Que dire qui n'a pas déjà été dit? Que la promo du film a été scandaleuse? Que le fait que le film fut en compétition officielle à la Mostra de Venise aurait du en avertir plus d'un?
Quoi qu'il en soit, au vu des réactions, on voit bien que beaucoup n'était pas préparé pour Spring Breaker, et c'est bien dommage, car ce film mérite bien mieux que les « je me suis ennuyé » et « y'avait pas d'histoire ».
Sans doute le meilleur film de 2013, Spring Breaker commence comme un rêve et finit dans un cauchemar. Une critique féroce de l'absence de sens de la société américaine du 21ième où le seul échappatoire d'une jeunesse désœuvrée et sans but sont les paradis artificiels et la débauche.
La première scène est un pied de nez à tous ceux qui attendaient des nichons et du Project X, vous vouliez du sexe et de la débauche, en voilà, encore et encore, sans aucune raison apparente, juste pour vous renvoyer à votre propre voyeurisme. Et ça marche, on a vite envie que ça s'arrête, assez ! Cette entrée fracassante m'a fait pensé au film sans doute le plus irregardable de tous les temps, l'Irréversible de Gaspar Noé.
Pour en revenir à nos héroïnes, elles fuient la réalité misérable de leurs existences sans reliefs pour une vie plus excitante, où elles espèrent faire la paix avec elles mêmes et trouver un sens à leur vie. Ce sont les long monologues et conversation téléphoniques de Faith avec sa grand mère qui nous éclairent sur ces sentiments et ne laissent pas de doute quand au but de Spring Break, se perdre, (s')oublier, quitter ce monde dont nous n'avons rien à attendre et rejoindre ce paradis où l'on pourra enfin être libre.
Seulement ce paradis fait de drogues, d'alcool, de consommation effrénée, est artificiel, ce que la photographie et le style fluo – psychédélique nous aide à comprendre. Tout cela est irréel, tout cela est un rêve qui ne peut pas durer, car il n'y a pas de paradis sur terre, et qu'à la fin tout le monde se réveille.
Et le réveil est brutal. C'est Alien, c'est le côté obscur de ce monde de jouissance, celui qui n'est jamais bien loin des paradis artificiels, une démonstration coup de poing du prix à payer pour notre société de consommation, le compagnon de route de l’hédonisme du Spring Break.
C'est Faith, qui est la plus raisonable des 4, qui se rend compte le plus tôt que le rêve est fini, que la réalité est de retour, et que continuer plus loin n'apportera rien de plus que de la tristesse et du désespoir.
Ses amies ne le comprendrons que plus tard, voir pas du tout, au fur et à mesure que le film s'enfonce dans la noirceur. La place laissée à Britney Spears, dont la trajectoire ressemble étrangement à celles de nos filles, monté au firmament, rêve éveillé, puis plongée dans l'abysse, dans le cauchemar, métaphore de cette société d'êtres humains jetables, est à tout point remarquable.
La scène finale est tout simplement magistrale, le pont s'enfonçant dans le noir le plus totale comme fin ultime de leur voyage, comme la porte des enfers, grandissime !
James Franco est magique en incarnation du dualisme danger / excitation, vie / mort, en diable temptateur, en maître dépassé par ses élèves !
Pour finir cette courte review de ce grand film, une petite note sur les dialogues. Des dialogues supplémentaires dans ce film auraient été superflus, le contexte et le sous-texte sont suffisants pour éclairer l'histoire et les intentions de l'auteur. Quand aux répétitions en voix off, elles sont comme une réminiscence du passé et une prédiction du futur, elles sont là pour nous éclairer, nous préparer à ce qui va suivre, elles nous donnent des indices de compréhension, nous mettent sur nos gardes.
La répétition de « Are you scared » avant la scène finale nous prévenant de la mort imminente d'Alien. Il avait effectivement vraiment toutes les raisons d'avoir peur.