Chez les cinéphiles, le nom de Serge Bromberg évoquera les souvenirs d’un glorieux Enfer d’Henri-Georges Clouzot, un brillant documentaire dans lequel se succédait des scènes d’archive (de L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, donc) et des témoignages en tous genres. En plus clair, le nom de Serge Bromberg inspire déjà de la confiance, ainsi qu’une certaine notion de qualité qui garantit par la suite un travail de recherches nettement abouti. Voilà ce qu’est, globalement, ce Voyage extraordinaire, qui s’avère pourtant un peu différent du précédent documentaire de Bromberg. En effet, si L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot garantissait à n’importe quel cinéphile qui se respecte un très grand moment de cinéma, Le Voyage extraordinaire a le mérite d’être accessible à tous. De fait, au-delà de la restauration et ses innombrables étapes, Bromberg s’attaque davantage à une mise au point sur le personnage de Georges Méliès. Ses habitudes, son lieu de tournage en verrière, ses méthodes de colorisation etc. En gros, les plus érudits n’apprendront probablement rien lors de cette première partie, tandis que les néophytes – ou tout simplement les curieux – pourront voir leur culture générale faire un bond, en remontant aux fondements même du cinéma. Malgré tout, c’est bel et bien lors de la seconde partie que le documentaire bat de son plein et embarque sans peine le spectateur dans cette désastreuse aventure que fut la restauration du premier grand succès de l’histoire du cinéma : Le Voyage dans la Lune, de Georges Méliès. Technologies peu avancées et prématurément obsolètes retarderont années après années l’immense travail que demandait la pellicule du film, dans un état hautement déplorable. C’est aussi lors de cette partie que l’on découvre les témoignages fort intéressants de professionnels ou bien de réalisateurs contemporains comme Gondry, Costa-Gavras ou encore Hazanavicius. Plus qu’un simple journal de bord, Le Voyage extraordinaire demeure ainsi un véritable « voyage extraordinaire », qui nous conduit au cœur du cinéma. Pas le cinéma comme on le voit dans une salle obscure, mais plutôt tout ce qui se passe partout hormis dans une salle obscure, justement. On y découvre donc des professions souvent méconnues du public, voire délaissées. Au Voyage extraordinaire, il reste donc cette immense cinéphilie qui débordait de chaque plan de L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot. En conclusion, le charme de ce Voyage extraordinaire est d’être – comme il est dit précédemment – accessible à qui le veut, grâce à une remise à zéro qui n’aura, fort heureusement, rien de rébarbatif pour les cinéphiles confirmés. À noter la présence de quelques courts-métrages, qui permettent de savoir de quoi le film parle. Film : Il peut s’avérer ardu de se lancer dans une chronique au sujet d’un monument cinématographique. Plus encore de donner son avis sur l’un des plus grands de ces monuments. En effet, il arrive qu’un film atteigne une certaine notoriété pour finalement accéder au statut d’œuvre parfaite, de chef-d’œuvre. Reste alors l’unique chance de changer la donne avec un élan de subjectivité, qui sera bien entendu trop peu puissant pour réduire Le Voyage dans la Lune à un simple « bon film ». Historiquement, le film de Méliès est ni plus ni moins le premier grand succès de toute l’histoire du cinéma. Artistiquement, c’est surtout un virage radical qui permettra alors aux gens du monde entier d’envisager le cinéma sous un autre angle que le simple visionnage d’instants du quotidien. C’est le décollage même de la fiction qui, si elle existait déjà de façon plus ou moins assumée (exemple : le culte Arroseur arrosé, pour le plus simple), ne possédait pas encore la notion de récit, qui pousse alors ce savant fou à partir vers la Lune et subir des attaques extraterrestres. Pour faire simple, Le Voyage dans la Lune est un symbole. Pur et dur. Tout le monde connait le visage cette Lune, si unique, si singulière. Les technologies modernes étant ce qu’elles sont (la NASA & Cie), il peut être légèrement difficile de prendre le recul nécessaire pour finalement constater à quel point Méliès était visionnaire, pour imaginer ce voyage sur la Lune une soixantaine d’année avant sa réalisation, à quelques détails près. Par conséquent, ces quinze minutes de cinéma sont naturellement incroyables (avec ses 160 minutes, Avatar ferait mieux d’en prendre de la graine, pour reprendre une comparaison un peu étrange du documentaire). Néanmoins, s’il est possible d’avoir vu et revu le court-métrage, la redécouverte en couleur s’avère pour le moins merveilleuse – bien que la bande-originale de Air (que j’aime beaucoup en temps normal) soit nettement inappropriée et, exception faite du thème final, plutôt agaçante. Cependant, le but premier de la restauration étant de montrer un film sous un jour nouveau, je ne pourrai que saluer les nombreuses initiatives prises par les personnes, ainsi que leur patience, qui auront finalement été le fruit d'un merveilleux résultat...