Pas très glamour sur le papier, j’en conviens, le sujet de « Dallas Buyers Club » s’avère pourtant passionnant et riche d’enseignements. Mais c’est vrai que dans ce film, pas de trace de poésie, de légèreté, de futilité. Ici, les corps sont marqués, les traits sont creusés, les yeux sont cernés et les tâches corporelles du syndrome de Kaposi s’impriment sur les corps amaigris. Les performances des deux principaux acteurs de ce film commencent déjà par cela, la performance physique. Matthew McConaughey interprète un cow boy hétéro au visage émacié, frappé par ce qu’on appelait alors encore « le cancer gay », maigre, à l’accent du Sud à couper au couteau. McConaughey est un acteur qui se bonifie avec le temps. Longtemps abonné aux films grands publics, parfois de qualité discutable comme « Sahara », il signe dans le rôle de Woodroof une performance ENORME qui fait de lui un vrai prétendant à l’Oscar du meilleur Acteur. A ses côtés, Jennifer Gardner est très convaincante mais son rôle est un peu sous-écrit. Jared Leto, en revanche, compose de façon très convaincante un travesti hyper attachant et émouvant. Le film dure presque deux heures mais il n’y a pas de vraies longueurs, son déroulement est très linéaire avec un petit décompte des jours qui montre bien que le Ron Woodroof condamné à brève échéance gagne des semaines des mois, des années sur la maladie, portée par ses traitement mais aussi, et surtout, par un rage de vivre indéniable. Il est heureux que le scénario insiste sur la mise à l’écart des malades à l’époque. On l’a peu être un peu oublié aujourd’hui, mais à l’époque, quand on était séropo, on était un pestiféré, on perdait tout de jour au lendemain, son travail, ses amis, ses repères, son logement. L’homophobe Ron Woodroof va se retrouver d’un seul coup dans le camp des exclus, de l’autre côté du manche. Il en tirera une force de vie qui l’amènera à plus de tolérance peut-être, plus d’humanité surement. Le scénario suggère et tente de dénoncer (sans que cela soit fait clairement) l’attitude cynique et mercantile des géants du médicament américain, et surtout du fabriquant de l’AZT qui semble faire assez peu de cas de la vie et surtout de la mort des victimes de l’époque. Les liaisons dangereuses entre cette entreprise et la puissante FDA auraient peut-être méritées d’être traitées avec plus de clarté. Mais il est vrai que le vrai sujet de « Dallas Buyers Club », c’est d’abord et avant tout l’histoire (vraie, je le précise) de Ron Woodroof, son combat contre les absurdités de l’administration de la santé et contre le désespoir et la maladie, même si on ne se fait aucune illusion sur l’issue de ce combat. J’ajoute que sur un sujet comme cela, on aurait pu avoir des scènes lourdes et larmoyantes (voir le pourtant excellent « Philadelphia ») et ce n’est jamais le cas, merci au réalisateur Jean-Marc Vallée de ne pas avoir cédé à cette facilité.