Aux yeux de tous est un film personnel à travers lequel Cédric Jimenez voulait véhiculer l'idée d'une société où l'individu a de moins en moins de pouvoir et de choix pour s'en sortir, le tout sous la forme d'un thriller urbain, comme l'atteste le réalisateur lui-même : "Je pense que quand on fait un film, on se dirige naturellement vers des thématiques qui réunissent nos envies cinématographiques et obsessions personnelles. Moi, j'ai le sentiment de vivre dans une société de plus en plus oppressante (...) J'avais envie de traiter ce sujet à travers un thriller urbain, différent et tendu, à l'image des films qui m'ont le plus marqué."
Comme en témoigne le réalisateur Cédric Jimenez, "l'image de chacun est exhibée aux yeux de tous", constat qui l'a poussé à filmer toute son action au travers de caméras de surveillance, qui sont, selon lui, "les yeux de la ville". C'est cette omniprésence de l'image que le cinéaste a ainsi voulu retraduire : "Je trouvais intéressant de proposer une nouvelle grammaire visuelle qui permettrait d'inscrire le film dans notre société où l'image est omniprésente. Le rapport à l'inimité a beaucoup évolué", remarque-t-il.
Réputé pour ses choix audacieux, Olivier Barthelemy a le don de choisir des films atypiques : après Sheitan (2005) et Notre jour viendra (2010), c'est le troisième projet hors normes auquel participe le comédien, qui reconnaît faire des choix à la fois modernes et déroutants : "J'ai avant tout envie d'appartenir à ma génération et à celles qui arrivent. Et donc de faire mes armes avec des gens de mon âge et de faire profiter de l'expérience que je commence à accumuler à des jeunes réalisateurs. De manière générale, j'aime faire partie des premiers films où on ne construit rien sur le passif ou le passé de tel ou tel. Mais où on fonctionne juste sur l'envie de faire du cinéma et de raconter une histoire", affirme-t-il.
Olivier Barthelemy accorde beaucoup d'importance à la sincérité qui émane d'un rôle, raison pour laquelle il dit ne pas s'être trop éloigné de lui-même pour composer son personnage, tenant simplement à lui injecter une certaine ambivalence : "J'ai choisi de rapprocher ce Sam de celui que je suis dans la vie et partir de là pour aller vers ce que Cédric souhaitait". Dans le but de renforcer simplement la crédibilité du personnage, l'acteur a également suivi un rapide entraînement physique.
L'actrice Mélanie Doutey a eu très peu de temps pour se préparer au rôle, puisqu'elle n'est arrivée sur le projet que 2 semaines avant le début du tournage !
Selon Mélanie Doutey, le fait que le film soit à ce point haletant coïncide parfaitement avec la société de consommation dans laquelle nous vivons : "Le fait de ne jamais pouvoir vraiment reprendre son souffle est d'ailleurs, je trouve, aussi très lié au rythme de notre société."
Le réalisateur Cédric Jimenez a fait appel à des pionniers de la musique électronique française avec Julien Jabre et Michael Tordjman pour conférer à son film un rythme entêtant, comme il le souligne : "J'avais envie dès le départ d'un son électrique et viscéral. Et il était assez évident qu'il allait occuper beaucoup de place dans ce film peu bavard."
950 ! C'est le nombre de plans que contient Aux yeux de tous. Tous ces plans sont truqués, le film impliquant en effet un gros travail d'effets spéciaux, chose que le réalisateur qualifie lui-même de "folie", en déclarant : "L'ensemble des 950 plans de ce film sont truqués. C'est Sebastien Drouin (le superviseur des effets visuels) qui a accepté cette folie". A noter également que ce dernier a travaillé pour Oliver Stone et Wong Kar-Wai !
Pour le montage de son film, le cinéaste affirme avoir mis 20 semaines avec l'aide de deux monteurs. Selon lui, certaines scènes relevaient du "vrai casse-tête". Il se souvient du travail que cela a demandé à son équipe : "Chez le hacker, c'était particulièrement acrobatique : il fallait faire cohabiter plusieurs images dans chaque plan et coordonner les mouvements du comédien avec les différents écrans qu'il surveille", explique Cédric Jimenez.
Cédric Jimenez avoue qu'il n'a pas tenu à trop faire répéter ses acteurs avant le début du tournage. Il tenait à ce que leur rencontre ne soit pas "déflorée" et conserve toute sa charge électrique. Le cinéaste poursuit en ces termes : "J'aime ne pas tout prévoir et laisser la place à d'éventuels accidents heureux."
Pour que l'effet n'en soit que plus convaincant lors des scènes filmées en caméra de surveillance, le réalisateur affirme avoir travaillé sur la création de mouvements robotiques afin de rester fidèle à l'idée qu'on se fait du "pilotage" de ces engins. Il revient sur la mise en place du procédé : "Il fallait recréer les mouvements robotiques à l'image d'une caméra de surveillance que l'on pilote."
Mélanie Doutey et Olivier Barthelemy incarnent ici des personnages qui sont l'emblème d'une société au pied du mur. Prêts à renoncer à tous leurs principes pour se sortir de cette vie, ils représentent le miroir d'une "citoyenneté à bout de nerfs", oppressée et désillusionnée. Le cinéaste Jimenez insiste sur cette idée en éclairant son point de vue : "Mélanie et Olivier incarnent un couple mis au pied du mur par les soucis financiers, à court de solutions."
Le mouvement des Anonymous, ces pirates informatiques contestataires qui émettent la volonté de changer le monde à travers leurs actes, ont inspiré Cédric Jimenez et Audrey Diwan pour écrire Aux yeux de tous. Selon eux, il s'agit d'une représentation forte de l'identité collective, d'où la volonté de faire en sorte que tout le film se déroule du point de vue d'un hacker anonyme.
Après Die Hard 4 ou Millenium, Aux yeux de tous donne un nouveau coup de projecteur sur ces fameux pirates d'un nouveau genre : les hackers. Bien sûr, pour que le film ne soit pas trop technique, le cinéaste confie avoir simplifié leur langage informatique pour rendre le tout compréhensible.