Après avoir partagé l’affiche de la comédie Ma vie est un enfer (1991), sans toutefois avoir une scène commune, puis de La Doublure (2005) où ils se sont enfin côtoyés, Daniel Auteuil et Richard Berry se retrouvent en 2013 pour Avant l’Hiver de Philippe Claudel. C’est sur la réalisation de ce dernier long métrage que les comédiens ont véritablement eu l’occasion de faire connaissance. Une fois le tournage du film de Claudel achevé, ils ont voulu prolonger leur collaboration en formant un duo inédit sur les planches dans la pièce Nos femmes écrite par le réalisateur et scénariste Eric Assous.
Avant l’hiver signe une nouvelle collaboration entre l’actrice Kristin Scott Thomas et le réalisateur Philippe Claudel. Ce dernier l’avait déjà dirigée dans son premier film Il y a longtemps que je t’aime (2008) aux côtés d’Elsa Zylberstein et de Serge Hazanavicius. "Encore une fois, je lui donne à jouer un personnage emprisonné dans un malaise, un secret", déclare le réalisateur, en poursuivant : "Par ailleurs, il me plaît de filmer la beauté de Kristin, la beauté de son visage que j’ai toujours trouvée, limpide, énigmatique et douloureuse à la fois."
Pour le scénario d’Avant l’hiver, Philippe Claudel s’est posé les questions existentielles que chacun se pose à partir d’un certain âge, comme celle-ci : ne suis-je pas passé à côté de ma vie ? C’est à partir de cette interrogation que l’histoire du long métrage a pu démarrer. Le cinéaste confie : "Je suis moi aussi sans cesse à me demander si j’ai fait les bons choix. En ce sens, le film est un peu autobiographique."
Daniel Auteuil incarne Paul, un neurochirurgien. Philippe Claudel s’est inspiré de l'un de ses amis qui pratiquait ce métier pour élaborer ce personnage. Le réalisateur se souvient : "Il me parlait de temps en temps de son travail et m’a invité à aller au bloc opératoire pour assister à des opérations. C’est fascinant de, littéralement, voir à l’intérieur de la tête de quelqu’un. Je trouvais symboliquement intéressant de prendre un personnage pratiquant un tel métier et qui, à un moment de sa vie, n’arrive absolument plus à lire dans sa propre tête. Le film est aussi né de cette contradiction."
Paul et Lucie, incarnés par Daniel Auteuil et Kristin Scott Thomas, sont inséparables de Gérard, un psychiatre interprété par Richard Berry. Ce personnage permettait d’éclairer celui de Lucie : "Je ne voulais pas faire d’elle une femme qui se contente de jardiner, enfermée dans sa propriété", confie Philippe Claudel. "Pourquoi vit-elle ainsi ? Il fallait qu’on la sente taraudée par une sorte de culpabilité. (…) Au milieu de ces deux hommes, on la devine installée dans un inconfortable confort. De la même façon, le personnage de Gérard a choisi d’avaler pas mal de couleuvres pour la garder à portée de regards. C’est l’amoureux transi qui récolte les miettes depuis trente ans. Il trouve ainsi son bonheur, dans une sorte d’humiliation et de souffrance. J’étais très heureux que Richard Berry accepte de le jouer. En peu de scènes, il lui donne une douceur mélancolique, une profondeur que je trouve bouleversante."
Lorsque Paul prend conscience du jeu de Gérard, qui "tourne" autour de sa femme, des conflits sur les courts de tennis s’installent entre les deux hommes. Philippe Claudel explique la situation : "J’aimais le côté pathétique de ces deux hommes qui ne sont plus tout jeunes, qui s’épuisent à courir après la balle et se battent comme des gamins, avec ce filet, entre eux, comme une séparation symbolique. Et j’aimais que le personnage de Gérard laisse gagner Paul: il est prêt à tout pour rester dans le système solaire de cet homme… Et de sa femme."
Philippe Claudel insiste beaucoup sur le passage des saisons ("Jusqu’au titre !") dans son film : "Il s’agissait d’ausculter un homme – un couple –, avant l’hiver de sa vie, passer d’un automne flamboyant, très solaire, à une baisse progressive de la luminosité. Malgré la grisaille qui a malheureusement accompagné tout le tournage, on ressent, je l’espère, cette espèce d’humidité, de brume et de froid, et ce temps qui passent sur le jardin. La beauté de l’image devait être presque inversement proportionnelle à la turbulence et au chaos des sentiments qui secouent les personnages."
C’est la seconde fois que Daniel Auteuil incarne un médecin à l’écran. La première fois remonte au film d’André Téchiné, le drame Ma saison préférée (1993), où le comédien était chargé d’annoncer à celle qui incarnait sa mère, Marthe Villalonga, qu’elle était atteinte d’une tumeur. Pour Avant l’hiver, Auteuil était assisté d’un professionnel pour veiller à la crédibilité de ses gestes dans le rôle d'un neurochirurgien.