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    Cannes 2018 - Un couteau dans le coeur, ou la "volonté de montrer un hédonisme, un jouir ensemble qui a disparu."
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Thriller situé dans l'univers du porno gay des années 70, "Un couteau dans le coeur" est le quatrième et dernier film français présenté en Compétition lors de ce Festival de Cannes 2018. Et son équipe est venue le défendre en conférence de presse.

    JACOVIDES-BORDE-MOREAU / BESTIMAGE

    Quatrième et dernier film français présenté en Compétition lors de ce Festival de Cannes 2018, Un couteau dans le coeur n'est pas le moins remuant, avec la plongée qu'il nous offre dans la milieu du porno gay des années 70, le temps d'un thriller qui fleure bon le giallo ou le cinéma de Brian De Palma. Le tout porté par Vanessa Paradis, qui fait ses premiers pas dans cette section au même titre que le réalisateur Yann Gonzalez, présent à ses côtés pour le photocall et la conférence de presse.

    TOUTE RESSEMBLANCE...

    Yann Gonzalez : C'est un point de départ documentaire. J'ai entendu parler d'une productrice violente, alcoolique, extrême. Humiliante parfois, avec ses acteurs. J'ai trouvé que c'était un personnage assez fou, assez fort pour m'inciter à attaquer l'écriture d'un scénario. Elle est morte depuis longtemps mais j'ai rencontré pas mal de gens qui la connaissaient, et on s'est finalement assez peu servis de cette matière documentaire avec Cristiano [Mangione, le co-scénariste], car nous sommes très vite arrivés, tête baissée je dirais, dans la fiction, le romantisme, le romanesque.

    UN FILM AU PARADIS

    Yann Gonzalez : L'idée de Vanessa s'est imposée à la fin de l'écriture. Tout à coup le visage d'une actrice s'imprime sur le personnage, et c'est un moment magique car on a l'impression que c'est comme un collage évident (...) On appelle ça la cinégénie, quand un visage apparaît à l'écran et provoque tout un tas d'émotions. Il est riche, il a du vécu, il y a quelque chose dans le regard qui traverse l'écran et vous foudroie. Vanessa possède ça. C'est une icône mais pas figée, qui s'anime en permanence. Tout se voit, tout fait sens et tout est bouleversant chez elle. Elle m'a fait un cadeau inouï en acceptant ce film.

    Vanessa Paradis : J'étais vraiment consciente de la chance que j'ai eu que l'on pense à moi. Que l'on m'offre ce rôle dans ce film, car c'est vraiment un rôle de rêve. Quand on fait le métier de comédienne, on a envie de jouer. Et jouer un personnage aussi riche, aussi intense, c'est un sublime cadeau. Je l'ai tout de suite accepté et je ne fais pas souvent de cinéma, je fais plus souvent de la musique. J'ai été très surprise que Yann pense à moi, il y a trois ou quatre ans. Cela faisait un moment que l'on ne pensait pas beaucoup à moi au cinéma donc j'ai été encore plus touchée, et je trouvais qu'il était courageux.

    Il m'a d'abord présenté son scénario et après on s'est rencontrés. Avec Kate [Moran] et Nicolas [Maury] aussi. Et c'était évident qu'on se plaisait et qu'on allait s'entendre, qu'on avait envie de passer un moment ensemble. En travaillant, en rigolant, mais c'était très évident. Et le fait que le rôle soit violent n'a pas donné un tournage désagréable, bien au contraire. Parce que ce film est tellement créatif, à tous les postes, que chaque personne de l'équipe s'est sentie responsable, créativement parlant. Et c'est passionnant quand on demande à chacun de créer quelque chose. C'est tout le temps le cas, mais c'est aussi dans la personnalité de Yann que de faire les choses de manière joyeuse. Et très concentrée. On a beaucoup travaillé, mais beaucoup rigolé aussi (rires).

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    MUSIQUE EN FAMILLE

    Yann Gonzalez : Pour la musique, nous sommes partis des influences qui ont nourri le film dès l'écriture. Celles de Pino Donaggio pour Brian De Palma, ou d'Ennio Morricone pour certains films de Dario Argento ou de Lucio Fulci. Nous sommes partis de ces compositions très lyriques, très mélodiques, très sentimentales aussi, et qui étaient celles du cinéma de genre de l'époque. On les a évidemment retravaillées pour ne pas être dans le pastiche. Je trouvais important que ce film ne soit pas uniquement référentiel et d'aller vers quelque chose de contemporain, avec des instruments contemporains, et quelque chose qui raconte aujourd'hui d'une certaine manière.

    Ce qui était beau sur ce projet, c'est que mon frère, qui est la base de M83, a de nouveau collaboré avec Nicolas Fromageau, son co-compositeur sur les deux premiers albums du groupe. Il y avait quelque chose de très émouvant dans ces retrouvailles. C'était un retour à l'adolescence pour nous trois : nos premières amours, des VHS qu'on regardait en cachette de nos parents, des premières images un peu subersives qui nous faisaient planer à l'époque. Nous sommes partis des ces images et musiques, et nous nous sommes plongés dedans. L'enregistrement de la musique était quelque chose de magique.

    Travailler avec son frère fait gagner du temps, mais Anthony est très impatient comme garçon. Beaucoup plus que moi. On n'a pas trouvé la couleur de la BO tout de suite, donc il y a eu une cripastion sur les trois-quatre semaines de montage car nous avions besoin de musique pour avancer. Dès que nous avons trouvé le premier thème, qui est celui de la séquence de pique-nique et de l'un des premiers meurtres, ça a donné le la de tout le film, de toute la BO. Et tout est venu naturellement à partir de ce moment-là. Mais on a bataillé. Pour trouver ce film, la BO, le montage. Je n'ai jamais autant travaillé que sur ce film, qui m'a littéralement vidé.

    Je crois qu'on a perdu ce goût des dialogues écrits. Pas totalement car, quand je vois le film de Christophe Honoré [Plaire, aimer et courir vite], il y a cette écriture qui irrigue le film tout du long. Quelque chose de très écrit qui n'est pas naturel. Moi j'aime bien que les personnages ne parlent pas forcément comme dans la vie. C'est du cinéma, on est ailleurs. Je parle souvent de musicalité car j'aime souvent que mes acteurs suivent une mélodie. Je ne sais pas si je les dirige particulièrement, mais j'ai l'impression d'entendre la mélodie du texte à l'oreille, et de les diriger comme le ferait un chef d'orchestre.

    Nicolas Maury : Il y a une une tension très intéressante, une hétérogénéité. Qu'il y ait comme une verticalité à trouver entre un texte. Ça n'est pas pour rien que Yann a écrit des paroles de chansons pour son frère. Il y a parfois une perfection dans la réplique, une tenue du langage. Ce qui est intéressant c'est qu'il filme ses acteurs avec un regard vibrant, des coeurs battants.

    S'il y a un fétichisme dans le film, c'est celui de la lumière

    SUR LA ROUTE DE DE PALMA

    Yann Gonzalez : J'ai montré quelques films à Vanessa, notamment Pulsions et Blow Out de De Palma. Mais pas de gialli il me semble. Je sais que j'ai offert deux ou trois Blu-Ray de De Palma à Charles [Gillibert], mon producteur, qui ne connaissait pas si bien, alors que c'est pour moi le maître absolu en matière de thriller sentimental, de sentiments, d'amour et de cinéma de genre. C'est quelqu'un qui me bouleverse et j'avais envie que Charles s'imprègne de ces images pour savoir où on allait. Le scénario était quand même particulier donc c'était bien de donner une première couleur avec les films de De Palma.

    BACK TO THE 70'S

    Yann Gonzalez : Tout le travail de reconstitution s'est essentiellement fait par le prisme de la lumière. J'ai regardé beaucoup de films français des années 70 et je suis retombé amoureux de ces lumières urbaines, entre le vert et le bleu la nuit, qui sont très très différentes de celles que l'on voit dans les films aujourd'hui. S'il y a du fétichisme dans le film, c'est celui-ci, celui de cette lumière. Pour moi, elle évoque à la fois le passé mais surtout le cinéma de cette époque. C'est une renconstitution par le biais du cinéma, le biais des films français que j'aime et qui me replongent dans cette époque.

    Je pense à des films d'Alain Corneau, des séries B que beaucoup de gens ont oubliées, et notamment un film un peu bis que j'adore : Le Couteau sous la gorge, avec Brigitte Lahaie et Florence Guérin, qui a un peu inspiré notre titre aussi. Il y a un hommage à ce cinéma un peu déviant mais qui, pour moi, regorge de poésie, de trouvailles et d'érotisme. Et ces lumières apportent aussi quelque chose de l'électricité urbaine et de celle des personnages.

    Il y avait pour moi la volonté de montrer un hédonisme, un jouir ensemble qui a disparu avec les années SIDA. Un hédonisme qui est en train de renaître. Je le vois dans la génération des 20-25 ans aujourd'hui. Il y a cet espoir d'un hédonisme qui est en train de renaître sur les décombres du monde. C'est donc un film qui n'est pas seulement ancré dans cette époque, mais raconte quelque chose que je sens vraiment autour de moi.

    "Un couteau dans le coeur" sortira le 27 juin dans nos salles

    Vanessa Paradis

    Première participation à la Compétition pour l'actrice, membre du jury de George Miller en 2016.

    Vanessa Paradis et Nicolas Maury

    Kate Moran, Vanessa Paradis et Nicolas Maury

    Nicolas Maury, Kate Moran, Yann Gonzalez et Vanessa Paradis

    Comme Vanessa Paradis, le réalisateur participe pour la première fois à la Compétition. Et ce dès son second long long métrage, alors que le précédent, Les Rencontres d'après minuit, avait été présenté en Séance Spéciale de la Semaine de la Critique et concourait pour la Caméra d'Or en 2013.

    L'équipe de "Un couteau dans le coeur" au complet

    Le co-scénariste Cristiano Mangione, Nicolas Maury, Kate Moran, le réalisateur Yann Gonzalez, Vanessa ParadisKhaled AlouachJonathan Genet

    Kate Moran

    L'actrice, vue également dans Saint Laurent, était déjà à l'affiche des Rencontres d'après minuit, et de quelques courts métrages de Yann Gonzalez

    Nicolas Maury

    Comme Kate Moran, l'acteur était également à l'affiche des Rencontres d'après minuit. On le retrouve à Cannes, comme dans le final de la saison 2 de Dix pour cent, à ceci près qu'il est aujourd'hui en Compétition.

    Vanessa Paradis a trouvé sa nouvelle photo de profil

    Un couteau dans le coeur sortira dans nos salles le 27 juin

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