En à peine 2 films (le formidable "Ma vie en l’air" et l’exceptionnel "Premier jour du reste de ta vie"), Remy Bezançon s’est imposé comme le jeune réalisateur le plus talentueux de sa génération et comme l’espoir d’un véritable renouveau dans le cinéma français. En adaptant le livre d’Eliette Abécassis, il signe malheureusement son film le moins personnel, le moins accessible, le moins abouti… bref le moins réussi ! Certes, le sujet s’annonçait risqué (le sujet tabou du baby blues) mais le problème du film est ailleurs. Car on ne retrouve jamais dans "Un heureux événement" la mise en scène si inventive et le rythme quasi-parfait des 2 précédents films du réalisateur. Au contraire même puisque Bezançon s’englue dans des séquences répétitives, alourdies par l’usage de la voix off, et des effets de mise en scène indignes de son talent (le fond étoilé lorsque Bab apprend sa grossesse, son cauchemar de noyade…). Quant à la BO qui est l’un des points forts du réalisateur, elle s’avère pour le moins anecdotique (alors qu’elle est signée par Sinclair). Même le scénario se laisse aller aux lieux communs avec l’éternelle rengaine de la grossesse comme obstacle à tout projet professionnel, l’inévitable séparation avec menace sur la garde de l’enfant, l’immaturité symbolisée par la Wii contre le sérieux résumé par les lunettes, l’opposition de style entre les 2 grands-mères (la baba cool indigne et la psychorigide castratrice) qui, en plus, ne se croisent jamais… Un défaut d’autant ^plus étonnant qu’à l’inverse, Bezançon a soigné ses 2 héros, en mettant en avant leurs qualités mais aussi leurs fêlures réciproques (à commencer par l’absence du père et la peur de l’abandon). Enfin, le spectateur ne pourra que regretter le changement radical de ton du film à mi-bobine, puisque l’intrigue s’enfonce dans un pessimisme censé refléter l’état d’esprit de la jeune mère mais qui est traité avec un tel premier degré qu’il déprimera le spectateur (malgré un final qui redresse un peu la barre). Heureusement, le réalisateur peut compter sur quelques fondamentaux, notamment dans la première partie du film. La rencontre entre les futurs parents et la grossesse sont ainsi émaillées de scènes particulièrement réussies (l’affrontement par titre de films interposés, les scènes avec l’oncle médecin, l’observation post-épisiotomie par une dizaines d’internes…) et de petits détails comme le réalisateur les affectionnent (le site de crash test de poussettes, le terrible tire-lait à l’ancienne…). On retrouve également le talent du réalisateur qui sait toucher le spectateur en le faisant s’identifier à ses personnages (difficile de ne pas s’imaginer à la place de Nico lorsqu’il est gêné de faire l’amour à sa femme enceinte car il a l’impression que le bébé participe ou de ne pas se sentir concerné par la scène de l’accouchement). Et surtout, Remy Bezançon peut compter sur une interprétation lumineuse de ses acteurs avec l’excellent Pio Marmaï (qu’il avait révélé dans son précédent film), la superbe Louise Bourgoin (qui ne finit pas de surprendre) et une pléiade de 2nds rôles sympathiques (Josiane Balasko, Thierry Frémont, Gabrielle Lazure, Daphné Burki ou encore la chanteuse Anaïs). Une déception donc mais le film a malgré tout le mérite d’aborder un sujet encore considéré comme honteux par beaucoup et vous poursuit après la sortie de la salle, ne serait-ce que pour comprendre les raisons du comportement de la jeune mère (on ne comprend pas forcément tout de suite que la relation fusionnelle entre Bab et son bébé trouve ses racines dans le manque affectif ressenti suite au départ de son père). Visiblement Rémy Bezançon n’est pas particulièrement à l’aise avec les adaptations… espérons qu’il sera l’unique scénariste de son prochain film !