La Princesse de Montpensier a été sélectionné en compétition officielle du Festival de Cannes 2010.
Avec La Princesse de Montpensier, Bertrand Tavernier (épaulé par le fidèle Jean Cosmos et François-Olivier Rousseau) porte à l'écran la nouvelle éponyme de Madame de La Fayette. Ce court récit, publié anonymement en 1662, marque l'entrée de la nouvelle française dans la modernité.
Bertrand Tavernier est un familier des films d'époque. Ainsi, Que la fête commence est situé en 1719, Le Juge et l'Assassin en 1893, La Fille de d'Artagnan en 1654, et La Princesse de Montpensier en 1562. Certains de ces films l'avaient déjà conduit à travailler avec des chevaux, expérience qu'il a renouvelée ici, confiant le dressage et les cours d'équitation à l'égide d'un spécialiste mondial, Mario Luraschi.
Avec Philippe Sarde aux commandes de la bande-originale, le réalisateur ne se lançait pas dans l'inconnu. De leur collaboration passée (L.627, La Fille de d'Artagnan), une évidente complicité a permis une coordination de choix: "Nous souhaitions que l’orchestration et les harmonies de la musique soient très modernes, en utilisant beaucoup de percussions". Bertrand Tavernier revient sur la méthode de travail du compositeur: "Il a réagi très vite, en analysant le film au deuxième jour des rushes [et] il m’a appelé en disant qu’il fallait articuler, scénariser la musique du film autour des personnages de Mélanie Thierry et de Lambert Wilson, de l’évolution de leurs rapports."
Si la forme contient incontestablement tous les ingrédients du film d'époque classique, l'enjeu de fond est autre: "Je voulais être aussi contemporain et naturel dans ce que je racontais que je l’avais été par rapport au monde de mes précédents personnages", explique le cinéaste. "Je ne voulais pas reconstituer une époque mais capter son âme." Une position qui influe évidemment sur le travail des décors et des costumes : "Nous avons privilégié la peau et les yeux des comédiens, la texture des magnifiques costumes de Caroline de Vivaise, capté les sentiments à travers la lumière."
De retour du bayou de La Nouvelle-Orléans où il il s'était fondu avec réussite Dans la brume électrique, Bertrand Tavernier avait ressenti "l'envie de raconter une histoire d’amour lyrique et ample (...) et l’envie viscérale de [se] plonger dans un film profondément français", par le traitement des sentiments, le rapport à l'Histoire, la culture... Une similitude avec son expérience US pointe également :"Je voulais aussi absorber, m’approprier le XVIème siècle de La Princesse, entrer de plain-pied dans cette époque, comme je l’avais fait avec la Louisiane de James Lee Burke."
Une autre raison décisive à la réalisation de ce film était l'envie du réalisateur de tourner avec cette nouvelle génération d'acteurs français, avec lesquels il n'avait jamais travaillé. Une expérience qui se révèle hautement concluante: "Dirigés ? Je les ai admirés. Je les ai regardés. Ils m’ont inspiré, porté, fait vibrer. J’ai essayé de créer autour d’eux un espace où ils se sentent à l’aise, de les rendre contemporains de l’époque. Je suis sans cesse allé d’éblouissement en éblouissement", s'enflamme-t-il.
Au centre du récit, le personnage de Marie est réellement la figure pivot de l'histoire. C'est par un caractère fort et indépendant qu'elle s'impose comme le moteur des intrigues et des actions. A son propos, Mélanie Thierry s'exprime: "Marie n’est pas du genre à suivre le troupeau et elle aime pouvoir affirmer ses idées et ses opinions. Elle a aussi besoin d’avoir accès à la culture et de se sentir exister !" Complexe est la jeune femme qui "est déchirée entre, d’un côté, une droiture raisonnée qui la pousse à être une bonne épouse et, de l’autre, le désir et la sensualité auprès de son amant. (...) En réalité, elle n’est pas du tout consciente de sa beauté et de son pouvoir de séduction. Elle n’est jamais dans le calcul", conclut l'actrice.
Mélanie Thierry a été suivie par un coach pour sa diction et son phrasé, l'actrice ayant à cœur de trouver les bonnes respirations au coeur d'un texte rendu ainsi plus fluide et accessible.
Bertrand Tavernier, réalisateur d'expérience, est connu pour sa direction d'acteurs. Ce n'est pas Gaspard Ulliel, interprète du duc de Guise, qui prétendra le contraire: "Au départ, comme il s’agit d’un film d’époque dont la langue est très sophistiquée, j’étais tenté d’adopter un ton légèrement ironique dans la manière de m’exprimer. Mais Bertrand m’a expliqué qu’il fallait jouer Guise comme un homme extrêmement sincère et entier, qui n’est jamais dans le second degré, à l’inverse du duc d’Anjou."
A l'origine, Bertrand Tavernier et son producteur pensaient offrir le rôle du Comte de Chabannes à Fabrice Luchini. L'acteur, peu enclin à monter à cheval, n'était en outre pas disponible en temps voulu. Par la suite, le cinéaste a été conquis et pleinement convaincu par sa rencontre avec Lambert Wilson.
Louis Garrel devait à l'origine interpréter le Duc d'Anjou, Raphaël Personnaz n'ayant alors qu'un rôle secondaire. Le premier ayant dû quitter le projet, l’assistante du réalisateur suggère de faire quelques prises avec le second, qui séduit immédiatement Bertrand Tavernier.
Pour Raphaël Personnaz, l'appropriation du rôle passait par une documentation fournie sur les mœurs de l'époque: "Je suis allé au musée d’Orléans, où l’on trouve de nombreuses représentations de l’époque et du duc d’Anjou, et j’ai lu une biographie de Henri III. C’est ainsi que j’ai glané pas mal d’informations sur les rapports complexes entre le duc et sa mère, Catherine de Médicis, ou sur les déplacements de la Cour dans toute la France qui mobilisaient près de 10 000 personnes ! C’était essentiel pour mieux me représenter cette période", confie-t-il.
Pour Grégoire Leprince-Ringuet, il s'agit de la deuxième adaptation de Madame de La Fayette, deux ans après La belle personne que Christophe Honoré avait construit d'après La Princesse de Clèves. Même s'il s'agissait alors d'une transposition dans un lycée d'aujourd'hui, la comparaison entre ces deux personnages mérite l'intérêt. Voici le point de vue l'intéressé."Je joue dans les deux films un rôle assez similaire : celui du mari dont la femme n’est pas amoureuse. Mais (...) la véritable différence entre les deux personnages, c’est la guerre. À la différence d’Otto dans La belle personne qui se tue pour échapper au combat, le prince de Montpensier lutte tout au long du film, il se débat pour ne pas souffrir."
Le tournage du film a débuté par les séquences de combats. Une entame certes difficile mais qui a, au final, aidé les acteurs pour l'interprétation de leurs personnages. Lambert Wilson raconte: "Ce qui était formidable dans l’approche du jeu avec Bertrand, c’est qu’on a commencé par le corps puisqu’on a démarré par les combats et les scènes à cheval. Cela m’a donné une colonne vertébrale avant même de réfléchir à la psychologie du personnage qui, souvent, peut s’avérer un piège pour les acteurs. Du coup, j’ai pu trouver l’identité du personnage à travers la façon de me battre et de manier l’épée."
Le tournage de La Princesse de Montpensier a duré huit semaines et une partie du film s'est déroulée à Lacalm, petit village du Nord Aveyron.