Bien qu'elle affirme ne jamais y avoir vécu, la réalisatrice Anne Le Ny ressent un attachement tout particulier pour la Bretagne, terre de ses ancêtres. C'est la raison pour laquelle elle a éprouvé le besoin de tourner un film dans la région.
Alors que la plupart des acteurs de cinéma affichent un style de jeu naturaliste, qui reproduit au plus près les émotions humaines, Anne Le Ny, qui vient du théâtre, aime engager des comédiens plus habitués aux planches. Selon elle, ces derniers apportent une perspective différente quant à l'élaboration de leur personnage. Samuel Le Bihan, lui, n'a pas eu à trop se forcer. Comme le dit la cinéaste : "Samuel est breton, son père était marin pêcheur, il sait de quoi il parle en jouant Loïc".
Anne Le Ny explique de manière assez imagée la façon dont elle aime fabriquer les personnages de ses films : "Je procède par couches. J’aime filer le motif, reprendre un élément ou un trait de caractère, changer son sens, le faire circuler".
Alors que la Bretagne est souvent montrée comme une région "apprivoisée", Anne Le Ny a voulu mettre en avant l'aspect plus légendaire et mythique de la Cornouaille, avec ses vents, sa nature indomptable et même ses fantômes. D'ailleurs, cette nature et ce climat sauvages ont posé plus d'un problème à la cinéaste et à son équipe sur le tournage : certaines scènes, censées être tournées en extérieur, ont finalement été filmées en intérieur !
Comme elle l'explique, Anne Le Ny ne croit pas aux personnages totalement négatifs ou positifs au cinéma. Selon elle, il est justement intéressant de questionner la nature humaine dans sa complexité. Elle va plus loin en ajoutant : "Je hais la rédemption. Dans beaucoup de films, c'est devenu une espèce de tarte à la crème dégoulinante de bons sentiments qui évite de s'interroger vraiment sur la nature humaine".
Alors que la protagoniste revient sur les terres de son enfance dans l'unique but de revendre sa maison de Bretagne, héritée de sa tante, Anne Le Ny a voulu accorder une place importante à cette bicoque, qu'elle considère comme un personnage à part entière. Elle déclare même : "La maison est complètement protéiforme, ce qui correspondait parfaitement à l'histoire. (...) C’est un lieu mouvant qui devient positif ou négatif selon la perspective."
Le personnage interprété par Vanessa Paradis a quitté la Bretagne très jeune, à la suite de la mort de son père. Parisienne accomplie, elle a refoulé toutes ses émotions et son retour en Bretagne va la faire basculer dans un monde de souvenirs qui vont tout remettre en question. Comme le dit Anne Le Ny, "il y avait un petit côté « Alice au pays des merveilles » à la plonger ainsi dans cet univers". Elle poursuit sur cette lancée en avouant avoir demandé à Laurent Stocker de jouer son personnage comme s'il était le Lapin Blanc d'Alice.
Pour instaurer son atmosphère si étrange, la réalisatrice a eu l'idée de faire venir ses "fantômes" dans l'action par le son et non par l'image, pour que le glissement entre les deux mondes se fasse de manière plus insidieuse, presque inconsciente, mais également plus naturelle. "...le son imprègne et (...) on n'est pas analytique avec l'oreille : ainsi, on a glissé dans une autre dimension avant même de s’en être rendu compte"," explique-t-elle.
Pour écrire le scénario de son film, Anne Le Ny déclare s'être inspirée des légendes celtiques, mais aussi du livre "La Légende de la mort chez les Bretons armoricains" , d’Anatole Le Braz.
Comme le confesse la cinéaste, le thème de la mort est très présent dans son œuvre, que ce soit dans Ceux qui restent, dans Les Invités de mon père (ses deux premiers longs métrages) ou dans Cornouaille. Selon elle, en parler est une manière comme une autre d'apprivoiser l'idée, plutôt que de la refouler.
Comme s'en amuse Anne Le Ny, qui tient un petit rôle dans son film : "autant je suis très exigeante avec mes acteurs, autant quand c’est moi, je bâcle un peu". C'est sans doute la raison pour laquelle la comédienne, qui confesse préférer jouer dans les films des autres plutôt que dans les siens, ne s'est réservé qu'une brève apparition...