Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l'oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu'il affronte l'individualisme forcené d'un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu'au jour où un tragique événement vient troubler cet équilibre précaire... Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, un film de Terrence Malick est synonyme de chef d'œuvre. Dire que The Tree of Life est le meilleur film de l'année relève de la litote. Qu'il est le meilleur film jamais tourné est encore en dessous de la vérité. Je peux tout à fait comprendre que cette œuvre puisse rebuter certains mais ceux à qui elle parlera vivront une expérience cinématographique inédite qui les marquera à vie. Une vie d'ailleurs ne suffirait pas pour énumérer toutes les merveilles de ce film (même après la huitième vision, je découvre encore de nouvelles choses). Ce film est l'oeuvre d'une vie : Malick porte ce film depuis un an. Le jeune héros du film, c'est lui. En se replongeant dans ce passé et en filmant cette famille confrontée au deuil, il s'interroge sur les questions métaphysiques qui l'habitent depuis son premier film : la vie, la mort, l'amour, la beauté, la nature, la vie a-t-elle un sens ? Quelle est notre place ? Y a-t-il une raison à notre présence ? Malick pousse la réflexion dans un dialogue spirituel entre sa famille endeuillée et Dieu tout en remontant à nos origines depuis la création du monde. Ainsi, il nous offre une séquence admirable de la création de l'Univers depuis le big bang jusqu'à l'apparition de la vie sur Terre : tout y est, l'explosion, l'apparition des étoiles, la Terre boule de magma et l'arrivée de l'eau, les premières cellules, les invertébrés, les vertébrés... La courte séquence des dinosaures, visuellement sublime, nous rappelle la fragilité de la vie par leur disparition brutale mais Malick en profite aussi pour montrer la naissance de la première émotion. Cette longue séquence est non seulement sublime mais est également autobiographique puisqu'elle est notre histoire commune. Nous sommes tous de la poussière d'étoile et venons tous de cette évolution démontrée par Darwin. Malick théorise l'opposition entre grâce et nature incarné par la mère et le père de Jack. La séquence d'introduction résume le film à elle-seule : un écran noir, une étrange lumière (prémices du big bang, première image du monde offerte à un nouveau-né ?), des images de toute beauté, une musique envoûtante, une voix off chaleureuse, les images liées à chaque mot par la rigueur du montage. Malick a eu cinq monteurs, sûrement parce qu'il a fini par rendre fou les quatre premiers. Car jamais l'on a vu un film aussi maîtrisé au niveau de sa mise en scène que ce soit au niveau de l'esthétique, de la direction d'acteurs, du choix de la musique ou de la rigueur du montage. La place de chaque plan a été minutieusement pensée, tout comme le choix de la musique ou la réplique d'une voix off, l'image étant souvent une réponse au questionnement d'un personnage ou une métaphore. L'acceptation du deuil est montrée par une scène bouleversante et splendide sur une plage où morts et vivants se séparent. On est au-delà du cinéma, on est en pleine poésie. N'oublions pas les acteurs toujours aussi bien dirigés chez Malick : Brad Pitt est bouleversant et trouve là un de ses plus beaux rôles, Sean Penn dans un rôle très court mais qui a son importance est fort d'intensité mais la vraie révélation du film est Jessica Chastain, incarnation de la grâce et rayonnante de beauté angélique et de talent. Une grande actrice nous a été révélée cette année. Terrence Malick a eu un don : celui de faire des films. On le savait capable du meilleur mais là, il ne fait pas que montrer qu'il est un génie, il crée une œuvre symbolique allant au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer. Visuellement, c'est d'une beauté inédite et l'on sait que l'on ne reverra jamais plus cela, le film capte parfaitement les sentiments humains jusqu'à frôler l'âme, nous rappelle à notre condition d'homme tout en nous faisant découvrir la beauté qui nous entoure que nous ne pensons pas forcément à voir, nous fait réfléchir sur cette vie si fragile et paradoxale pouvant apporter les plus grandes joies et les peines les plus dures, nous interroge sur cette énigme qu'est le temps relatif et mesurable à différentes échelles. Terrence Malick repousse les limites du cinéma; en véritable démiurge, il a créé une œuvre autobiographique symbolique, poétique, musicale et picturale, une véritable symphonie d'images à la beauté rare qui bouleversera et émerveillera ceux qui y seront sensibles. Quant aux autres, il n'est pas impossible que dans quelques années, quand ils le redécouvriront, leur opinion sur le film soit différente. The Tree of Life ou le plus beau film jamais tourné et une Palme d'or amplement justifiée. Bravo et merci M. Malick !