Une fabuleuse ouverture silencieuse de 14 min, une histoire de vengance portée par un casting à l'unisson, culminant dans un duel final entré au panthéon du cinéma, une bande originale signée Ennio Morricone dans toutes les mémoires... Ce ne sont pas les superlatifs qui manquent concernant Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone. Le film a beau être multi rediffusé avec une régularité de métronome, on ne se lasse jamais de le revoir. Ça tombe bien, France 3 le diffuse ce soir à 21h10.
"Son agent ne lui a même pas montré le script !"
Le public de l'époque fut d'autant plus choqué dès la scène d'ouverture qu'il découvrait, médusé, que celui qui venait de massacrer toute une famille avec ses acolytes n'était autre qu'Henry Fonda. Lui qui était l'incarnation vivante d'une Amérique libérale - le Tom Joad des Raisins de la colère c'était lui - compose ici l'un des plus grands bad guys de l'histoire du cinéma.
L'ironie est que Leone lui avait envoyé, en 1963, le script de Pour une poignée de dollars. "Son agent ne le lui montra même pas !" se souvenait le cinéaste. "Et puis, cinq ans plus tard, j'ai monté un vieux projet que j'avais mûri depuis très longtemps comme spectateur. Cette fois j'ai envoyé le scénario d'Il était une fois dans l'Ouest directement à Henry.
Après l'avoir lu, Hank n'a pas répondu, ni oui ni non. Il a demandé à voir mes films précédents; et un matin tôt, il s'est mis à visionner sans interruption Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand. Quand il est sorti, l'après-midi était bien avancée : "Où est le contrat ?" a été la première chose qu'il a dite" racontait Leone au journaliste critique américain Danny Peary, cité dans son ouvrage The Movie Star Book, en 1978.
"Enlevez-moi ça !"
L'affaire était donc entendue. Fonda acceptait de jouer un méchant. Et il avait une idée bien à lui pour composer son personnage, qu'il voyait comme un archétype des méchants de westerns fordiens. "J'avais plusieurs mois pour me préparer, et j'ai réfléchi à la façon dont je pourrai interpréter le rôle" racontait Fonda, cité par l'historien Christopher Frayling dans Il était une fois en Italie ; ouvrage de référence sur les westerrns leoniens.
"Je suis allé voir un optométriste de la Valley pour me faire faire des lentilles de contacts noires. Je trouvais que mes yeux bleus ne convenaient pas au personnage. Je me suis laissé pousser la moustache, style John Booth, l'assassin de Lincoln. J'essayais vraiment de me donner l'air méchant.
Mais quand je suis arrivé à Rome, Sergio s'est écrié d'un air horrifié : "Enlevez-moi ça !" Il tenait à mes yeux bleus, à mon visage. Rappelez-vous la première scène. La caméra pivote très lentement jusqu'à ce que l'on reconnaisse le tueur. Sergio Leone voulait que le public retienne son souffle : "Seigneur, c'est Henry Fonda !" C'était très amusant, j'ai adoré chaque seconde de ce tournage". Effet de sidération garanti.