Premier film de Haifaa al Manshour, premier film saoudien, premier film réalisé par une femme saoudienne.
Au moment où elle tournait à l’arrache, son pays l’Arabie Saoudite ne comptait plus aucun cinéma depuis le début des années 80.
La jeune réalisatrice Haifaa al Manshour a la chance d’avoir un père libéral qui l’a initiée au cinéma, un producteur progressiste et contre toute attente, avec une grande dose de courage, et d’infinies précautions puisqu’elle devait parfois se réfugier dans son van pour filmer afin de ne pas être vue en train de tourner avec des hommes, fussent-ils étrangers, Haifaa al Manshour nous pond un premier film saisissant. Ouf !
Qui en dit long sur son pays, sur la mentalité de son pays, sur l’ignoble mentalité religieuse de son pays.
Wadjda est une jeune fille de 10 ans, presqu’une ado tant elle paraît mature qui se démarque par ses chaussures, des Converse (?), son jean, son goût pour la musique occidentale, particulièrement le rock et pour son désir d’obtenir un vélo.
Une rebelle au pays des interdits.
Sa chambre elle-même est synonyme de transgression !
A ce moment du film, le vélo est interdit pour les femmes ou fortement déconseillé (ce qui n’est pas la même chose, je le concède), pour les jeunes femmes. La selle pourrait endommager leur vertu !
On n’est pas à une sonnerie près (je censure la première lettre, vous avez compris) au pays des Saoud !
La petite Wadjda veut à tout prix un vélo pour jouer avec son copain Abdallah. Elle veut faire la course avec lui.
Elle a jeté son dévolu sur un vélo vert, exposé dans une boutique à tout vendre.
Comme sa maman ne veut pas le lui acheter : « Si tu en fais, tu ne pourras pas avoir d’enfant », Wadjda s’inscrit contre toute attente à un concours de récitation du Coran. Concours qui peut lui permettre d’acheter son vélo puisqu'une prime est annoncée.
On ne la sent pas emballée à passer ce concours en soi, mais elle est déterminée à le gagner pour s’offrir le vélo.
Ainsi, la réalisatrice nous invite au fil du récit à découvrir tous les interdits et autres restrictions auxquels les femmes se heurtent dans ce pays.
Pour être honnête, le spectateur que je suis n’est pas très étonné des maints interdits qui musèlent la femme ; cependant, il reste des réflexions, qui, ici ou là, m’étouffe de sidération, comme ne pas laisser ouvrir le Coran après l’avoir lu au motif que Satan pourrait cracher dessus ; comme les filles qui doivent rester groupées et garder les jambes serrées au motif que Satan pourrait s’y glisser !
Film instructif et surtout plaisant à suivre malgré les réflexions religieuses (si tant est c’est d’origine religieuse !), interprété avec sobriété par de bons acteurs à commencer par la petite Waad Mohammed dans le rôle de Wadjda, la petite rusée.
Le cinéma ne peut pas changer le monde, mais « Wadjda » aura permis aux sexe féminin de monter ouvertement sur un vélo ! C’est déjà pas mal me direz-vous…
Je cite : « La Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice d'Arabie Saoudite semble l'avoir entendue : elle a décrété que les femmes pouvaient désormais utiliser un vélo à des fins récréatives, mais sous plusieurs conditions : être vêtues avec pudeur, avoir un membre de sa famille de sexe masculin à proximité, ne pas utiliser le vélo pour aller faire les courses, et ne pas pédaler là où il peut y avoir "une forte affluence de passants hommes" ».
En matière de souplesse, ça reste encore bien raide !
J’aime bien la commission « de la prévention du vice » ! On se croirait dans une aventure de OSS 117 version Dujardin ! Seulement, là c’est sérieux et triste.