, simple, et surtout pas mélodramatique. C'était un cahier des charges difficile parce que je préférais créer une atmosphère oppressante sans être dans le mélo, afin d'être davantage dans le rythme et dans l'accompagnement. Au final, sa musique, d'une grande élégance, est présente sans être encombrante", confie le cinéaste.
C'est la belle Romane Rauss qui campe le personnage de Zelda, l'appât qui a attiré Ilan Halimi dans le piège tendu par Youssouf Fofana : "Je n'ai pas voulu creuser plus que ça, parce qu'il s'agit de quelqu'un de réel. On m'a beaucoup demandé si le film servait à excuser des choses : pour moi, ce n'est pas du tout le cas – il sert juste à comprendre. J'ai donc senti le passé extrêmement lourd de cette fille, qui n'a pas eu la vie facile. À mes yeux, elle est caractérisée par l'ignorance : elle a été enrôlée et happée sans réfléchir. Elle était très jeune, vivant dans un milieu défavorisé, et elle agissait au jour le jour. Je n'ai pas cherché à l'excuser, mais à montrer son endoctrinement à un très jeune âge, alors qu'elle n'avait aucune conscience du monde qui l'entoure et aucune notion du bien et du mal", confie la jeune comédienne.