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    2001, un tournant pour les cartes

    2001 devrait marquer un tournant décisif dans le débat sur les cartes illimitées, tant sur le plan législatif qu'économique.

    Les députés ont adopté mardi soir le projet de loi proposé par Catherine Tasca, revu et corrigé par les sénateurs. L'article 54 de ce projet de loi porte sur les nouvelles régulations économiques dans l'industrie cinématographique.

    Attention le chemin est encore long avant que ce texte ait valeur de loi. Petit rappel de la procédure. Ce projet de loi repassera devant les sénateurs, qui évoqueront les modifications apportées par les députés. Il reviendra ensuite à l'Assemblée nationale, pour la lecture finale, qui aboutira au vote de la loi. Celle-ci devrait normalement être votée avant la fin de la session parlementaire, le 30 juin prochain. Ensuite, il devra faire l'objet d'un décret de promulgation, et là encore, le délai est incertain. Mais la discussion avance...

    Des distributeurs rassurés

    Des garanties sur la remontée des recettes

    Les sénateurs avaient étendu l'idée de remontée des recettes garanties pour tous les ayants droit. Or inscrire ceci dans la loi aurait nécessité d'inclure l'ensemble des ayants droit dans la négociation, ce qui rendrait les choses extrêmement compliquées. Il aurait en effet fallu que les exploitants mettent en place un système de reversement des droits à chaque catégorie d'ayant droit.

    L'amendement proposé par les députés dans le cadre de la régulation des cartes illimitées prévoit donc de limiter les obligations des exploitants à l'égard des seuls distributeurs, comme c'est le cas pour les entrées vendues à l'unité. Les distributeurs sont en effet les mandataires de tous les autres ayants droit. Ils reversent le produit des recettes aux producteurs et aux auteurs, en fonction de ce qui est défini dans les contrats de distribution signés avec les producteurs. Les distributeurs seront donc rémunérés sur la même base de répartition des recettes que celle qui existe pour les tickets vendus à l'unité.

    Naturellement, la remontée des recettes devra être transparente, et sera placée sous le contrôle du Centre national de la cinématographie (CNC), comme c'est le cas pour la billetterie traditionnelle.

    La répartition des recettes entre les exploitants et les ayants droit

    Pour bien comprendre qui touche quoi, voici un bref rappel de la répartition des recettes d'un billet de cinéma :

    • La TSA, Taxe Spéciale Additionnelle : prélevée sur chaque ticket de cinéma, son montant varie selon le prix du billet, et correspond en moyenne à 11% de la place. Elle alimente le compte du ou des producteurs du film au fonds de soutien du CNC, et est réinjectée dans les productions futures de ce ou ces producteurs.

    • Le partage des recettes se calcule à partir de la Base Film, qui correspond au prix du billet amputé de la TSA (11%) et de la TVA (5,5%), soit 83,5% du prix d'origine du ticket.

      Il se répartit entre les exploitants, comme suit :

      - exploitants : 50% de la Base Film

      Cette somme est acquise aux exploitants, qui n'ont aucun frais supplémentaires à régler.

      - distributeurs : 50% de la Base Film

      Sur cette somme, les distributeurs reversent un pourcentage à la Sacem, en paiement des droits musicaux, et aux ayants droit, dont ils sont mandataires. La somme affectée aux ayants droit, c'est-à-dire aux producteurs et aux auteurs, varient en fonction des contrats de distribution.

      La pratique veut que les distributeurs disposent d'un minimum garanti, c'est à dire que jusqu'à un certain nombre d'entrées, ils conservent la totalité de leur part de recettes, afin de rentrer dans leurs frais de fonctionnement. Au delà de ce chiffre fixé contractuellement, les recettes, que l'on appelle "recettes nettes", se répartissent en fonction d'un pourcentage établi par contrat entre les distributeurs et les ayants droit. Il arrive aussi que les acteurs principaux des films obtiennent un pourcentage des recettes.

    Des indépendants HEU-REUX !

    Comme prévu depuis l'origine du projet, les indépendants pourront adhérer sans discrimination aux formules d'abonnements illimités proposées dans leur zone de chalandise. Cet élément, proposé par Catherine Tasca, avait été validé par le Sénat, et n'a pas été modifié par les députés.

    Garantie d'une rémunération compensatoire pour les salles indépendantes

    La semaine dernière, nous nous faisions l'écho des inquiétudes des indépendants au regard de ce projet de loi, et de leur lobbying auprès des députés. Ils souhaitaient en effet obtenir un amendement qui leur permettrait de ne pas supporter le coût des abonnements illimités à perte en cas d'adhésion à ces formules.

    En effet, les "gros exploitants" ont un panel plus large d'abonnés, qui leur permet de répartir le surcoût de la carte sur un plus large nombre d'abonnés, certains achetant la carte à perte. De plus, les multiplexes ont la possibilité de récupérer une marge bénéficiaire sur les produits annexes qu'ils vendent dans les cinémas, que sont les confiseries et les boissons. Or les salles indépendantes n'ont pas accès à ce type de recettes... Ces deux facteurs expliquent pourquoi il étaient quasiment impossible aux salles indépendantes de supporter le coût induit par les cartes illimitées, à moins de le faire à perte. A force de le crier haut et fort auprès des députés, elles ont donc obtenu gain de cause.

    L'amendement adopté par les députés prévoit en effet de garantir à tous les exploitants indépendants qui rejoindrait les cartes illimitées une rémunération en compensation de la différence des recettes par rapport à la billetterie traditionnelle. En clair, le surcoût des abonnements illimités, notamment en cas de sur-utilisation par l'abonné, serait assumé par les groupes qui lanceraient de telles formules, comme le sont actuellement UGC, Pathé, Gaumont et MK2. Tout comme l'éventuel bénéfice, sur les abonnements que les abonnés ne rentabiliseraient pas

    Suite à cette annonce, l'ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs) et l'AFCAE (l'association française des cinémas art et essai), qui s'étaient largement investies dans le combat, se sont déclarées satisfaites.

    La viabilité économique des cartes en question

    Plus le temps passe, moins il est intéressant pour les exploitants de poursuivre l'offre des cartes illimitées telle qu'elle existe actuellement. Et l'avancée du projet de loi visant à les réguler ne va pas dans le sens de rassurer les "encarteurs". En effet, les problèmes économiques se multiplient pour les réseaux ayant lancé des cartes...

    Vers un abonnement plus cher ?

    Quand le groupe de Guy Verrechia a lancé sa carte le 29 mars dernier, le service marketing prévoyait 50 à 100 000 abonnés sur la première année d'exploitation de la carte UGC, et tablait sur une utilisation moyenne de 3 fois dans le mois pour ses abonnés. 9 mois après, UGC a enregistré près de 185 000 abonnés, et la fréquentation moyenne est de 4,3 utilisations mensuelles, ou plus exactement 52 par an.

    Or ce système n'est pas économiquement viable pour le groupe.

    UGC s'est engagé à rémunérer les distributeurs sur une base fixe, établie en fonction du prix moyen d'une place à tarif réduit, à savoir 33 F.

    Jusqu'à trois utilisations dans le mois, le système est viable pour la firme, qui peut payer les ayants droit sans problème. Mais au delà, sa marge brute est entamée, car UGC assume seul la perte financière : en fonction des engagements pris lors de la création de la carte, et désormais inscrits dans ce projet de loi, UGC ne peut pas baisser la part attribuée aux ayants droit en fonction du nombre d'entrées réelles effectuées. Selon Alain Sussfeld, directeur général d'UGC, la firme perd de l'argent au-delà des 66 entrées annuelles... soit 5,5 par mois.

    D'autres facteurs liés à la gestion des cartes illimitées se sont ajoutés à la pression économique autour de ce phénomène, enserrant UGC dans un véritable étau. La surconsommation de films a eu plusieurs effets négatifs. D'une part, il a fallu gérer le flux à l'entrée des multiplexes. Et la plupart du temps, cela a dû se faire avec les équipes déjà en place, la non-rentabilité des cartes empêchant d'embaucher autant que nécessaire pour faire face à l'afflux de spectateurs aux caisses. Bien que les bornes de retraits de tickets soient installées, les files d'attente sont encore longues dans les multiplexes. Mais plus grave, la surconsommation a aussi entraîné un phénomène de zapping, notamment de la part des adolescents. Les salles ont dû alors faire recruter en priorité des vigiles, pour remettre dans le droit chemin les spectateurs les plus indisciplinés. Ce qui a entraîné un surcoût par rapport aux charges de personnel supportées par le groupe.

    Pour faire face à tous ces "imprévus", UGC, et les groupes qui l'ont imité en créant à leur tour une carte, devront tôt ou tard rentabiliser leur produit. Et faute de pouvoir réduire la part attribuée aux ayants droit, cette rentabilisation passera fatalement par une augmentation du prix de l'abonnement. D'autant que le Conseil de la concurrence, saisi par Catherine Tasca, devra se prononcer un jour ou l'autre sur la carte UGC, et définir si elle recèle d'un abus de concurrence, et si elle propose un tarif abusivement bas. Si tel était le cas, UGC devrait obligatoirement relever son tarif. Nul doute qu'il serait aussitôt suivi par ses petits camarades Gaumont, MK2 et Pathé.

    La véritable question reste de savoir à combien l'abonnement devient intéressant à maintenir pour les exploitants...

    Mais les abonnés, qu'en penseront-ils ? Ne s'estimeront-ils pas avoir été victimes d'une vaste opération marketing ? Au fond, les formules seront-elles finalement si intéressantes pour le consommateur ? La question reste posée. Seule certitude, on n'a pas finit de débattre autour des cartes illimitées.

    F.M.L

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