©Sega / Creative Assembly / Koch Media
Jeudi 13 février, Paris. C'est par temps froid, humide et pluvieux que l'on se rend en matinée dans un bar situé non loin du quartier de la Bastille, pour assister à la présentation d'Alien : Isolation. Un bar en sous-sol, à demi plongé dans la pénombre, avec un éclairage indirect et tamisé. Parfait pour l'ambiance et le sujet de la présentation. Au fond de la grande pièce, les écrans diffusent en boucle des extraits du film Alien de Ridley Scott, et les images de la première bande-annonce, dévoilée début janvier. Date du coup d'envoi officiel d'une campagne de communication marathon, qu'il faudra savamment doser jusqu'à la sortie du titre, prévue fin 2014. Pas question de se louper aussi : cette année, on célèbre le 35e anniversaire du premier film.
Sans revenir sur la déception majuscule qu'a été Alien Colonial Marines et son développement traité par-dessus la jambe par le studio texan Gearbox, celui d'Alien : Isolation a été confié au studio britannique Creative Assembly. Un développement qui a en fait commencé il y a trois ans. De prime abord, la gestion du projet par ce studio avait de quoi surprendre, celui-ci étant surtout réputé (à juste titre) pour le développement d'une franchise dont le gameplay et l'univers est à des années lumières de la saga Alien : la (grande) série des jeux de stratégie historique "Total War".
Revenir aux racines de la saga
"Chez Creative Assembly, nous sommes de gros fans du premier film Alien, et l'idée centrale pour nous était de revenir aux racines de la saga, de faire un vrai Survival Horror, revenir à l'essence même du genre." assure Alistair Hope, Creative Lead sur Alien : Isolation et venu présenter le jeu. Voilà pour la profession de foi. "L'une des raisons pour lesquelles nous sommes très attaché au film de Ridley Scott est que son film est certes de la SF, mais d'une certaine façon crédible. On trouve des objets de la vie quotidienne par exemple, même si pas toujours en bon état. Dans le Design, le film partage de nombreux traits communs avec 2001 : l'odyssée de l'espace mais aussi avec Solaris. Trois films qui forment la Sainte Trinité de la SF selon Danny Boyle, et que nous partageons aussi".
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"L'idée était qu'il ne fallait créer aucun élément pour le jeu qui n'aurait pas pu être créé en 1979". Exit par exemple les écrans LCD ou panneaux de contrôle High Tech trop souvent vus dans les films de SF, place aux vieux moniteurs fatigués avec boutons pressoirs ad-hoc. Un exemple qui peut sembler banal, mais qui souligne en réalité un vrai et grand souci du détail. Ou, plus exactement, un respect absolu du matériaux original.
Un travail facilité aussi par la Twentieth Century Fox, qui a ouvert en grand les portes de ses archives à Los Angeles. "On était allé les voir pour leur montrer une démo technique, en leur disant "voilà ce qu'on veut faire". La démo se terminait par une énorme créature Alien qui se jettait sur le joueur. Ils ont adoré" nous dit Alistair Hope. Histoire de mettre toutes les chances de son côté, Creative Assembly a engagé au sein de l'équipe de développement des talents issus de l'industrie du film, comme des spécialistes de l'éclairage et des SFX; "une aide précieuse qui doit contribuer à nourrir l'immersion dans le jeu" pour coller au plus près de la vision d'origine. Une saine obsession dirons-nous, qui fait plaisir à entendre.
Le concept du "Low Frequency, High Impact"
Revenir aux racines de la saga impliquait de faire dès le départ un Survival Horror. Mais un vrai de vrai, pas un jeu d'action matîné d'horreur; ce qui n'est pas du tout la même chose. Ces dernières années, le créneau a surtout été occupé par la scène indépendante, avec de vraies et grandes réussites, quoique malheureusement encore trop rares. Des titres comme l'extraordinaire Amnesia : the Dark Descent, sorti en 2010 (on va mettre de côté sa suite...); ou plus récemment le très réussi et terrifiant Outlast, qui vient d'ailleurs tout juste de débarquer sur PS4. L'air de rien, Alien : Isolation serait le premier Survival Horror estampillé triple "AAA" depuis bien longtemps, auquel on pourra peut être ajouter la prochaine création de shinji Mikami, The Evil Within, si tout va bien (le 29 août).
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"Dans le premier film, les protagonistes ont des ressources limitées pour affronter la créature, ils doivent survivre, il doit y avoir un sentiment fort de vulnérabilité. C’est pareil dans notre jeu" nous disait Alistair Hope au cours d'un bref entretien en tête-à-tête. Un sentiment de vulnérabilité qui trouve écho dans le concept cher au coeur du studio : le "Low Frequency, High Impact". Autrement dit une présence de la créature distillée au compte-gouttes, et des effets savamment dosés. Mais lorsqu'elle apparait et se met en chasse, l'effet de terreur et de stress est décuplé...
"L'Alien est une créature terrifiante. C'est la machine à tuer parfaite. Dans le film original, si vous vous souvenez bien, elle bouge très peu. Dans les films suivants et même dans les jeux développés autour de la franchise, elle devient surtout de la chair à canon pour les Pulse Rifles. Mais dans le film de Scott, elle est lente mais peut être foudroyante, méthodique, silencieuse. J'ajoute d'ailleurs que sur l'aspect gore, vous voyez aussi très peu de sang dans le premier film; la créature utilise sa queue, comme une manticore".
Une créature intelligente
"Dès le départ, nous voulions une créature et par extension un comportement très différent du reste de la franchise. Dans les films suivants et dans les jeux suivants, on avait l’impression qu’elle se comportait comme un "chien fou", qui domine l’écran, les joueurs. Un de nos gros challenges, ca été de travailler sur son comportement, de le rendre crédible, et surtout non scripté".
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Car la créature est intelligente. Pas de déplacement scripté à l'avance. Elle est censée apprendre, adapte son comportement en fonction de nos faits et gestes. Durant notre courte session de jeu de 20 min (sur Xbox One), plongé dans le noir avec casque sur les oreilles, l'Alien nous a fait méchamment transpiré de stress. On a eu le temps de mourir trois fois de manières différentes : en raison du bruit de nos pas alors qu'on tentait de se sauver. Une autre fois senti par la créature : planqué dans un casier, on avait oublié de bloquer notre respiration lorsqu'elle s'est approché, avant d'ouvrir la porte et finir empalé. Une autre fois parce que pensant prendre le chemin opposé de la créature, on a fini par se retrouver dans son champ visuel : celle-ci avait brusquement changé de trajectoire, imprévisible. Aucun sentiment d'impunité et de toute puissance du joueur.
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A ce titre d'ailleurs, le fameux Motion Tracker, qui piste l'Alien avec un son si caractéristique, est littéralement le fil de la vie de votre personnage. Il en va de la survie du joueur. Autant vous dire que lorsque vous êtes en pleine activité avec un fer à souder pour découper une porte, et que vous avez brusquement le son aigüe du Motion Tracker qui indique que la créature se rapproche de plus en plus, vous serez sans doute à deux doigts de vous liquéfier...
Si Creative Assembly honore sa promesse, si le studio maintient le cap de ses ambitions, faire d'Alien : Isolation un authentique Survival Horror - hommage au chef-d'oeuvre de Ridley Scott, si la suite est aussi saisissante que ce que l'on a pu voir et (un peu) jouer...On tient potentiellement avec ce titre une des grosses surprises de l'année; peut-être même un hit en puissance. De quoi atomiser jusqu'au souvenir les ratages précédents, et rendre enfin justice à une des plus grandes licences de l'histoire du cinéma. L'attente du titre d'ici la fin de l'année promet du coup d'être douloureuse...Mais si c'est pour mieux renaître, on est prêt à tous les sacrifices.
Olivier Pallaruelo
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