Riddley Scott s'est attaqué à un très gros morceau cinématographique et surtout, il a pris le risque de marcher sur les plates-bandes de Cecil B. De Mil. Même une pointure comme lui allait droit au mur en prenant cette option, à notre époque. Déjà l'aspect visuel du film est très "actuel". C'est à dire, pour ceux qui connaissent la bonne vieille VistatVision Technicolor du film "Les Dix Commandements", Les couleurs de "Exodus" sont sans contraste, sans éclats ainsi que les éclairages palots, affadis encore plus par la technologie 3D des lunettes polarisantes. Le sable du désert du Sinaï y ressemble à la poussière volcanique d'une caldeira Islandaise et la Mer Rouge à un étang boueux du Bayou. Cela tient au fait que Lucas (dans "La menace fantôme) a fait la douloureuse expérience des effets spéciaux numériques dans une belle lumière et que ces derniers ont montré les limites de leur crédibilité pendant la course de jet-runners sur Tatoïne. Donc, au lieu de tolérer, comme l'a fait le réalisateur de "Détective Dee", ou comme l'aurait fait Ray Harryhaussen, une certaine artificialité des SFX afin de profiter des splendides couleurs et éclairages de l'enregistrement numériques, les américains préfèrent cacher les imperfections des technologies nouvelles en réalisant des film mono-chromiques déprimants pour les vieux cinéphiles amoureux des péplums modèles 1950-1970, comme moi.
De plus les acteurs de "Exodus" qui marchent sur les pas de Charleton Heston, Yul Brynner, Cedrick Hardwick, John Dereck, Edward G Robinson, Vincent Price et John Carradine ont vraiment des airs de "danseuses légères" dans ce film, en regard de leurs illustres prédécesseurs. En 1956, Depuis Charleton Heston avec ses 2m03, ses 110 Kilos de rugbyman et sa voix de stentor, jusqu'aux autres interprètes, avait une formation Shakespearienne. Ils mesuraient, en moyenne, (en dehors de Robinson), 1m95 et développaient 200 livres de muscles garantis vierge d'amphétamine. Même le Moïse du dessin animé "Le prince d’Égypte" avait plus de Charisme que celui de Riddley Scott.
Quant à la présence et aux rôles des femmes dans cette récente version de la Fuite d’Égypte, c'est quasiment ceux d'une tapisserie grise constellée de roses beiges fanés. Elles sont loin de la dizaine de splendeurs qui apparaissaient dans "Les dix commandements" et dont le talent indiscutable d'actrices tragédiennes n'avait d'égal que la plastique pulpeuse et naturelle de ces dernières. Les amateurs de salles obscures de cette époque se souviendront certainement de ces femmes Divines rien qu'en leur relisant le nom des trois premières stars du film : Debra Padget, Yvonne de Carlo et Anne Baxter...
Quant à la fidélité à la Bible ou à l'Histoire, on ne peut pas obtenir les deux, point! Le Livre de l'Exode fut sans doute écrit au temps de Moïse, par lui et les scribes qui l'ont suivi dans sa migration vers Israël. Rédigé sans doute en Égyptien du nouvel Empire, repris ensuite par tradition orale parce que détruit au cours des 13 ou 14 siècles qui s'écoulèrent entre la Fuite d’Égypte et la Naissance de Jésus, il fut sans doute reconstitué en Araméen Cunéiforme peu de temps avant l'invasion Romaine. Or, en ce temps-là, des souvenirs de pharaons non Ptoléméens autres que Ramsess II, connu pour son écrasante victoire sur les Cananéens à Kadesh, il n'y en avait plus. Figure légendaire d'un passé sombré dans la nuit des temps, les rédacteurs tardifs de la Bible le choisirent comme adversaire du Prophète Moïse afin de grandir l'exploit de l'Exode face à un si puissant ennemi. Maintenant, ce livre religieux symbolique ne peut-être montré du doigt pour ses libertés prises avec les faits historiques dont la trame n'est que récemment et difficilement extraite des sables depuis seulement quelques décennies. Donc , raconter une fois de plus l'Histoire Sainte, déjà si majestueusement abordée dans "Les dix commandements" de 1956 ou avec poésie dans le "Prince d’Égypte" ne pouvait qu'aboutir à un remake ennuyeux de ces deux films, pataugeant lamentablement pour faire cohabiter le sacré symbolique et les dernières découvertes historiques.
J'aurais personnellement préféré voir sur écran, la nouvelle histoire d'un Moïse, issu d'une famille Égypto-Hébraïque aisée de la période Amaréenne, sous le pharaon monothéiste Akhenaton. Celui-ci fit renaître l'Empire Égyptien en attirant dans son pays et sa Capitale, Amara, des artisans, des architectes, des cultivateurs d'autres nations, afin qu'ils transmettent un nouveau savoir faire dans un pays vieillissant, ankylosé par son ancienne religion. Les prêtres d'Amon, afin de retrouver leurs privilèges perdus, provoquèrent la chute d’Akhenaton. Ils firent tomber en esclavage les babyloniens, les cananéens, les éthiopiens et les hébreux, installés librement à Amara. C'est sans doute ce Moïse d'Amara qui, près de deux siècles avant Ramsess II, a permis aux esclaves de fuir le nouveau Pharaon sous l'influence des prêtres d'Amon et de bâtir, une religion monothéiste, inspirée de la religion Amaréenne, avec ses compagnons d'évasion.
Donc "Exodus" : plantage annoncé de Riddley Scott qui pourtant, m'a toujours émerveillé avec "Légende", "Gladiator", ou inquiété avec "Alien"...