Comédienne d'une sincérité rare, Sandrine Bonnaire prouve avec se premier long-métrage de fiction que l'on peut utiliser le même qualificatif pour la réalisatrice. Avec un talent de mise en scène certain, elle construit un film poignant ou tout se joue dans les silences et les non-dits, d'où la logique des nombreuses ellipses temporelles ponctuant le récit. "J'enrage de son absence" traite avec sensibilité de l'impossible deuil que représente la perte d'un enfant. L'impeccable William Hurt, tout en chagrin et désespoir contenu, et Alexandra Lamy, à l'évidence bien meilleure actrice qu'on pouvait le penser, donnent vie à ses parents détruits par la mort de leur fils Matthieu dans un accident de voiture dix ans plus tôt, chacun réagissant différemment à ce drame. Mado semble être passée à autre chose, elle s'est remariée et a un autre fils, Paul (Jalil Mehenni, excellent). Mais la douleur est seulement enfoui, un peu comme cette boîte remplie des jouets et vêtements du fils disparu est cachée au plus profond de la cave. Jacques, au contraire, porte sa souffrance sur sa figure et est dans l'incapacité totale d'avancer. Lorsque Jacques se cache dans la cave de l'immeuble ou vit Paul et ses parents pour être plus prés de lui, alors certes c'est d'une invraisemblance totale. Pourtant le symbole est fort. La cave, s'est à la fois le ventre de la mère, le lieu de l'enfantement, un environnement protecteur, et un tombeau, la mort intérieure de Jacques. "J'enrage de son absence" à par ailleurs le mérite de s'arrêter au bon moment, sans chercher à donner une solution au deuil puisqu'il n'y en a pas.