Issue de la contraction entre "Camorra" et "Gomorrhe", "Gomorra" est une chronique des activités illégales de la célèbre mafia Napolitaine, adaptée d'un bouquin qui a depuis mis son auteur en danger de mort. Primé à Cannes, le film de Matteo Garrone se veut être l'anti-Scarface, l'anti-Parrain : les personnages principaux n'ont pas le charisme de leurs prédécesseurs cinématographiques, ne sont pas interprétés par des acteurs renommés, ne sont pas mis en valeur par une réalisation propre, soignée, qui leur conférerait une image à la limite du mythe... Rien de tout cela, le cinéaste ne souhaitant pas raconter une épopée, plutôt décrire une réalité sociale que l'on pourra élargir à un domaine politique (de nombreuses questions sont implicitement posées). En cela, sa démarche se rapproche (dans l'état d'esprit) du néoréalisme de la grande époque. La caméra enchaîne à l'épaule les plans-séquences tremblants, hésitants même, montrant avec une crédibilité étonnante les fonctionnements d'un système malheureusement pas prêt de s'éteindre. Pour une fois, la notion d'ultra-réalisme, de style documentaire trouve son sens ; au plus proche des personnages, nous sentons intensément leurs palpitations, ressentons (partiellement) leur peur et la paranoïa qui s'installe. "Gomorra" possède des qualités, et c'est peu dire ; il prendra d'ailleurs probablement de l'ampleur avec le temps. Cependant, si la première partie du film est étonnante, la seconde sombre dans les redondances, le metteur en scène semblant terrifié à l'idée de faire évoluer ses objectifs, préférant assurer le coup quitte à sombrer dans le jusqu'au-boutisme un peu énervant. Les scènes finissent par se ressembler (dénonciation de la normalisation de la mort ? Un peu facile...) au point de paraître (pour certaines) plates. Avec une demie-heure en moins et des variations de style, "Gomorra" aurait encore pu gagner des galons. Pas totalement exploité dans ses capacités, il s'en tiendra au statut de "simple" bon film.