Le réalisateur Michael Rowe explique comment lui est venue l'idée de ce film : "Un jour quelqu’un m’a parlé d’une femme assez conservatrice qui avait accepté d’entrer dans une relation sado-masochiste pour garder son amant. L’idée a retenue mon attention, le scénario celle d’une jeune maison de production. Et voilà."
Michael Rowe, le réalisateur du film, vit au Mexique depuis 16 ans. Metteur en scène australien vivant à Mexico, il a étudié la littérature post-coloniale anglaise à l’Université de La Trobe. Il est l’auteur de trois pièces de théâtre Impudence and innocence, Reprise for Godot, et Sexual harassement. Il a été le lauréat du Melbourne Fringe Festival Poetry Prize. En 2005, il est récompensé par le Mexican Film Institution Stimulus Program for Writers, pour son script Naturaleza muertas. Année bissextile marque ses débuts dans la réalisation. Il a écrit le scénario en espagnol, avec des personnages mexicains, et a filmé avec des subventions, une distribution et une équipe entièrement mexicaines. Cependant, du point de vue du récit, le cinéaste explique que sa sensibilité s’est forgée en Australie.
Le tournage n'a pas été précédé de répétitions à proprement parler. Le réalisateur revient néanmoins sur le choix des comédiens et la façon dont il a travaillé avec les deux acteurs principaux: "Gustavo travaillait sur un autre film et son emploi du temps était tellement serré que nous n’avons eu que quelques heures pour discuter autour d’un déjeuner, la veille du tournage. Mais c’est un vrai plaisir de travailler avec quelqu’un d’aussi talentueux et professionnel. Nous avons un peu parlé du caractère de son personnage, et ça lui a suffi. Il l’a cerné tout de suite et ne l’a plus lâché. Quant à Monica… Le jour de son audition, elle m’a fait pleurer. S’il y a bien une chose sur laquelle je savais que je pouvais compter pendant le tournage, c’était son immense talent d’actrice. Ce que je voulais, ce n’est pas qu’elle soit capable de réciter toutes les répliques à la virgule près, mais plutôt qu’elle comprenne tous les aspects de son personnage. Nous avons travaillé ensemble quasiment tous les jours pendant deux mois avant de commencer le tournage. Nous avons épluché le scénario dans le moindre détail, chaque mot, chaque réplique, chaque geste. Elle m’a posé une foule de questions, jusqu’à ce qu’elle connaisse son personnage aussi bien que moi. Parfois même mieux que moi, j’ai l’impression".
Le réalisateur revient sur les deux personnages principaux, façonnés selon lui par la société contemporaine mexicaine: "Ce sont deux personnages assez solitaires et renfermés. Ils sont le fruit d’une société pour qui le sexe est davantage une activité récréative qu’un moyen d’instaurer ou d’explorer une intimité. Pourtant, c’est justement cela qui leur manque plus que tout : une véritable connexion émotionnelle avec un autre être humain".
Michael Rowe souhaitait également aborder le thème de la marginalité. Il le fait à travers le personnage de Laura, une jeune mexicaine d'origine indienne, revenant ainsi sur l'origine même de l'identité nationale mexicaine et son histoire: "Je m’intéresse aux personnages marginaux, qui vivent et meurent hors des cercles du pouvoir, et qui se bâtissent une existence dans les espaces qu’on veut bien leur laisser. Cinq cent ans après la conquête espagnole, les clivages socioéconomiques du Mexique sont encore étroitement liés à la fracture raciale du pays. Les cinq pour cent les plus riches de la population sont généralement issus de familles européennes, et les soixante-dix pour cent les plus pauvres sont, dans l’ensemble, issus des communautés indiennes. Ce film décrit les rapports de pouvoir entre un homme et une femme, mais à bien des égards, c’est aussi une métaphore sur la dichotomie complexe entre bourreau et victime qui se situe, je pense, au coeur même de l’identité nationale mexicaine".
Pour Michael Rowe, le foyer est une métaphore de l’âme et en ce sens, le film explore l’esprit de Laura dans ses moindres recoins. Il explique qu'il était ainsi primordial de circonscrire le récit dans un seul lieu car le changer n’aurait fait que relâcher la tension accumulée. D'autre part, le réalisateur aimait l'idée que cette promiscuité constante mette le spectateur dans le même état d’isolement émotionnel que son personnage: "Le calendrier et la photo du père de Laura nous renvoient au véritable ressort psychologique de la dépression de la jeune femme et de son auto-flagellation sexuelle : la relation empreinte de culpabilité qu’elle entretenait avec son père aujourd’hui décédé".
"Je voulais que le sexe ait l’air réel, mais qu’il soit complètement dénué d’érotisme. Au cinéma, on a l’habitude de voir des scènes de sexe avec gros plans et fondus enchaînés, sur fond de musique romantique. Cela se rapproche peut-être de notre expérience subjective de la sexualité, mais si vous vous asseyez dans une chambre et que vous regardez deux personnes en train de forniquer sur un lit, ce n’est pas la même histoire. C’est la transpiration, les gémissements, la salive… Ce n’est pas aussi beau à regarder que, disons, un ballet. C’est ce que j’ai cherché à représenter : l’acte sexuel cru, contemplé froidement. Les plans larges et l’absence de mouvements de caméra n’étaient pas là pour ôter tout romantisme ou érotisme à l’action. J’ai simplement voulu montrer l’acte tel qu’il est."
Le réalisateur révèle que le film a eu du mal a trouver un distributeur au Mexique, en particulier à cause de la violence sexuelle montrée à l'écran.
Présenté en compétition officielle à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2010, Año bisiesto a remporté la Caméra d'Or, de la part du jury présidé par Gael García Bernal.