Les jeunes filles en fleurs n’ont pas eu à attendre longtemps pour retrouver sur grand écran une histoire fantastique et terriblement mièvre. On imagine déjà les producteurs en train de se frotter les mains face aux recettes que pourront engendrer l’adaptation d’une énième love story à la guimauve, pour adolescents mal dans leur peau. Dans "Sublimes créatures", comme dans "Twilight", deux lycéens, Ethan et Léna, tombent amoureux alors que tout les oppose, sauf que dans cette nouvelle interprétation de "Roméo et Juliette" en Amérique, c’est la fille qui a des pouvoirs surnaturels et le garçon qui est le héros principal de l’histoire (en gros c’est "Twilight" inversé). Les acteurs seniors confirmés (Jérémy Irons et Emma Thomson) jouent bien (on se demande simplement pourquoi ils se sont égarés dans cette production), la belle et jeune héroïne, Alice Englert (fille de Jane Campion) est assez crédible. Mais ça ne suffit pas à rattraper le vide abyssal du scénario. Ainsi, vendu comme le nouveau "Twilight" (on voit tout de suite le niveau), il est vrai que "Sublimes créatures" a un bon paquet de points communs avec la saga vampirique pour midinettes : il est également tiré d’un livre pour la jeunesse, et il raconte aussi l’histoire d’amour impossible de deux ados (dont, exactement tout comme dans "Twilight", on ne comprend jamais vraiment pourquoi elle est réellement si impossible que ça) et aspire à faire rêver les jeunes de la planète entière avec une bonne dose de fantastique. Sauf que, sur le papier, "Sublimes créatures" est bien plus intéressant que "Twilight". Déjà parce que les deux personnages principaux sont bien moins fades, égoïstes et mièvres que Bella et Cullen, aussi parce qu’une bonne dose d’humour est glissée entre les lignes et enfin parce que l’histoire qui nous est contée est assez riche et ne repose pas que sur l’amour des deux héros. Il reste cependant que l’histoire qui gravite autour de l’histoire d’amour entre nos deux héros (qui ne sont pas vraiment intéressants eux aussi tant ils sont clichés, peu développés, superficiels et creux, on ne va pas se mentir) est celle
d’un affrontement profondément manichéen entre la lumière (représentée par nos héros et l’oncle de Léna, Macon, ainsi que Amma, la protectrice d’origine africaine d’Ethan qui a veillé sur lui depuis la mort de sa mère) et les ténèbres (représentées par la mère manipulatrice de Léna, Saraphine, enchanteresse maléfique et aussi mère de l’ami insipide sidekick d’Ethan nommé Link)
. Si on ajoute à cela le soi-disant BG (beau gosse) de héros, qui selon certaines critiques ressemblerait à Léonardo Di Caprio, dont le regard est inexpressif, et dont la voix ne semble pas encore avoir muée, et qui dispose d’un sex appeal inexistant, "Sublimes créatures" est bon pour égaler (voire surpasser) "Twilight" dans sa razzia de "Razzie Awards". Pour ne pas être complètement négatif, "Sublimes créatures" a tout de même un avantage sur la saga "Twilight". Ici, exit le côté moralisateur des mormons, les héros échangent leur salive dès le premier épisode ! Espérons pour eux qu’ils n’aient pas besoin de se marier pour avoir le droit de goûter au fruit défendu ! L’autre bonne nouvelle, c’est qu’il y a très peu d’erreurs de casting dans ce film, mis à part Emmy Rossum dans le rôle de Ridley Duchannes, la cousine de Léna, à qui ce rôle de peste va très mal. Jérémy Irons, Viola Davis et Emma Thomson sont logiquement parfaits. Pour ma part, la vraie surprise vient d’Alden Ehrenreich et Alice Englert, les deux acteurs principaux, qui sont plutôt justes et auxquels on s’identifie facilement. Pour moi ils étaient inconnus au bataillon, et ils méritent tous les deux une belle carrière par la suite. Alden Ehrenreich a d'ailleurs récemment, en 2018, interprété un bien meilleur rôle, bien plus iconique, celui du jeune Han Solo dans le spin-off signé Disney "Solo : A Star Wars Story". D'ailleurs, je fus surpris de voir que Lena Duchannes n'est pas interprétée par une actrice sublime, comme on peut s'y s'attendre dans ce genre de films. Pas moche mais pas canon non plus, elle (Alice Englert) se distingue par un charme fou, digne d'une enchanteresse. Seulement le réalisateur avait les ingrédients pour nous concocter un teen movie fantastique dans les deux sens du terme et il nous pond un film encore plus kitsch que "Twilight". La photo est moche, les décors et costumes ridicules, les effets spéciaux sont très limites... Impossible d’y croire et de rentrer dedans une seule seconde. Si il n’y avait pas eu quelques noms connus et que j’étais tombé dessus pendant les fêtes de Noël je me serais forcément dit qu’il s’agissait d’un téléfilm ou d’un film des années 90 dans le meilleur des cas. Pas vraiment moderne en résumé. Vu les scores catastrophiques enregistrés par le film aux Etats-Unis (ouf), le film n’aura pas de suite et heureusement car on s’ennuie du début à la fin, le film manque cruellement de rythme et d’enjeux dramatiques (il y a certes
une mort, celle de l’oncle Macon l’oncle de Léna interprété par Jeremy Irons mais qui est très mal amenée et qui donc manque d’émotion
) avec un côté manichéen assez dépassé (la fille qui doit choisir
entre la lumière et les ténèbres
, quelle originalité !), les musiques sont pompées sur "Twilight", l’univers est totalement téléphoné, il y a
pas mal de repompes sur la saga inventée par Stephanie Meyer, Ridley a par exemple le même foulard qu’Alice dans "Twilight-Chapitre 2 : Tentation"
... L’univers a une certaine richesse mais il est très mal retranscrit à l’écran, tout fait survolé
avec une antagoniste bâclée (la mère de Léna, enchanteresse maléfique qui veut régner sur le monde, interprétée par Emma Thompson qui vient ici gâcher son talent, et qui meurt de façon peu crédible tuée par sa fille et dont les motivations sont bâclées)
. Certes on a affaire à des enchanteurs et non plus des vampires et autres loups-garous habituels, on rit une ou deux fois, et le personnage principal est attachant (ce pauvre garçon). Mais les points positifs s’arrêtent ici. Le manoir de tonton du début annonce parfaitement l’esprit du film : du noir, du blanc, pas de gris. Le film ne connaît pas la nuance. Tout n’est qu’un ramassis de clichés même pas assumés, en vrac :
la protectrice noire est une voyante, sage et gardienne, le vieux bonhomme dont on ne sait pas si il est sympa ou non, la mère timbrée
, le jeune homme solitaire et son ami rigolo, nommé Link et interprété très fadement par Thomas Mann (acteur qui m’avait irrité au plus haut point dans cette grosse bouse de "Projet X" mais qui a fait quelques bons rôles quand même dans sa vie) et qui
ne sert strictement à rien dans l’intrigue (mais alors vraiment à rien)
, les gourdes du lycée... Mais le vrai problème du film est son traitement. Prenez du film pour ados avec un semblant de potentiel et traitez-le comme un navet pour enfants façon téléfilm bâclé : dialogues dignes de l’école primaires, effets spéciaux en carton (et son lot de faux raccords), scénario prévisible depuis l’affiche, jusqu’aux galeries souterraines d’enchanteurs (si, si). Autant dans un film "Twilight" le côté "sentiments dégoulinants" est assumé et traité comme tel, autant dans "Sublimes créatures" presque tout tombe à côté de la plaque. Le pire reste quand même
l'affrontement final qui reste bâclé et totalement inintéressant et incompréhensible, avec un dénouement final qui rabaisse le drame du film considérablement en étant un happy end niais et enfantin et qui rend les déjà très faibles enjeux dramatiques vains et artificiels
. Une dernière perle pour la route :
les enchanteurs hommes peuvent aller contre leur magie et devenir lumière même s’ils sont ténèbres, et les femmes sont définies par leur nature
. Si au millième degré et de manière ironique c’est un précieux teenage movie à découvrir, c’est au premier degré et sans exagérer objectivement un mauvais film, mal écrit et sans vie, surfant sur une vague fantastico-romantique qui commence doucement à se faire indigeste, et qui ne donne pas une seconde envie de découvrir les romans d’origine. Il commence vraiment à y en avoir marre de tous ces films niaiseux et décérébrants qui pourrissent le cinéma populaire de nos jours, et qui au final se ressemblent un peu trop tous à mon goût...