Le Petit fugitif a été présenté à la Mostra de Venise en 1953. Cette année-là, le Lion d'or n'a pas été décerné. En revanche, le jury présidé par le poète Eugénio Montale a remis pas moins de six Lions d'argent. Les lauréats étaient Le Petit fugitif, Moulin Rouge, Les Vitelloni, Thérèse Raquin, Les Contes de la lune vague après la pluie et Le Tour du monde de Sadko. Le film a également été nommé à l'Oscar du Meilleur scénario en 1954.
"Notre Nouvelle vague n'aurait jamais eu lieu si le jeune Américain Morris Engel ne nous avait pas montré la voie de la production indépendante avec son beau film, Le Petit Fugitif". Cette déclaration est signée François Truffaut, dont Les Quatre cents coups, un des films-clés de la Nouvelle Vague (avec également pour héros un petit garçon), est sorti en 1959, soit cinq ans après Le Petit Fugitif. Jean-Luc Godard s'est lui aussi inspiré, pour A bout de souffle des techniques de tournage mises au point par Engel. Plus près de nous, le cinéaste Raphaël Nadjari confiait, lors d'une interview accordée à AlloCiné : "Morris Engel par exemple, c'est aussi un cinéaste incroyable, Little Fugitive a beaucoup de pertinence. Il date de 1953 et il a sûrement permis à Cassavetes de faire ce qu'il a fait."
Né en 1918 et mort en 2005, Morris Engel est avant tout connu pour son oeuvre de photographe. Pionnier du photojournalisme aux côtés notamment de Paul Strand, il a travaillé pour la fameuse revue PM, et fut photographe de combats au sein de la Marine américaine, couvrant par exemple le Débarquement en Normandie.
Le Petit fugitif a été tourné avec très peu de moyens à Brooklyn, où Morris Engel a passé son enfance. Pour les besoins du tournage, il a conçu un harnachement pour caméra afin de filmer les badauds de Coney Island sans être vu. L'authenticité qui se dégage de ce dispositif à contribué à la réputation du film.
Morris Engel parle de sa collaboration avec son épouse Ruth Orkin, également photographe : "Ma femme a grandi à Hollywood, et a travaillé pour la MGM, donc elle savait tout sur la fabrication des films. Quand je lui ai dit que j'allais faire un film, elle m'a dit que c'était impossible. On a commencé à travailler sur le projet, et quand notre monteur a démissionné, j'ai demandé à Ruth de monter nos rushes. Elle a résisté, mais elle est vite tombée amoureuse de nos images et les a montées pour nous. Elle a réalisé un travail formidable. En très peu de temps, elle est devenue la monteuse idéale pour le film. Comme elle avait travaillé à Hollywood, où sa mère était une star du cinéma muet, elle savait tout sur la continuité et le montage. Heureusement pour nous, car nous n'y connaissions rien !" Engel et Orkin ont réalsié ensemble deux autres longs métrages, Lovers and lollipops (1956) et Weddings and Babies (1958).
Ce film a donné lieu à un remake, réalisé en 2006, avec Peter Dinklage dans le rôle du père.