Quand j'étais petit et que j'ai lu Le Seigneur des Anneaux, j'ai été profondément touché. De sa poésie simple et belle et son symbolisme humaniste, les mêmes que ceux qui touchent quand on lit Giono ou Nerval, à son imagination débordante, sans surcharge, qui fait rêver enfants comme adultes, Tolkien a su faire une oeuvre tout simplement magnifique. L'adaptation de Peter Jackson, si risquée, a pourtant été extraordinaire, intelligente et émouvante, rendant si bien la poésie et la sagesse de l'oeuvre.
Je n'en attendais pas autant du Hobbit, sans doute moins dense et abouti que Le seigneur des Anneaux, bien que les deux premiers m'aient agréablement surpris, dans l'ensemble. La bataille des cinq armées, c'est autre chose...
Il y a tellement de choses à dire (notamment en mal) sur ce film que je vais essayer de trouver une organisation claire.
1) On ne retrouve rien de ce qui est important pour Tolkien. Pas de poésie, pas de scène touchante et de mots de sagesse. Les scènes pourtant faites dans ce but subissent un échec cuisant. J'en prends pour preuve les éclats de rire qui n'auraient pas dû être là (
la mort de Thorin, de Kili et Fili et le fameux "les aigles arrivent" de Bilbon ont tristement échoué
). Les gens rient, mais de ridicule.
2) Ce film accumule les clichés les plus usés du cinéma. Si on ajoute aux situations tragi-comiques aux répliques indigentes les scènes de combats foireuses, bien servies par une surcharge d'effets spéciaux malsains, de créatures les plus inesthétiques les unes que les autres directement sorties de Narnya, on se rend compte de l'échec qu'est ce film.
Exemples:
- Les scènes avec Légolas sont carrément pathétiques. Tout est lourd et pesant. On s'ennuie. Ca nous rappelle certaines scènes de Braindead ("au nom du Seigneur, je vous botte le ***!"), pourtant film comique. A censurer.
- La scène de la mort de Thorin est copié-collé de Cliffhanger... Je suis tombé dessus hier soir (je crois) et j'ai vu la fin. C'est la même scène. J'en frissonne.
- Les scènes d'amour Nain-Elfe sont aussi à bannir. Même en étant indulgent, on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire (ou d'éclater de rire) devant ces scènes, si on ne pleure pas déjà de douleur...
- La mort du Dragon. Même si la scène est très satisfaisante dans l'ensemble, qu'est devenue "L'arquelance"? On nous zoome dessus au film d'avant, et là? Disparue, pour être remplacée par une baliste improvisée avec l'épaule de son fils. "Bon, soit" se dit-on, sans pouvoir s'empêcher de sourciller.
- Les coups de boule du Roi des monts de fer, le cerf de Thranduil qui embroche 3 orcs de chaque côté, le troll qui démolit des murailles de citadelle à coup de tête (mais c'est vrai, à quoi servent les catapultes?), les vers géants, les faces de troll à la Harry Potter, la tatane d'un troll à coup de chariot (oui parce que là où les murs échouent, les charrettes réussissent)
3) L'absence de musique. Ce qui a aussi sublimé la précédente trilogie, c'est la musique d'Howard Shore. Le premier Hobbit passait bien. Le travail musical était très bon (sans être au niveau du précédent), et s'estompe dans le Hobbit 2. Dans le 3, j'ai rien entendu. Soit estompée en dernier plan, soit complètement absente, on est encore déçu par la musique.
4) Le néant scénaristique. J'ai déjà été agacé par le choix de faire cette adaptation en trois parties (du fric du fric!), d'autant plus que faire le troisième volet uniquement sur une quarantaine de pages du livre montrait le déséquilibre. Ce volet marque donc par le manque d'enjeu
, et le passage au second plan de Bilbon au profit de Tauriel et son histoire d'amour exaspérante
. Au détriment d'une version longue (je devrais dire une "version encore plus longue"), on aimerait une version justement allégée, voire censurée des scènes qui gâchent tout. Bien avant la fin du film, des gens ont quitté la salle, d'autres discutaient, et d'autres n'en revenaient pas...
5) Les tentatives d'humour navrantes. Le personnage d'Alfrid aurait peut-être pu être drôle, mais c'est plus exaspérant qu'autre chose dans un tel marasme.
Conclusion:
Je dois dire, pour être honnête, que mon immense déception est en grande partie due à la non moins immense attente que j'avais de cette fin du Hobbit. Il ne mérite peut-être pas cette note, mais il ne mérite pas d'avoir le nom de "Tolkien" dessus. A partir de la scène de bataille, j'ai eu les larmes aux yeux. Des larmes de révolte, comme si je voyais quelqu'un que j'aime se faire humilier devant moi.
Tout est fait pour essayer de rattraper le massacre en faisant la référence à une autre trilogie, elle monumentale, et ça en devient lourd (ça m'a rappelé les allusions intempestives aux "dents de la mer" de Spielberg dans les nanards qui lui ont servi de suites).
Cette adaptation aurait pu être très bonne, si elle avait été en deux parties, et je le pense sincèrement. Mais le choix marketing de le faire en trois parties le précipite dans la catégorie des (très grands, certes) films de baston. Mais est-ce que le cinéma soit se limiter à ça, est-ce que ça suffit pour faire un bon film? Peter Jackson a-t-il vraiment compris ce qu'il a réalisé? "Le Hobbit", c'est notamment la névrose d'un personnage complètement affolé dans le matérialisme. Le personnage de Thorin n'a même pas réussi à convaincre son réalisateur visiblement...
A voir cependant lorsqu'on cherche un film de tatane (genre le Transporteur), c'est "spectaculaire" dit-on...