Initialement l’adaptation à l’écran de la vie d’Amélie Elie (une prostituée qui a réellement existé) devait être réalisée par Duvivier avec Gabin dans le principal rôle masculin. Ainsi, si le début rappelle « Partie de campagne » (Jacques Becker était 1er assistant réalisateur sur ce film) et les tableaux d’Auguste Renoir, très vite la guinguette et les prémices de la tragédie nous transposent dans l’univers de « La belle équipe », le chef d’œuvre que Julien Duvivier réalisa en 1936. A partir de là, Becker, sans doute très marqué par Renoir, développe avec précision une tragédie, sans enlever le côté joyeux que peut avoir la vie et ses petits bonheurs, aussi précaires soient ils (Duvivier nous l’aurait joué bien noir et bien nihiliste). D’emblée, la galerie de personnage est ciselée avec précision et finesse, entourant le couple fusionnel Signoret Reggiani alors au sommet. Elle frémissante et obstinée, lui avec une retenue qui accentue la force de son personnage. En construisant un monde dans lequel les protagonistes sont en réaction, y compris le cynique et manipulateur Leca (Claude Dauphin), Jacques Becker s’attache davantage à l’ambiance qu’au verbiage de la psychologie de prisunic, très prisée dans le cinéma français de l’époque. Par la même, il évite le romanesque larmoyant (les kleenex peuvent rester dans la boite), amenant « Casque d’or » a entrer de plein pied dans la modernité, créant, avec presque une décennie d’avance, le style de la nouvelle vague. Brillamment mis en scène, passant de la maestria tourbillonnante à la quiétude des scènes intimistes, photographié dans des décors qui reconstituent avec réalisme le Paris de l’époque, cet écrin est parfaitement accompagné par une musique de Georges van Parys qui égale sans l’ombre d’un doute ce qui se faisait de mieux à Hollywood. Et de regretter d’autant plus des dialogues, de Becker himself, qui, par moments, sonnent un peu théâtre des années trente. Récompensé outre manche, le film trop avant-gardiste fut boudé par la critique et le public. Depuis, ils ont élevé le film au rang de mythe. C’est bien connu, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.