Superstar : les secrets du tournage

Superstar est adapté du roman "L'idole" de l'écrivain français Serge Joncour, sorti en 2004. A l'occasion de la sortie du livre, le réalisateur Xavier Giannoli a pu lire un court résumé de l'intrigue dans un journal, ce qui lui a donné envie d'adapter ce qu'il considérait comme "une histoire de fait divers troublante."

Le réalisateur Xavier Giannoli a découvert le roman "L’idole" de Serge Joncour en 2005. L'étrange histoire d'un homme qui, du jour au lendemain, devient célèbre, sans savoir pourquoi. Très vite, il décide de ne garder que ce point de départ et d'inventer une autre histoire, des personnages (comme celui de Cécile de France par exemple). Après en avoir parlé avec sa complice Marcia Romano, il décide de rajouter une idée centrale importante : ce sera parce que cet anonyme refuse cette célébrité absurde que les gens vont encore plus s'intéresser à lui... Depuis ses courts métrages, Xavier Giannoli écrit seul ses films qui sont produits chez Rectangle par son associé Edouard Weil, avec qui il était au lycée.

Bien qu'adaptant une histoire déjà existante, Xavier Giannoli ne voulait pas s'en tenir au seul texte d'origine, et a décidé de développer une intrigue différente, avec de nouveaux personnages et de nouvelles situations. Ses inspirations les plus franches pour traiter de la folie d'un système furent le travail de cinéastes comme Alfred Hitchcock, ou d'écrivains comme Franz Kafka, notamment pour son roman "La Métamorphose."

Plus que la soudaine notoriété d'un simple inconnu, le réalisateur Xavier Giannoli et sa co-scénariste Marcia Romano ont surtout voulu développer les questions que se posent les gens qui subissent cette célébrité : "Bien au-delà de la simple célébrité, c’est la question du "sens" dans le monde d’aujourd’hui que j’ai aussi voulu poser. (...) C’est que, pour la première fois, un brave type va refuser cette célébrité et sa vulgarité, son imposture et son hystérie événementielle. Et c’est justement parce qu’il refuse cette vulgarité qu’il va avoir du succès et devenir encore plus célèbre. Comme Bartelby chez Melville, il dit : "J’aimerais mieux pas". Et on lui répond : "C’est pour cela qu’on vous aime (...)." Cette situation du refus impossible est au fond très angoissante", explique le réalisateur.

Dans le film, Cécile de France incarne une journaliste qui suit la folie médiatique autour du personnage de Martin Kazinski, joué par Kad Merad. Pour concevoir ce personnage, qu'il a écrit spécialement pour la comédienne, le réalisateur a demandé à l'une de ses connaissances, Cathy Mespoulede, réalisatrice et journaliste, de lui en apprendre plus sur le monde des médias, et plus particulièrement de la télévision. Grâce à elle, le cinéaste a ainsi pu rencontrer des dizaines de professionnels, et faire un véritable travail d'enquête avant de se mettre à l'écriture, à partir de 2009. Superstar marque ainsi les retrouvailles de Xavier Giannoli et de l'actrice du Gamin au vélo, après Quand J'étais Chanteur en 2006.

Le dernier film de Xavier Giannoli se pose comme une véritable réflexion sur la question des icônes dans une société. Comme il l'avait fait pour l'un de ses précédents courts métrages, L'Interview, en 1998, le réalisateur a relu l'ouvrage d'Edgar Morin intitulé "Les Stars". Cet essai a conditionné la réflexion du réalisateur sur les thèmes qu'il traite dans Superstar : "Une civilisation en dit beaucoup sur elle-même en désignant ses icônes. (...) Toutes les sociétés humaines ont vécu ce genre de mouvements. C’est une question médiatique et contemporaine, mais aussi anthropologique et primitive. J’ai toujours beaucoup lu sur ces sujets qui me passionnent et qui tous les jours nous crèvent les yeux."

Comme dans son précédent film A l'origine, où François Cluzet embrassait son nouveau destin dès qu'on l'avait pris pour un autre, Xavier Giannoli reprend les thèmes du malentendu, de l'imposture et de l'illusion qui lui sont chers pour Superstar. Il explique pourquoi ces thématiques sont récurrentes dans son travail : "Je suis attiré par ce décalage entre la vérité humaine et la comédie sociale. Peut-être parce que comme beaucoup de monde, j'ai peur de devenir le personnage que la société veut que je joue".

Pour représenter au mieux la folie qui parcourt le film, et qui se concentre autour du personnage de Martin Kazinski (Kad Merad), le réalisateur a voulu que Superstar illustre principalement la vitesse d'un système, et le sentiment d'inéluctabilité de celui-ci : "Tous ces décors de supermarchés, de régies télé, de parkings ou d’open space mettent bien sûr en péril l’humanité des personnages. Les espaces sont très souvent éclairés au néon et on a parfois le sentiment que la caméra s’accroche au visage de Kad pour ne pas tomber dans le vide, l’impression qu’elle veut tout accélérer pour ne pas laisser aux personnages un moment de répit. Cette sensation d’emballement est pour moi l’expression d’une autre forme d’oppression sur Martin : la vitesse. J’ai voulu commencer le film à 1000 à l’heure et ne jamais lever le pied."

Dans sa volonté de renforcer le sentiment que la célébrité, ce surplus de lumière, est le véritable moteur anxiogène de son film, Xavier Giannoli a demandé à son directeur de la photographie, Christophe Beaucarne, de faire particulièrement ressortir la part de danger de cet environnement. Ce dernier a ainsi proposé une lumière très contrastée, à la fois scintillante et menaçante, ce qui s'est avéré être un véritable défi cinématographique pour lui.

Le titre du film, Superstar, a été choisi par Xavier Giannoli en référence au titre d'une chanson du groupe "The Carpenters", qui fut reprise plus tard par Sonic Youth. Cette chanson, ironiquement, parle de l'amour passionnel d'un admirateur pour une vraie star, en opposition au personnage de Kad Merad dans le film. Pour le reste de la bande originale, le réalisateur a demandé au compositeur Mathieu Blanc-Francard de tendre vers de la musique de thriller, avec une certaine tension dramatique constante. On peut également entendre le morceau "Apocalypse" de Wycleef Jean, et des compositions de David Holmes (Piégée, Ocean's Eleven).

Le metteur en scène Xavier Giannoli a un agent aux Etats-Unis, lequel savait tout de Superstar, à l'époque où le film était encore en projet. Cet agent est également celui d'un certain Woody Allen. Six mois après le tournage de Superstar, Woody Allen a tourné un épisode de To Rome with Love (2012) dans lequel le personnage de Roberto Benigni vit une histoire présentant une étrange ressemblance avec Superstar. Comme Xavier Giannoli est un grand admirateur de l'auteur de Manhattan, il a décidé de ne pas s'étendre sur ce qui ne reste dans le film d'Allen qu'un simple gag (alors que dans son film cela devient un point de départ). Giannoli prend avec humour et modestie ses distances avec cet étrange télescopage : "J'ai même un mail accablant où cet agent s'enthousiasme pour l'originalité de mon sujet 6 mois avant le tournage de Woody Allen ! L'important après deux ans de travail, c'est désormais de préserver mon film et de tout faire pour l'offrir au public qui se fout pas mal de tout ça. On en a parlé avec Kad et on s'est dit qu'au fond, c'était la réponse la plus élégante pour défendre notre film", explique-t-il.

Superstar signe les retrouvailles du réalisateur Xavier Giannoli et de Kad Merad. Ces deux amis dans la vie s'étaient rencontrés en 1996 sur le tournage de Dialogue au sommet, l'un des premiers courts métrages du cinéaste.

Avec Superstar, Xavier Giannoli n'en est pas à sa première adaptation. Son premier film, Les Corps impatients (2003), s'inspirait déjà du roman de Christian de Montella, et son précédent film, A l'origine, s'inspirait d'un véritable fait divers.

Le tournage de Superstar s'est déroulé de fin février à mi-avril 2011, principalement à Paris. Entouré d'une grande discrétion pendant sa production, le film devait à l'origine s'intituler "Talk-Show."