Ce lundi 14 octobre, Le Monde daté du 15 publiait un article de Jean-Pierre Mocky intitulé Requiem pour une salle de cinéma. Le réalisateur et exploitant y attaquait les pouvoirs publics, insensibles au sort de son cinéma Le Brady en difficulté financière, et annonçait la mort de cette salle, situé au 39 Boulevard de Strasbourg : "Exsangue, incompris, oublié, le Brady, rend son dernier soupir. Soupirent avec lui : Jean-Pierre Mocky, qui a sué sang et eau pour prolonger son existence, ses fidèles employés, ses fidèles spectateurs".
La mort d'une salle mythique
Contacté par AlloCiné, Jean-Pierre Mocky nous a appris que la fermeture était prévue pour la fin novembre. Un point final sera ainsi mis à l'histoire du Brady, antre mythique du cinéma fantastique dans les années cinquante, fréquenté par François Truffaut et racheté en 1994 par Jean-Pierre Mocky. Il y a deux ans le réalisateur tente de sauver son cinéma qui traverse une passe difficile en créant une deuxième salle. Il finance les travaux avec son argent personnel, et contracte des dettes qui s'élèvent aujourd'hui à 400 000 francs.
Ne bénéfiçiant pas du statut de salle Art & Essai parce qu'il exploite les copies des films en version française, le cinéaste touche des aides de 15 000 francs par mois. En 2002, pour éponger ses dettes, il réclame une aide de 30 000 francs mensuels, espère être soutenu dans le coût des travaux, adresse des courriers au CNC, au Ministère de la Culture et à la Mairie de Paris en annonçant qu'il va être obligé de fermer sa salle. Résultat de ses démarches : aucun rendez-vous accordé et la même subvention de 15 000 francs renouvellée au début du mois d'octobre.
Jean-Pierre Mocky l'infatigable
Jean-Pierre Mocky est alors sollicité par un voisin commerçant dans les cosmétiques, prêt à lui racheter la salle pour étendre ses activités. Le cinéaste parvient à le faire patienter jusqu'à la fin du mois de novembre 2002, le temps que les trois employés du Brady, licenciés ces jours-ci, fassent leur préavis. Le temps aussi que d'éventuels donneurs généreux ou des sponsors viennent à son secours, interpelés par son cri de détresse lancé dans les pages du Monde. Mais les deux ou trois chèques de quelques milliers de francs envoyés par des inconditionnels du Brady ne suffisent pas, pour le moment, à retourner la situation.
Un peu amer, regrettant "l'ère des 'Malraux et des Jack Lang'", persuadé d'être "un artiste victime de la jalousie des bureaucrates" nous confie-t-il, Jean-Pierre Mocky se montre pourtant infatiguable. Il nous a confié avoir pour projet de racheter une autre salle de 100 m² dans un quartier plus favorable avec l'argent de la vente et de continuer à travailler comme exploitant indépendant à l'"inverse des vendeurs de pop corn qui ont fait du cinéma un produit de consommation". Il a déjà prévu de faire lui-même les aménagements avec ses amis. Des amis indéfectibles comme Michel Serrault avec qui il a écrit un scénario sur le bénévolat, qui sera prochainement produit par Paulo Branco et tourné avant la fin de l'année avec la participation probable de Jacques Villeret et Dominique Lavanant.
Amélie Charnay