D'un texte romantique (on l'imagine, puisque signé Kleist, en 1810), le plutôt confidentiel Arnaud des Pallières a tiré (scénario en collaboration) un récit austère pour une réalisation plutôt cérébrale, même si l'esthétique (images) et le montage (qu'il supervise) compensent l'épure stylistique et les ellipses systématiques et déroutantes. L'action se situe vers 1525 (par recoupements), sous le règne de François 1er donc, sans que l'on s'explique pourquoi la soeur du roi (d'ailleurs à l'époque encore duchesse d'Alençon - alors qu'annoncée "reine de Navarre", ce qu'elle ne sera que plus tard, après un veuvage), Marguerite d'Angoulême, curieusement rajeunie ici (alors qu'elle a alors dépassé la trentaine) ait un rôle de premier plan (mena en effet les négociations après la défaite de Pavie et l'emprisonnement de son frère - mais sans avoir la régence provisoire du royaume, confiée à Louise de Savoie, leur mère)...... lors d'une révolte (sans doute de pure fiction) dans les Cévennes.... Les scénaristes malmènent donc l'Histoire, pour mener une histoire, un brin confuse, d'honneur bafoué, transposée d'Allemagne (chez Kleist) en France. L'Allemand Michael Kohlhaas (le Danois Mads Mikkelsen - magnifique comme d'habitude, et ici en français très correct, bien que rôle appris en phonétique) a fait souche dans cette contrée grandiose et sauvage, prenant une épouse française (Judith), qui lui a donné 2 enfants, Jérémie, un grand ado, et Lisbeth, une gamine très en avance pour son âge (l'insupportable Mélusine Mayance, hélas - seule erreur de casting). C'est un marchand de chevaux prospère. Ayant eu maille à partir avec le nouveau seigneur local, un jeune baron arrogant, de fil en aiguille (dont l'homicide de Judith), un différend portant sur 2 chevaux de selle maltraités par le hobereau va le conduire à prendre les armes, fomentant rapidement une révolte paysanne. Film estimable, mais un brin trop long (plus de 2 h), et inégal. Cependant cette épopée (sur fond de rivalités religieuses naissantes - Kohlhaas est protestant, comme ses familiers, ses adversaires catholiques ; d'où une très belle scène avec un "théologien", identifiable comme Martin Luther lui-même qui traduisit en allemand la Bible - un saisissant Denis Lavant - même si un peu artificiellement intégrée au récit, et invraisemblable, car Luther ne quitta jamais l'Allemagne) déconcerte souvent, et s'achève brutalement, après s'être pas mal égarée, mais avec un "bouquet" final d'une grande force,
l'exécution du rebelle, à qui on vient pourtant de faire juste avant justice !
D'autres personnages parlent à dessein français avec un accent, allemand : tous "réformés", comme le parent pasteur (l'Allemand David Kross, du "Reader"), le fidèle valet César (l'helvéto-allemand David Bennent, l'acteur principal du "Tambour" de Schlöndorff, en 1979 - Volker Schlöndorff avait quant à lui réalisé en 1969 un autre "Michael Kohlhaas" !), voire le gouverneur (un autre Suisse, Bruno Ganz). Un des soldats de fortune vient même de la Catalogne, pas si lointaine (Sergi Lopez), étoffant un casting international de haut vol.