Avec « Mektoub My Love, Canto 1 », Adbdellatif Kechiche semble de par sa façon de filmer et de se concentrer sur les regards et les corps, en faire un style propre, une marque de fabrique, ici afin de retranscrire l’insouciance et la légèreté des rapports humains lors de cet été de 1994 à Sète...
Serait-ce suffisant pour devenir le chef d’œuvre dont certains parlent ?
Car sa caméra en se focalisant sur un point de vue évident, celui de l’attirance sexuelle et uniquement, n’arrive pas à dépasser cet aspect pour en faire un film très réducteur, et donc finalement plutôt superficiel lui aussi à l’image de ce qui nous est montré...
Alors on pourra bien sûr toujours parler d’un parti pris, mais à force d’étirer ses plans, de les éterniser toujours avec les mêmes effets, à force de multiplier des dialogues creux qui relèvent de préoccupation d’adolescents « Genre, elle est jalouse de moi, mais c’est moi qui devrait l’être... ! », on finit quand même par se dire que ce procédé est un peu facile et répétitif !
Et donc emprunter un peu de cinéma naturaliste façon Pialat, d’accord mais quand celui-ci est en boucle durant presque trois heures avec des scènes bien suggestives sur la plastique féminine en veux-tu, en voilà, c’est un peu beaucoup, et l’overdose guette aux entournures.
Et pourtant, il faut justement reconnaître que Adbdellatif Kechiche sait très bien montrer cette nonchalance naturelle, ce lâcher prise sur la vie, et on y entre avec plaisir, mais ce faisant à force de s’y limiter, il arrive à se saborder totalement...
On a ainsi bien du mal à entrer en empathie avec ses personnages, tant ils deviennent plus des comportements à observer, que des êtres à comprendre dans leur psychologie propre !
Même le beau Amin (Shaïn Boumedine), qui avait pourtant tant à apporter de par sa différence avec cette jeunesse surtout préoccupée par son plaisir physique et ses ragots, n’arrive pas à creuser l’écart suite à son retrait assez passif qui confine à un manque de présence flagrant, comme si le cinéaste privilégiait chez lui aussi son aspect physique avant tout...
Il y avait pourtant en parallèle de la fameuse « Patte Kechiche », trois rôles (le coureur, la manipulatrice et le contemplatif amoureux) dont l’écriture et le développement respectifs valait la peine d’être approfondis, afin de les mettre en relief vraiment, d’autant plus que leur potentiel de la part de comédiens amateurs et prometteurs, était à exploiter !
Ce cinéma plus descriptif que réflexif, saura plaire c’est sûr mais à force de s’y complaire saura aussi agacer au plus haut point, par la platitude creuse qu’il finit par créer de part et d’autre.
Le cinéaste parvient en effet sans peine à nous immerger dans cette ambiance de plaisir, de séduction, d’attirance et de sexe, et à ce jeu il est même très adroit, et on se dit que l’on baigne quasiment dans une réalité intéressante avec l’impression parfois de visionner davantage un documentaire, mais s’en contenter aussi longtemps et sans en tirer quoi que ce soit d’autre, c’est un peu juste quand même !
Alors oui après « La Vie d’Adèle » et évidemment le très beau « La Graine et le mulet »,, Adbdellatif Kechiche bénéficie-t -il sans doute d’un capital de sympathie, mais les éloges de la presse cette fois, me laissent un peu perplexe sur le fond !