Un film de guerre à la fois spectaculaire et pédagogique qui confirme le talent Florent Emilio-Siri et qui permet, surtout, de mettre un coup de projecteur un peu neuf sur la Guerre d'Algérie, qui reste assez tabou en France. Loin du documentaire austère ou de la leçon de morale pénible, "L'ennemi intime" a, tout d'abord, le bon goût de se rendre abordable pour un large public (qui ne s'est, malheureusement, pas déplacé en masse dans les salles). La mise en scène est une véritable réussite formelle (avec un vrai travail sur les paysages et la photo), parfaitement maîtrisée et étonnamment rythmée (malgré un légère baisse de rythme dans la dernière demi-heure). Plus important encore, les personnages, qu'on craignait caricaturaux ou, au mieux, sans intérêt (comme dans beaucoup trop de film de guerre), sont merveilleusement bien écrits et bénéficient d'un casting sans fausse note. On retrouve ainsi un Benoit Magimel parfait en lieutenant idéaliste qui se laisse bouffer par l'horreur de la guerre (soit le personnage qui sert de référent au public), un Albert Dupontel qui n'en finit plus de bluffer son monde dans ce rôle de sergent désabusé mais également une galerie de seconds rôles surprenants (Aurélien Recoing, Marc Barbé, Mohammed Fellag, Eric Savin...). Mais surtout, “L’ennemi intime” évite le piège du manichéisme en refusant de prendre parti pour l'un ou l'autre camp. Le scénario (signé Patrick Rotman) n'est donc pas un brûlot politique voulant régler ses comptes avec le France des années 50-60 et s'intéresse, au contraire, aux motivations de chacun, expliquant ainsi leurs actes les plus inqualifiables (la barbarie des fellagas n’est pas purement gratuite puisqu'elle doit servir d’exemple pour terrifier ses ennemis ainsi que la population locale, la torture de l'armée française est certes inacceptable mais permet de faire parler les prisonniers) sans pour autant les cautionner puisque le réalisateur n'oublie jamais de montrer les conséquences des actes de chacun des deux camps (les plans d’horreur de villageois assassinés ou de corps calcinés au napalm sont là pour le démontrer). Mais "L'ennemi intime" a surtout le mérite de remettre sur la table la question de la Guerre d'Algérie sans pour autant pointer la responsabilité exclusive de la France dans le conflit qui ne disait pas sans nom... ce qui rend, paradoxalement le film plus polémique, alors qu'il se veut simplement objectif. La démonstration empêche d’ailleurs le réalisateur de se laisser aller au sentimentalisme ou à l'emphase et confère, ainsi, à son film, un ton assez académique (mais le sujet pouvait-il faire l'économie d'un tel écueil ?). "L'ennemi intime" est donc un film utile, sans concession ni démagogie, qui prouve que, même en France, on sait faire des grands films de guerre (y compris sur un sujet aussi tabou que la guerre d’Algérie). Le peu de succès du film en salle risque malheureusement de rendre les producteurs plus frileux à l'avenir sur ce genre de productions...