Frederik Gertten a conscience du rôle que chacun joue dans ce genre de cas. Le comportement de tous doit être pris en compte. Depuis cette affaire, le cinéaste suédois consomme moins de bananes et tente de privilégier des produits certifiés "commerce équitable". Frederik Gertten sait qu'il est impossible d'avoir un comportement entièrement irréprochable et ne souhaite pas prêcher la moralité. De son point de vue, Bananas! n'a pas pour but de culpabiliser ou de déprimer le public. Le changement ne vient pas du désespoir mais bien de l'espoir que nos actions comptent vraiment.
Frederik Gertten est devenu de plus en plus sûr de ses prises. Tandis qu'avant il laissait les caméras filmer sans interruption, il les contrôle aujourd'hui davantage. Malgré tout, le matériel brut récolté pour Bananas! s'est étendu sur cinquante jours d'entretiens et près de soixante à soixante-dix heures de film. Tandis que la méthode américaine veut que l'on commence par garder une version de plusieurs heures au montage, le réalisateur a privilégié l'isolation de scènes potentielles.
Pour le réalisateur, le casting représente un élément vital du travail même s'il est souvent caché, sous-estimé ou même méprisé dans le cas des documentaires. Une grande histoire a toujours besoin d'un personnage principal réussi. Ainsi, Frederik Gertten n'hésite pas à dire qu'il a mis en avant les caractéristiques de certaines personnes dans le film à l'aide d'expressions faciales, de soupirs ou encore de sourires.
Le réalisateur explique son intérêt pour l'affaire tout d'abord par la curiosité qu'il l'a poussée à enquêter sur l'utilisation de pesticides interdits (et qui lui vient probablement de son expérience journalistique). D'autre part, Frederik Gertten a pris rapidement conscience de l'étendue du problème qui ne touche pas seulement le Nicaragua, mais aussi des travailleurs pauvres de Côte d'Ivoire ou encore des Philippines. Nombre d'entre eux, travaillant également pour la multinationale Dole, l'ont ainsi contacté pendant le tournage. Il souhaitait également, à travers ce documentaire, mettre en lumière le dilemme moral dont il est question: le prix payé par ces travailleurs pauvres pour la nourriture que nous mangeons. Enfin, pour Frederik Gertten, une des fonctions primordiales du documentaire politique engagé est de montrer ceux dont on parle le moins, les populations locales et non les dirigeants.
Frederik Gertten est un des réalisateurs de documentaires les plus populaires en Suède. Il a néanmoins commencé sa carrière comme journaliste spécialisé dans les affaires internationales. Il a ensuite réalisé plusieurs films sur des projets architecturaux de la région de Malmö, dans son pays d'origine. Il s'était déjà intéressé à l'Amérique du Sud dans son documentaire An Ordinary Family dont le sujet était la vie d'une famille argentine devenue pauvre suite à la crise financière qui toucha la région au début des années 2000. Malgré un accueil limité en Suède, ce documentaire lui a valu une reconnaissance internationale, ce qui l'a amené à réaliser ensuite Bananas!.
Juan Dominguez, avocat célèbre officant à Los Angeles (et faisant parti du club très fermé des avocats payé près d'un million de dollars par affaire), a décidé de représenter près de 10 000 Nicaraguayens affirmant être victimes du pesticide Nemagon et d'attaquer en justice les entreprises Dole Food et Dow Chemicals jugées responsables de son utilisation. La multinationale Dole est ainsi accusée de s'être servie de ce dangereux pesticide, interdit dès les années 1970, qui est peut-être la cause de graves problèmes de santé et de stérilité touchant les paysans travaillant sur les grandes exploitations bananières d'Amérique Latine. Le film met en lumière ce que l'on désigne aujourd'hui comme le néo-colonialisme, c'est-à-dire l'exploitation des pays pauvres par les nations les plus riches comme les Etats-Unis.