La première évocation de Liberace faite par Steven Soderbergh à Michael Douglas remonte à 13 ans, sur le tournage de Traffic. "Steven m'a demandé à brûle-pourpoint si j'avais déjà envisagé de jouer Liberace", révèle le comédien, le cinéaste ajoutant : "Michael s'est aussitôt lancé dans une imitation à l'improviste que j'ai trouvée excellente". Bloquant sur l'angle à adopter, ce n'est que plus tard que le réalisateur l'a trouvé, lorsqu'il a découvert le livre de Scott Thorson, Behind the Candelabra, sur les conseils d'un ami. "J'ai trouvé le titre génial [Derrière le candélabre], je l'ai lu et ça m'a totalement débloqué, de me concentrer sur une période bien définie de sa vie", indique Soderbergh. C'est ensuite Richard LaGravenese qui a écrit le scénario de Behind the Candelabra.
Le film ayant été jugé "trop gay" pour une projection en salles aux Etats-Unis, le long métrage de Soderbergh - qui est pourtant un réalisateur reconnu aux Etats-Unis ! - n'a pas trouvé de distributeur sur le territoire américain, et a donc été diffusé fin mai sur la chaîne HBO, qui l'a produit. Behind Candelabra (titre original de Ma vie avec Liberace), y a réalisé une audience record pour une production de la chaîne, avec 2,4 millions de téléspectateurs.
Pour l'équipe du film, Ma vie avec Liberace est avant tout une histoire d'amour, telle que peuvent en vivre beaucoup de couples. "Ce qui m'a plu, dans le livre, c'est que les discussions qui y sont rapportées sont de celles que peuvent avoir tous les couples. Ce qui est moins banal, c'est le cadre dans lequel ces discussions avaient lieu", précise le metteur en scène. D'un côté, un pianiste virtuose, doté de la fibre du spectacle, qui comptait parmi les musiciens les mieux payés au monde ; de l'autre, un jeune garçon adopté et en manque de repère, soumis au monde impitoyable du show business. Et un amour sincère qui n'y a pas résisté.
Ma vie avec Liberace a été tourné à Las Vegas, à Palm Spring et à Los Angeles, dans des lieux authentiques, ayant fait partie de la vie de Liberace ou de son amant : son appartement à Los Angeles, le bureau de poste de West Hollywood où Scott Thorson a travaillé après leur séparation, l'église Our Lady of Solitude où eurent lieu les funérailles de Liberace, ou encore la scène et la salle d'exposition du Las Vegas Hilton où le musicien donnait son spectacle. Il en est de même pour plusieurs objets. C'est d'ailleurs le cas de la Rolls-Royce argentée conduite sur scène par Matt Damon, réellement utilisée à l'époque par Liberace lors de son show. Celle-ci, ainsi que de nombreux accessoires, ont été empruntés au Liberace Museum de Las Vegas, bien connu du producteur Jerry Weintraub.
C'est la chef costumière Ellen Mirojnick, qui a déjà travaillé de nombreuses fois avec Michael Douglas, qui a réalisé les costumes de Ma vie avec Liberace. Douglas et Damon en portent plus de 60 dans le film ! Pour reconstituer ces tenues, elle s'est en grande partie inspirée de ceux conservés au Liberace Museum. Les costumes originels étaient très lourds, du fait de leur composition en fourrures et en pierres incrustées. La costumière a donc testé une large gamme de matières et d'ornements, pour pouvoir en recréer de plus légers, et a fait appel aux plus grands spécialistes hollywoodiens pour la reproduction des innombrables bijoux.
Pour qu'ils retrouvent une atmosphère plus proche des celles des années 70-80, les principaux décors ont été soumis à transformation. L'appartement de l'artiste a été redécoré au goût de l'époque, beaucoup d'objets ayant véritablement appartenu à Liberace ont été dénichés dans des boutiques et chez des antiquaires. Le propriétaire actuel a fourni des photos qu'il avait conservées qui ont permis de récréer son aménagement le plus exactement possible. Le chef décorateur Howard Cummings et le producteur Jerry Weintraub ont également opéré des modifications dans la salle du Las Vegas Hilton, et pas des moindres : ils ont fait enlever les gradins actuels, afin de les remplacer par des tables et des banquettes. "Avec la salle entièrement refaite, on se croirait dans le Las Vegas de l'époque. Il ne s'agissait pas d'un petit spectacle, mais de l'univers entier de Liberace", déclare Cummings.
Liberace avait une véritable collection de pianos. Tous ceux présents dans le film lui ont appartenu. Il possédait, notamment, deux pianos assortis, qui ont été dégroupés à sa mort - l'un étant conservé au Liberace Museum, l'autre à la salle d'exposition des pianos Baldwin. Ces deux instruments très atypiques ont été à nouveau réunis pour les besoins du film, après trente longues années de séparation, afin de pouvoir tourner la séquence du numéro des "Deux Pianos".
Le film aborde frontalement l'homosexualité. A l'époque, l'homosexualité des artistes célèbres était tenue secrète, leur image publique exigeait qu'ils soient hétérosexuels. Lorsque Scott Thorson réclama une pension au musicien après leur séparation, Liberace nia qu'il était gay et qu'il avait été son amant. "Je voulais faire un film qui (...) montre les progrès de l'espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd'hui reconnues et admises. Etre gay n'est plus autant stigmatisé", déclare le producteur Jerry Weintraub.
Plusieurs membres de l'équipe avaient rencontré Liberace de son vivant. Le producteur, Jerry Weintraub, invité plusieurs fois chez le musicien, raconte : "La Rolls-Royce que l'on voit sur scène dans le film était son bar. On entrait dans sa maison de Palm Springs par le garage, et on restait assis à l'arrière de la voiture pour siroter des cocktails. (...) C'était l'un des pianistes les plus doués de l'époque (...). Il revêtait ces incroyables costumes, entrait en scène et divertissait son public. Les gens adoraient ces spectacles grandioses". Michael Douglas a lui aussi croisé la route du héros qu'il incarne à l'écran : "Je l'ai vu brièvement deux ou trois fois quand mon père [Kirk Douglas] avait une maison à Palm Springs et que Liberace était voisin. (...) Il était très populaire à Las Vegas, mais c'est la télévision qui l'a fait connaître dans le monde entier". Debbie Reynolds, qui joue Frances Liberace, la mère du pianiste, faisait quant à elle régulièrement partie des convives dans les soirées données par Liberace à l'époque.
L'une des séquences de Ma vie avec Liberace offre une vue imprenable sur la marque de bronzage des fesses de Matt Damon. L'acteur s'en explique : "Nous essayions de tourner une scène de dispute, dans laquelle je m'approche du lit, et je termine dans le lit. La caméra de Steven devait se rapprocher peu à peu. J'ai donc dû lui dire que j'avais une ligne de démarcation à cause du bronzage. Il fallait adapter ma tenue pour que ça ne se remarque pas. Et alors Steven a dit 'Mais c'est extraordinaire, on peut le montrer ! Si à la fin de la scène tu faisais tomber tes vêtements, on pourrait voir cette démarcation'."
Ma vie avec Liberace marque le retour de Michael Douglas, sorti victorieux de sa bataille contre le cancer. Le comédien s’est montré bouleversé devant les journalistes lors de la conférence de presse du film au Festival de Cannes, très ému de s’être vu offrir un rôle d’une telle ampleur après son combat contre la maladie : "Ce rôle était un grand cadeau (...). Je serai éternellement reconnaissant à Steven, à Matt et à Jerry de m'avoir attendu", a-t-il notamment confié alors.
Steven Soderberg connaît bien ses deux acteurs principaux. En effet, Michael Douglas a déjà tourné sous la direction de Soderbergh à deux reprises, dans Traffic et Piégée. Quant à Matt Damon, il en est à sa septième collaboration avec le cinéaste, après The Informant !, Contagion, Che, Ocean's Eleven, Ocean's Twelve et Ocean's Thirteen !
Ma vie avec Liberace a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2013. Absent du palmarès, il n'est toutefois pas reparti bredouille puisqu'il a remporté la très convoitée Palme Dog, décernée à Baby Boy, le très canin "interprète" du caniche aveugle qui a permis le rapprochement entre Scott Thorson et Liberace.
Ma vie avec Liberace, après un détour par la croisette et la compétition cannoise en mai, fera l'ouverture du Festival du Cinéma Américain de Deauville, le 30 août prochain. Son réalisateur, Steven Soderbergh, y donnera par ailleurs une leçon de cinéma.