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    Small Axe sur SALTO : que vaut la série historique de Steve McQueen avec John Boyega et Letitia Wright ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Le réalisateur britannique oscarisé de "Twelve Years a Slave" propose, à travers une collection de cinq films, une plongée au sein de la communauté antillaise de Londres entre les années 1960 et 1980. Une leçon d'Histoire aussi sombre que puissante.

    De quoi ça parle ?

    L'histoire débute dans les années 1960 et raconte des histoires de la communauté antillaise de Londres, confrontée à un environnement souvent hostile.

    Small Axe, dès le 26 février en exclusivité sur SALTO - 3 épisodes vus sur 5

    Small Axe
    Small Axe
    Sortie : 2020-11-20 | 60 min
    Série : Small Axe
    Avec Letitia Wright, Thomas Coombes, Gershwyn Eustache Jnr
    Spectateurs
    3,8

    C'est avec qui ?

    Après 12 Years a Slave pour lequel il reçoit l'Oscar du Meilleur film en 2014, et Les Veuves en 2018, Steve McQueen revient sur le petit écran avec une série anthologique pour la BBC réunissant de nombreux acteurs britanniques. Letitia Wright (Black Panther) incarne une militante pour les droits civiques dans l'épisode Mangrove, aux côtés de Shaun Parkes et Malachi KirbyMicheal Ward et Amarah-Jae St. Aubyn incarnent un couple naissant dans l'épisode Lovers Rock ; enfin, John Boyega (Star Wars) interprète un officier de la police londonienne dans l'épisode Red, White and Blue.

    Ça vaut le coup d'oeil ?

    Collection de cinq films se focalisant sur la communauté caribéenne de Londres entre les années 1960 et 1980, Small Axe déroule une fresque contemporaine dont la violence et la nécessité du propos nous révoltent par leur résonance avec notre époque. Dédiée au mouvement Black Lives Matter né en 2013 aux Etats-Unis pour dénoncer les violences policières, et particulièrement ravivé en 2020 après la mort de George Floyd, la série s'attelle à rassembler les morceaux de l'histoire culturelle et politique d'une communauté discriminée de façon structurelle en Angleterre, tant par les individus que par les institutions gouvernementales sensées garantir l'égalité entre les citoyens. Près d'un demi-siècle s'est écoulé et peu de choses ont changé.

    Le premier épisode, Mangrove, retrace le combat d'un propriétaire d'un restaurant antillais face aux assauts répérés des forces de l'ordre sur son établissement. La manifestation citoyenne qui en découlera entraînera le retentissant procès des "Mangrove 9", premier jalon d'une réparation juridique symbolique. Le second, Lovers Rock, est un hommage au reggae, au ska et à la soul, et en particulier à une variante romantique du reggae auquel le titre de l'épisode rend hommage. Celui-ci culmine lors d'une inoubliable scène de danse, fiévreuse et hypnotique, proche de la communion spirituelle. Le troisième épisode, Red, White and Blue, suit le parcours de l'officier noir de la police londonienne qui a fondé la Black Police Association et tenté de réformer le système de l'intérieur. L'épisode 4, Alex Wheatle, montre la condamnation et l'emprisonnement d'un romancier noir britannique après les émeutes de Brixton en 1981. Enfin, Education, dernier épisode bouleversant, montre la mécanique impitoyable d'un système qui condamne les enfants d'immigrés à l'échec dès l'école primaire, et la quasi-impossibilité pour les familles de les faire sortir de cette spirale. 

    L'individu ne peut rien face au système ; seule l'union fait la force, rappelle une représentante aux familles des enfants racisés envoyés de force dans des "écoles spécialisées" pour les écarter du système scolaire traditionnel. Le changement doit venir de l'intérieur, déclare Darkus Howe à Crichlow dans le premier épisode lorsque celui-ci hésite à fermer définitivement son restaurant face aux attaques de la police. En s'appuyant sur la lecture des Jacobins noirs de C.L.R. James, un penseur noir britannique et marxiste, celui-ci voit le recours à la manifestation comme l'unique moyen de se faire entendre pour la communauté antillaise du quartier de Notting Hill, victime de la répression aveugle de la police locale raciste avec la complicité des hautes autorités. Ne plus compter sur les autorités, défaillantes, et combattre le système de l'intérieur, nous disent les différents protagonistes de ces récits chorals.

    Coécrits par Steve McQueen, la romancière Courttia Newland et le scénariste Alastair Siddons, ces films puissants nous ébranlent par le racisme structurel qu'ils illustrent, héritage direct des colonies. Mais la vie, la joie et la résilience débordent de chaque plan, envers et contre tout, grâce à la maîtrise totale de sa mise en scène. A l'instar des précédents longs-métrages de Steve McQueen, Small Axe transpire la colère face aux inégalités et à l'injustice, mais parvient à sublimer l'horreur de sa matière pour en faire un récit collectif brillant, ode à la culture antillaise britannique et manifeste pour les générations futures. Et de constituer une nouvelle pierre brûlante d'un édifice de plus en plus vaste, riche et pluriel de la fiction et du cinéma.

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