Après avoir signé son premier film, Stella, largement autobiographique, la cinéaste Sylvie Verheyde confesse avoir eu envie de s'évader, raison pour laquelle elle s'est ensuite tournée vers la littérature pour réaliser son second long métrage, Confession d'un enfant du siècle. Inspiré d'un roman d'Alfred de Musset, le film, dont l'action se situe au XIXème siècle, présente pourtant d'étranges résonances avec le monde d'aujourd'hui : dans les deux cas, "on ne sait pas de quoi demain sera fait mais (...) on sait qu’hier est mort", explique la réalisatrice, qui poursuit en ces termes : "Il y a dans les causes d’émergence du Romantisme des liens forts avec notre époque". Entre le désenchantement envers la société et la politique, ou encore la contamination de cette désillusion sur la confiance en l’autre, nombreux sont les thèmes qu'aborde ici la réalisatrice…
Lorsque l'on demande à Sylvie Verheyde comment lui est venue l'idée d'établir un lien entre littérature et cinéma, elle avoue que tout cela s'est opéré par la musique ! En réalité, la cinéaste, attirée par la chanson depuis toujours, a commencé par réaliser un clip, avant de passer aux courts, puis aux longs métrages.
Sylvie Verheyde admet ne jamais s'être destinée aux métiers du cinéma, considérant même les cinéphiles comme "des gens qui ne vivaient pas". Étant plutôt passionnée de littérature, c'est grâce aux films de Scorsese qu'elle a finalement décidé de s'orienter vers le septième art, découvrant soudain un lien intrinsèque entre littérature et cinéma. Elle déclare d'ailleurs : "Ce qui m’a donné envie de poursuivre dans cette voie, c’est Scorsese. Je le trouve très balzacien !" Même si la réalisatrice aborde son métier avec beaucoup de références littéraires, elle se réserve tout de même le droit de remanier les textes lorsqu'il est question de les adapter sur grand écran.
Pour incarner Oscar, le personnage principal de Confession d'un enfant du siècle, Sylvie Verheyde a choisi Pete Doherty car selon elle, "il symbolise le poète à la fois sacralisé et maudit, comme Musset en son temps". Son choix s'est avéré légitime quand les producteurs ont mesuré le degré d'implication du chanteur, qui est passionné de cinéma depuis toujours et qui connaissait le scénario par cœur un an avant le début du tournage. Contrairement à sa réputation, Pete Doherty s'est montré très sérieux et a accepté de passer des essais, mais aussi de se prêter à l'exercice de la promotion, faisant une fois de plus la preuve de sa bonne volonté. Au final, le comédien débutant livre ici une interprétation toute en retenue, "comme absent à lui-même", "en quête de paix intérieure", et opte pour une composition où la pudeur est de mise.
Pete Doherty, plus connu pour sa carrière de musicien et ses frasques en tous genres que pour ses talents d'acteur, a posé quelques problèmes à la cinéaste, qui a tenu à l'embaucher malgré les nombreux obstacles qu'a entrainé ce choix hors norme. En effet, les banquiers se sont soudain montrés réticents au financement du projet, et comme l'explique Sylvie Verheyde, l'image plutôt rock'n'roll de son acteur ne correspondait pas vraiment à l'idée que les producteurs se faisaient d'un film d'époque. La réalisatrice revient sur les difficultés rencontrées : "En ce qui concerne Peter [Doherty], soit les financiers ne le connaissaient pas, soit les banquiers n’en voulaient pas, soit il fallait tout réactualiser pour faire une sorte de sitcom rock pour les jeunes !", déplore-t-elle. Pas facile pour cette dernière qui avait déjà connu son lot de mésaventures avec JoeyStarr, lors de l'écriture du scénario de Scorpion.
Adapter Musset en anglais n'a pas été du goût de tout le monde, et là encore, Sylvie Verheyde a dû se battre pour imposer son choix, mais ses efforts ont payé puisque le roman Confession d'un enfant du siècle va pour la première fois être édité en Angleterre, préfacé par Pete Doherty en personne. Comme s'en réjouit la cinéaste, "grâce au film, la culture française va s’exporter !"
Pour Confession d'un enfant du siècle, la plupart des dialogues respectent fidèlement la prose d'Alfred de Musset. La cinéaste justifie sa démarche en déclarant : "Je tenais à rester le plus fidèle possible au roman (...) J’étais aussi sensible à la beauté de sa langue avec l’envie de la faire partager. Je voulais garder ce côté un peu précieux, élégant des répliques, tout en explorant le sous-texte". Son film est donc le résultat d'un subtil mélange entre tradition et modernité, ce qui ne l'a pas empêchée de modifier certaines scènes à sa manière, en supprimant quelques dialogues, comme pour la scène du bal, par exemple, ce qui n'était pas planifié à l'avance.
Lorsqu'il s'agit d'évaluer les capacités de ses comédiens et d'élaborer avec eux leurs rôles respectifs, Sylvie Verheyde n'est pas partisane des répétitions entre acteurs. Elle préfère tout simplement leur donner directement la réplique en jouant le scénario avec eux ! Elle raconte ainsi le rapport qu'elle a établi avec ses deux têtes d'affiche : "J’ai joué avec [Charlotte Gainsbourg], comme avec Pete Doherty, tous les rôles du scénario. Mais l’approche globale a été différente : avec Peter, cela relevait du jeu d’enfants, alors qu’avec Charlotte, on est davantage dans la réflexion, le doute". Quant à sa façon de diriger les acteurs, la cinéaste affirme : "Il y a un cadre rigoureux, à l’intérieur duquel je [leur] laisse de la liberté."
Avant le tournage, l'angoisse s'est emparée de plusieurs membres de l'équipe : tandis que Sylvie Verheyde craignait de ne pas être légitime et de trahir la mémoire d'Alfred de Musset, Pete Doherty, quant à lui, était inquiet à l'idée de ne pas être à la hauteur. La cinéaste se rappelle des angoisses du chanteur : "Je lui ai proposé de composer une chanson pour la fin du film. Il s’est mis la pression tout seul, parce qu’il voulait la plus belle chanson du monde", déclare-t-elle amusée.
Le père de Charlotte Gainsbourg avait déjà adapté Alfred de Musset dans sa chanson La nuit d'octobre. Il s'agissait d'un poème éponyme publié en 1837.