L'idée de faire un film sur la rafle du Vel' d'Hiv' vient du producteur Ilan Goldman. " Depuis des années, Ilan me parlait de cette rafle, elle l'obsédait, confie la réalisatrice Roselyne Bosch. Quant à moi, le fait qu'il n'y ait aucune image - juste une photo des bus vides devant le Vel' d'Hiv' - me bouleversait. Je ne suis pas juive, mais nous avons beaucoup en commun, et surtout... des enfants ! Des enfants bi-culturels qui auraient pu être persécutés. Je crois que leur existence est ce qui m'a fait considérer la Seconde Guerre mondiale et l'Holocauste d'un point de vue radicalement différent... Ce qui fait de la Seconde Guerre mondiale une guerre complètement à part, c'est l'Holocauste. Mais à l'intérieur de cette exception atroce, c'est la première fois que des adultes s'attaquent spécifiquement à des enfants. Avec pour objectif de les anéantir. C'est unique dans l'Histoire du monde, dans ces proportions. 1,5 millions d'entre eux ont ainsi péri. En fait, c'est une des raisons qui m'ont poussée à faire le film – et à le faire du point de vue des enfants. Mais j'ai longtemps pensé qu'un tel film serait impossible. "
Pour se documenter sur la rafle du Vel' d'Hiv', la réalisatrice Roselyne Bosch s'est adressée à Serge Klarsfeld qui n'a eu de cesse, depuis 25 ans, de recenser les victimes. " Il est capable de vous dire : " Voilà qui est parti, par quel convoi, avec qui, à quelle date...", confie la cinéaste. Mais il s'était occupé des morts. Et moi, je cherchais des survivants. Et puis ce qui intéresse un historien n'est pas forcément ce qui intéresse le cinéaste. Serge Klarsfeld a été en revanche un formidable conseiller historique lorsque j'ai abordé l'extrême complexité des relations entre Vichy et les autorités allemandes. On peut parler de " marchandage " humain. Les chemins de fer français adressaient des " factures " à Berlin, c'était " tant " par tête de juif transporté jusqu'à la frontière allemande. "
Annette Monod, l'infirmière qu'incarne Mélanie Laurent à l'écran, est le premier personnage réel que la réalisatrice Roselyne Bosch a identifié. " Je suis tombée sur des interviews radio et télé d'une infirmière qui, à la fin de ses jours - elle est morte en 1995 - avait accepté de raconter ce qu'elle avait vu, confie la cinéaste. Annette Monod, envoyée au Vel' d'Hiv', s'est rendu compte de la catastrophe sanitaire en cours, de l'injustice. Elle a organisé l'arrivée des internés dans les camps du Loiret, elle est restée avec eux, elle a même envisagé de partir avec eux, sans savoir que c'était pour les camps de la mort. Quand elle l'a appris, elle a été hospitalisée quatre mois. Mais elle n'a jamais abandonné sa mission. A la fin de la guerre, elle était au Lutétia pour accueillir les survivants. Aujourd'hui, elle fait partie des "Justes parmi les nations", ces non-Juifs qu'honore Israël pour avoir sauvé des juifs pendant la guerre. Une femme incroyable : après guerre, elle est devenue visiteuse de prison pour les condamnés à mort, jusqu'à son abolition en 1981. A sa retraite, elle a milité pour Amnesty International contre la torture. J'aurais voulu en savoir davantage, mais elle est morte sans enfant. Je lui dois aussi le petit garçon que j'ai baptisé " Nono ", qui ne veut pas monter dans le train... c'était son protégé. Il s'appelait Jacquot, il avait 3 ans, et elle n'a jamais su son nom de famille. Lorsqu'on l'a mis dans le train, il criait : " Je veux descendre, je ne veux pas rester dans le noir ! ", toutes ces phrases que j'ai fait dire ensuite à "mon" Nono. "
La réalisatrice Roselyne Bosch raconte comment elle a trouvé " son " enfant principal, Jo Weismann, ce survivant dont elle voulait faire l'un des héros de son film : " Dans un documentaire qui datait de 15 ans. J'étais découragée. Je me suis forcée à voir ce xième document. Puis, soudain, j'entends un homme, Joseph Weismann, dire : " On vivait à Montmartre ... On était rue des Abbesses, on est venu nous chercher... Trois ou quatre jours plus tard, on nous a emmenés à la gare d'Austerlitz... Et puis, on est arrivés dans le camp de Beaune-La-Rolande " Non, ce n'est pas possible ! Le seul cas d'enfant qui a survécu au camp que je connaisse, c'est un bébé de 6 mois qu'on a caché dans une soupière pour le faire sortir. Joseph Weismann poursuit. " J'ai trouvé un copain qui s'appelait Joseph Kogan et on a décidé de s'évader, on est passés sous 5 mètres de barbelés ". Submergée par l'émotion, je l'entends dire : " Si quelqu'un, un jour, fait un film sur ce qui nous est arrivé...", et puis il se reprend : " Non, je pense que personne n'osera, on est hors de l'humain ". C'était lui ! Bien sûr, tout de suite, j'appelle Klarsfeld qui me dit qu'il n'en a jamais entendu parler. "
Jean Reno et Gad Elmaleh s'illustrent ici dans un registre qu'ils n'ont guère exploré jusqu'à présent. " Pour moi, Jean Reno était le Dr. Sheinbaum, confie la cinéaste. Il dégage ce grand calme, cette humanité. En plus, Jean a d'immenses mains comme beaucoup d'obstétriciens, ou de pédiatres ! Il a une espèce de noblesse qu'il transporte partout avec lui, y compris dans Les Visiteurs. Cette espèce de chevalier juif, pour moi, ça ne pouvait être que lui. Gad a un fils de l'âge des miens et quand j'ai vu comment il se comportait comme père, comment il racontait des blagues à son fils qui avait peur en avion, il m'a beaucoup ému. Schmuel est un optimiste, un homme confiant, comme l'ont d'ailleurs été la plupart des juifs à cette époque-là. Tout ça parlait à Gad bien sûr, mais il avait un peu peur, ne serait-ce que parce qu'il est séfarade et pas ashkénaze et qu'il craignait de ne pas être crédible en immigré juif polonais... On lui disait : "Tu vas voir, avec tes petites lunettes cerclées, on va te "Bengourioniser" ! ". Au premier rendez-vous, il n'arrêtait pas de s'indigner, de s'asseoir et de se relever, de marcher de long en large ... Toute cette colère, toute cette émotion a nourri son travail pendant le tournage. Gad est extrêmement sensible, il rit beaucoup parce que, peut-être, les larmes ne sont pas loin... "
Pour trouver les enfants qui allaient jouer dans le film et notamment ceux qui allaient interpréter les deux héros, Jo Weismann et Nono, la réalisatrice Roselyne Bosch a dû en auditionner 200 s'agissant du rôle principal et à peu près une centaine concernant les autres. " Joseph, à six semaines du tournage, je ne l'avais toujours pas trouvé, j'avais l'impression que je ne le trouverais jamais ! Peut-être parce que je l'avais trop imaginé, se souvient la cinéaste. J'en ai fait travailler certains, j'en ai même confié à des coachs, mais ça ne marchait pas ! Ils étaient suffisamment bons pour les seconds rôles mais pas pour Jo qui avait quand même quarante jours de tournage ! Et puis finalement, dans les derniers que j'ai vus, il y avait Hugo, ce garçon de 11 ans, avec une grande sensibilité, un regard plein d'humanité. Même ceux qui, au bureau, de l'autre côté de la porte, qui l'avaient entendu jouer une scène dure sont venus me dire qu'il était bouleversant ! C'est un garçon qui a beaucoup de maturité pour son âge, qui a une grande autodiscipline, une volonté de fer, qui aime travailler. Pour Nono, le petit de 5 ans, je ne trouvais pas. Et puis, la directrice de casting est arrivée avec des jumeaux tellement identiques que personne n'arrivait à les distinguer. Ils étaient incroyables. Ils avaient la naïveté, l'innocence de leur âge. Et un naturel fantastique. C'était une merveille, ces deux petits lutins. En plus, ce n'est pas de trois heures de travail que je pouvais disposer - on ne peut pas faire travailler un enfant de cinq ans plus de trois heures d'affilée, mais de six ! La difficulté, c'était de les canaliser et de passer de l'un à l'autre, parce que les jumeaux, ce sont des vases communicants. Ils font " good cop, bad cop " sans arrêt ! "
Pour la mise en scène de son film, la réalisatrice Roselyne Bosch avait trois parties en tête et deux univers, celui du pouvoir, pour lequel elle a choisi de tourner en plans fixes, et celui des faibles, dont la caméra allait épouser le destin. " La première partie, c'est ce que j'appelle " le bonheur ", confie la cinéaste. Malgré tout, la vie est légère sur Montmartre même si on porte l'étoile. A partir de la rafle, nous sommes caméra sur l'épaule, et vu le plan de travail de quatorze semaines seulement, on filmait tout le temps à deux caméras et souvent, à trois. Tout est très heurté. Après, au camp, la plupart du temps, on voit les choses à hauteur d'enfant, à la hauteur du regard de Jo. Le point de vue des enfants sur notre monde insensé d'adultes me paraissait plus fort. Qu'ont-ils pu penser de nous ? J'avais calculé que j'aurais droit à peu près à trois prises par plan, tout au long du film, six jours par semaine. C'est très peu, surtout avec des enfants, des foules, des chiens policiers... Il fallait parler, parler tout le temps, et faire traduire en hongrois ! Parler à toute cette foule pour qu'elle soit attentive, pour que, lorsqu'on tournait, il n'y ait pas quelqu'un au deuxième plan qui s'amuse. Parler aux comédiens pour que, tout de suite, dès " moteur ", ils soient au coeur de la scène... "
La Rafle s'est tourné du 15 mai au 13 août 2009 à Paris et à Budapest, en Hongrie.
Emmanuelle Seigner et Samuel Le Bihan ont initialement été pressentis au casting.
La Rafle s'est d'abord intitulé Vel' d'Hiv'.