On sent très vite que ça va déraper et qu'on va s'ennuyer ferme. Dolan installe un climat de thriller glauque, très référencé "Psychose", puis qui glisse vers "Massacre à tronçonneuse". Mais non. Après un premier quart d'heure incertain, mais plutôt maîtrisé, le scénario bascule et ça devient très vite n'importe quoi. On voit tout venir à l'avance, et quand ce qui vient est imprévu, c'est juste idiot, voire grotesque. On a vite identifié le sujet : Tom et sa fascination-répulsion queer pour son bourreau. Retournez voir "L'inconnu du lac", tellement plus plus intelligent et subtil dans ce registre. L'arrivée d'un personnage féminin achève le naufrage. Plus rien ne tient à partir de là. La pièce - dont le film est l'adaptation - était poussive et aurait mérité un complet toilettage, que Dolan et ses producteurs n'ont manifestement pas pris le temps de faire. Il hésite à développer la fantaisie inventive qui a toujours fait son charme, mais est ici stérilisée par sa proximité avec des codes de film de genre mal assumés dans lesquels l'acteur-réalisateur peroxydé se prend les pieds séquence après séquence, pas du tout à l'aise dans le registre comico-effrayant (revoyez "No country for old man"), pas plus que dans le proto-gore. Marina de Van n'a pas la chance d'avoir la carte du "prodige" canadien, mais son "Dark touch" vaut dix fois mieux que cet exercice de style foireux, englué dans la partition vintage de Gabriel Yared, au point que Dolan semble même avoir perdu sa science de la BOF. Un seul truc à sauver : le néon du bar où Tom va boire une bière à la fin. Private joke québécois irrésistible. Ça ne suffira pas cette fois.