Jeune, Stan Lee avait adoré La Fiancée de Frankenstein, avec Boris Karloff, et était également obsédé par le mythe du Docteur Jekyll. Une combinaison qui a inspiré Hulk, " le premier super héros à être aussi un monstre ". Apparaissant pour la première fois en 1962, le monstre vert-qui était d'ailleurs gris au début de la série- fait ses premiers pas pratiquement en même temps que Spider-man et les Fantastic Four, et peu de temps avant les étranges X-Men. Au total, plus de 2 milliards de ses Comics ont été publiés dans 75 pays et en 25 langues. Parmi les lecteurs, Ang Lee, fasciné par " l'énergie et le dynamisme des dessins de Jack Kirby et (par) la fantastique liberté des histoires de Stan Lee". Pour le cinéaste, "ces B.D. parlent de grands problèmes, de grandes peurs, et leur discours est qu'il faut trouver au coeur même de la peur la volonté et l'imagination nécessaire pour la combattre".
La première séquence de The Ice storm, film que Ang Lee tourna juste avant Tigre et dragon, montre Tobey Maguire dans le métro en train de dévorer et commenter en voix-off un épisode des Fantastic Four (les Quatre Fantastiques), le plus fameux quatuor imaginé par Stan Lee et Jack Kirby. Un clin d'oeil appuyé qui atteste la passion de Ang Lee pour l'univers des Comics et une coïncidence troublante pour Maguire, alors débutant et qui remportera un triomphe en endossant les habits de Spider-Man.
La dimension tragique de Hulk réside principalement dans le dédoublement de personnalité extrême qui caractérise la transformation du Docteur Banner. Récurrent dans le cinéma, ce thème de la métamorphose en un autre "moi" qui devient le plus souvent incontrôlable, a donné ces dernières années des versions plutôt tragiques comme en témoigne la transformation de Jeff Goldblum dans La Mouche, à la fois irréversible et fatale. Mais elle a toutefois inspiré aussi des versions plus ludiques, à l'image de la transformation en forme de clin d'oeil à l'univers des cartoons de Jim Carrey dans The Mask.
" Concernant les effets spéciaux de Tigre et dragon, explique Ang Lee, il s'agissait principalement de choses simples comme supprimer les fils auxquels les acteurs étaient suspendus, mais dans Hulk, les effets à eux seuls correspondent à la création de 10 films ! " Leur supervision a été assurée par Dennis Muren, oscarisé à neuf reprises et notamment connu pour son travail sur le Jurassic Park de Steven Spielberg. Ang Lee assure d'ailleurs que le film n'aurait pas pu voir le jour sans les surdoués d'ILM. L'exigence était ainsi de créer par infographie un Hulk plus vrai que nature. Une prouesse qui aura mobilisé 69 artistes techniques, 41 animateurs, 35 compositeurs, 10 animateurs muscles, 9 modéliseurs infographiques, 8 superviseurs, 6 peintres peau, 5 techniciens capture de mouvements et 3 directeurs artistiques pour 2, 5 millions d'heures de calcul d'images et six térabits de données.
Découvert dans la peau d'un serial-killer sarcastique et bodybuildé pour Chopper, Eric Bana a séduit Ang Lee dans cette fable atypique qui mettait en scène un assassin sympathique. " Son personnage était d'autant plus monstrueux qu'il était très humain, confie le cinéaste. D'un seul regard, Eric communiquait une sorte de fureur et d'intelligence surhumaines. J'ai pensé qu'il serait adapté pour incarner Bruce Banner ". Pour Hulk, l'acteur a eu à travailler en étroite relation avec les artistes de ILM pour définir les positions, gestes et expressions du visage qui sont devenus la base de sa métamorphose.
Dans le rôle de Betty, qui est à la fois la petite amie de Bruce Banner et la fille du général Ross, ennemi juré de Hulk, Jennifer Connelly impose sa silhouette fragile et tourmentée. Révélée par Sergio Leone avec le rôle de Deborah jeune dans Il était une fois en Amérique, l'actrice s'est distinguée récemment dans son rôle de droguée pour Requiem for a dream et dans Un homme d'exception pour lequel elle a raflé Oscar et Golden globe. Pour donner la réplique au géant vert, Jennifer Connely a du ruser en matière de jeu, puisqu'elle devait pour la plupart du temps jouer face à un mannequin de carton-pâte ou devant une vitre marquée d'une croix à l'image d' une séquence-charnière du film, " un exercice vraiment spécial (...) mais amusant aussi, avec le recul " de l'aveu même de la comédienne.
L'un des principaux intérêts de Hulk réside dans la dramatisation des rapports que lie le personnage du monstre vert avec les proches de son double initial, le docteur Banner, et notamment avec son père, interprété ici par Nick Nolte. Le comédien a d'ailleurs été le premier, et seul acteur à qui Ang Lee et les producteurs ont voulu confier le rôle. Massif et fragile à la fois, il a été pressenti comme idéal pour camper ce chercheur dont le travail pionnier en génétique a repoussé les limites de l'éthique et bouleversé sa vie comme celle de son fils. Un modèle souvent et un adversaire, parfois.
Pour Hulk, les comédiens ont eu à relever une gageure de taille en affrontant un personnage qui n'était en fait jamais présent en lui-même sur tournage, même si les techniciens d'ILM se sont donné tous les moyens pour lui donner une véritable apparence "physique" sur le plateau. Parmi les " doublures " de Hulk, la première et plus fameuse pour toute l'équipe a été une grossière représentation de sa tête montée sur une perche télescopique, et qui a vite été surnommée " Elvis ".
" J'aimais la série télé, explique Ang Lee, et avoir Lou Ferrigno dans un petit rôle sur Hulk a été un vrai plaisir. A l'époque où la série a été faite, poursuit le cinéaste, un culturiste était la solution idéale. Mais le Hulk que je voulais devait être davantage que l'incarnation de la force humaine ". Diffusée sur CBS de 1977 à 1982, cette série avait néanmoins considérablement contribué à populariser la figure de Hulk, à travers 81 épisodes étalés sur cinq saisons auxquels s'étaient ajoutés 3 téléfilms tournés à la fin des années 90. Le film d'Ang Lee est en fait plus proche de l'esprit de la bande dessinée que celui de son adaptation télévisée. Hulk y mesure de 2 à 4 mètres 50, court à plus de 150 kilomètres/heures, fait des bonds de plusieurs centaines de mètres et peut soulever ou presser plusieurs tonnes. En guise d'hommage, Lou Ferrigno, apparaît donc dans la peau d'un vigile, aux côtés d'un certain Stan Lee.
La bande originale du film Hulk est l'oeuvre de Danny Elfman. Compositeur attitré de Tim Burton, on lui doit notamment, pour ce réalisateur, la partition de Batman, une autre adaptation de Comics portée à l'écran, tout comme Spider-Man dont il a écrit la B.O. pour Sam Raimi en 2002.