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Si à l’heure du tout numérique, les effets spéciaux permettent des incrustations, des retouches invisibles et soignent les aspects visuels d’un film, on peut également noter parfois un débordement outrancier qui fait abandonner toute forme de narration, au dépend d’un visuel fracassant. Gravity se pose aujourd’hui comme l’antithèse exact de tout ça. Alfonso Cuaron, artiste visionnaire, vient de changer la donne, 4 ans après Avatar. Suivant les pas d’Orson Welles ou même de Stanley Kubrick, le réalisateur mexicain semble être le pendant moderne de ses ainés (malgré les beaux projets de David Fincher par exemple, à qui, il manque cette profondeur de fond, parfois).
Peu nombreux sont les artistes qui ont pu redéfinir complètement la grammaire d’un cinéma de plus en plus cloné ces dernières années. Alfonso Cuaron en est le nouveau souverain.
Le challenge qu’il a tenté de relever est donc ici mis en forme dans l’espace. On comprend mieux le besoin d’appliquer son histoire dans le vide spatial quand tout le long du métrage autant d’images et d’archétypes sont livrés au spectateur.
Gravity est un film immersif. La réussite tient au fait d’avoir su se servir d’une technologie, et d’en créer également, pour les besoins spécifiques de ce tournage, sur la façon d’éclairer et filmer (on passe sur les détails production, liens ci-après : * - *).
Il est difficile de croire que Gravity ait été tourné en studio (plus quelques plans lors de vols hyperboliques) tant la sensation d’espace nous saute aux yeux à chaque plan, chaque mouvement des acteurs. Les plans séquences étirés dans la longueur, pour notre plus grand plaisir, forcent la magie du regard, la rétine se voit éblouie par la finesse des plans autant dans leur composition, leur volume, que par la photographie du film, Emmanuel Lubezki (fidèle du réalisateur et de Terence Malick) n’est pas étranger à cette réussite.
En outre, le lightning est vraiment impressionnant et innove sur le plan du réalisme. C’est donc une vraie révolution visuelle que propose Alfonso Cuaron, fruit d’années de préparation. Là où le spectacle cinématographique est rendez-vous, en totale adéquation avec une retranscription sonore parfaite de l’œuvre. Liée à des recherches technologiques poussées, la trame sonore du film est à l’unisson avec le visuel, une bande son de Steven Price, discrète et terriblement efficace autant par sa rareté que dans sa composition, mais également par son montage son fin et précieux. Equilibré, crédible, qui joue habilement autant avec « l’intérieur » au sens large, que les respirations des personnages ; où comment rendre les silences essentiels, car mesurés et parsemés à bon escient tout au long d’un film. Ce travail méticuleux, et partie intégrante de la réussite de Gravity, doit une fois de plus être mis en avant quand trop souvent le travail sonore des films est laissé de côté. Le film devient presque un cas d’école sur ce point.
Pour atteindre la plus haute marche c’est parce qu’à cet aspect divertissant vient s’ajouter une trame de fond passionnante. Au sensoriel vient alors se conjuguer le sensationnel. Alfonso Cuaron place ses personnages dans l’infiniment grand pour mieux sonder ce qui se trame au plus profond de l’humain. Peu de hasard si le personnage principal est féminin, l’idée maternelle est alors directement liée à celle de l’image de la Terre, présente tout au long du film, berceau de l’humanité. Sandra Bullock (qui a remplacé Angelina Jolie, ouf !) représente idéalement cette image maternelle perdue dans l’espace. On voit clairement le côté survival du film et l’allégorie du combat de cette femme pour aller chercher au fond d’elle-même les forces pour une (re)naissance, exprimée au sens propre comme au figuré. Les images du film suggèrent de manière plus ou moins appuyée la renaissance psychologique par les expériences constructives liées à l’enfance, et le discours ira même plus loin quand on nous baignera dans l’origine de la vie, dans sa manière formelle comme dans sa représentation.
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Force est de constater que les deux interprètes principaux, George Clooney et surtout Sandra Bullock portent avec assurance et délicatesse leur personnage respectif. L’actrice livre d’ailleurs ici un de ses plus touchantes prestations.
Et quand dans ce surplus d’images plus suggérées que subjectives on pouvait trouver un bémol, au sens trop appuyé, c’est pour s’apercevoir que le réalisateur inscrit toutes ces séquences dans un tout qui fait sens et force. Et nous emporte dans un dernier quart d’heure, aussi majestueux que les quinze minutes qui ouvraient Gravity. Comme une réponse de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
Bien loin d’une leçon de cinéma, maître d’œuvre d’un film qui fera date, Alfonso Cuaron a su magnifier son savoir-faire de metteur en scène à son talent d’écriture, comme-ci, dans un seul film tout se rejoignait pour le plaisir du spectateur et de son auteur. Là où le cinéma numérique et la 3D prennent enfin leur sens, c’est paradoxalement dans une sorte de huis clos passionnant aux frontière invisibles, là où l’homme construit ses questionnements en même temps que ses peurs. Au-delà de la psychologie bas de gamme, Alfonso Cuaron met en image (et en son) l’expérience ultime du cinéma, comme tant d’autres ont pu l’être avant lui, mais qu’on retrouve trop rarement. A chacun d’accepter cette invitation et de se laisser aller au plus profond d’une salle, de l’espace et finalement de soi-même. Eblouissant !