J’ai beau ne pas aimer plus que ça le cinéma de Martin Scorsese, j’essaie… Mais à chaque fois, c’est le même constat, et je dois me résoudre au fait que "Le loup de Wall Street" ne déroge pas à la règle de mes goûts. Le film est bien fait, les comédiens en font des tonnes, bien que je me sois demandé à un moment si ce n’était pas plus une caricature qu’autre chose. Car les personnages sont si grossiers, si outranciers, si peu en prise avec le sérieux, qu’ils franchissent la ligne de l’indécence à plusieurs reprises. Il en va ainsi pour Jonah Hill (pas étonnant quand on connait ne serait-ce qu’un peu sa filmographie), mais aussi pour Leonardo DiCaprio. Autrement dit, les excès (caractérisés par l’absence de limites) sont si nombreux qu’on peine à croire que de telles personnes aient pu exister. C’est limite fatigant, pour ne pas dire pathétique. Des courtiers escrocs, ça oui : il y en a eu ! Et il est très probable qu’il y en ait encore, et qu’il y en aura encore et encore. Mais de là à leur attribuer des addictions en matière d’argent (ok), de sexe (ok), d’alcool (ok) et de drogue (ok), c’est-à-dire les quatre en même temps, on peut trouver ça gros. Eh bien il apparait que ce fusse pourtant le cas : en creusant, je me suis aperçu que ce film n’était ni plus ni moins que l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Jordan Belfort en personne. Ainsi donc, ce film fleuve, qui ne parait en définitive pas si long que ça malgré ses 179 minutes, repose exclusivement sur l’homme qui a écrit sa biographie : Jordan Belfort, interprété par un Leonardo DiCaprio stratosphérique. Tantôt enchanteur, tantôt animal, tour à tour beau parleur et vulgaire, il donne toute la pleine mesure de son immense talent, bien qu’on se demande si parfois il n’en fait pas trop pour battre Jonah Hill à son propre jeu. Mais non. Par l’intermédiaire du réalisateur, il amène des scènes absolument géniales, comme lorsqu’il doit donner sa dernière conférence pour annoncer son départ : une scène forte en émotions qui se termine en apotéhose. Mais il y a aussi des situations cocasses comme celle durant laquelle sa propre femme (superbe Margot Robbie) lui annonce la punition qu’elle compte lui infliger, avec des conditions particulièrement croustillantes (perso, j’adore le concept de cette punition, c’est excellent et très marrant, mais que diable je n’aurais pas aimé être à la place de Jordan…). Je disais plus haut que l’histoire paraissait assez énorme. Paradoxalement, il y a eu un vrai souci de crédibilité de la part du cinéaste pour concrétiser les addictions : par exemple, on voit des filles dans leur plus simple appareil, pour une fois pas enroulées pudiquement dans un drap. C’est même parfois assez cru ! Au final, il est vrai que j’ai regardé un bon Scorsese, avec en prime une photographie intéressante. Enfin ! me dis-je. Par moments tourné comme si nous assistions à un reportage télé avec le héros qui s’adresse directement à la caméra, en plus de la narration en voix off si chère au cinéaste, c’est en général plutôt bien rythmé. J’ai par ailleurs souvent remarqué l’absence de musique pour laisser les scènes s’exprimer par elles-mêmes, sauf que… c’est un peu long, quand même, en raison de quelques longueurs ici et là, comme l’agonie en haut d’un escalier, dont le nombre de marches change d’un plan sur l’autre (normal après tout, cela dépend du point de vue : il paraissait démesuré pour celui qui devait l’emprunter, alors que ce n’était pas un escalier si imposant que ça). Cinq nominations aux Oscars à la clé, que je considère comme étant justifiées (sauf peut-être pour Jonah Hill), mais aucune statuette de remportée. Quand je vous dis que ce film est perfectible… et visiblement, je ne suis pas le seul à le penser.