Mon compte
    50 ans de la mort de Bourvil : sa carrière vue par son fils, de Louis de Funès à Annie Cordy
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    A l'occasion de l'exposition consacrée au comédien à Lille au sein du Festival CineComedies, découvrez la carrière de Bourvil à travers le regard de son fils, Dominique Raimbourg.

    SNC

    Pour une nouvelle génération qui ne connaîtrait pas Bourvil, comment le présenteriez-vous ?

    C'est un artiste assez complet qui a commencé juste après la guerre par des chansons comiques et fantaisistes (...) et [au cinéma] avec des personnages assez benêts qui à la fin du film se révélaient plus malins que (...) [ceux] qui se moquaient de lui. Il a fait évoluer ce personnage dans des genres dramatiques comme Martin dans La Traversée de Paris, Fortunat dans Fortunat ou celui du Miroir à deux faces. Il a joué dans deux films comiques à très grands spectacles que sont Le Corniaud et La Grande vadrouille. (...) 50 ans après sa disparition, ce personnage n'est pas oublié, que ce soit dans les films ou les chansons. Récemment, à l'occasion du confinement, on a pu réentendre une chanson, La Tendresse, reprise par la Symphonie confinée avec plus de 4 millions de vues sur Youtube.

    Fernandel était son idole et ils ont pu tourner ensemble dans "La Cuisine au beurre", est-ce que vous savez ce que ça a représenté pour Bourvil de côtoyer sa star de jeunesse ?

    Il était enthousiaste et, comme bien souvent, entre l'image qu'il se faisait (même s'ils s'étaient déjà rencontrés) et la réalité, il a été un peu déçu par la réalité. Le film n'est pas mauvais, mais ce n'est pas la révélation qu'a pu être la rencontre avec [Louis] de Funès. Ce dernier jouait un colérique face à un homme écrasé par les situations, ça fonctionne mieux que ça ne fonctionne avec Fernandel. Les deux personnages [de La Cuisine au beurre] sont peut-être un petit peu trop proches. Et ce, même si la rencontre entre le Marseillais volubile et le Normand taciturne était une bonne idée de départ.

    Victory Films, Mondial Films

    Quel rapport votre père entretenait-il avec De Funès, qui était un "collègue comique", donc une relation qui était peut-être professionnelle et personnelle ?

    C'étaient deux hommes qui s'appréciaient parce qu'ils considéraient qu'ils faisaient du bon travail. Mon père le connaissait depuis longtemps puisque De Funès intervient dans Les HussardsPoisson d'avril et La Traversée de Paris. Mon père appréciait De Funès car il a eu une carrière difficile de pianiste de bar avant de pouvoir éclater. (...) Ça a bien fonctionné avec Gérard Oury, qui était le troisième ingrédient pour que la sauce prenne. Et Oury était aussi un acteur, c'est lui le chirurgien esthétique dans Le Miroir à deux faces, que mon père vient tuer car il a modifié le visage de sa femme. Donc tout le monde se connaissait. (...)

    Annie Cordy nous a quitté il y a quelques semaines. Que représentait-elle pour votre père et pourquoi se complétaient-ils si bien ?

    Annie Cordy a joué dans La Route fleurie, une opérette qui commence en 1953 ou 1954 avec un contrat mal rédigé qui interdisait à mon père et à Annie Cordy de s'en aller de la pièce sans l'accord du producteur... donc mon père a fait 1 300 représentations ! Et à la fin, il voulait que ça s'arrête mais ne le pouvait pas à cause d'un dédit qui était très important. A ma connaissance, Annie Cordy a payé le dédit et elle est partie. C'était une très jeune interprète (...). Mon père et elle se sont retrouvés dans une autre opérette qui s'appelait Ouah ! Ouah !, et au cinéma dans Le Chanteur de Mexico avec Luis Mariano, par exemple.

    Est-ce qu'il y a un cliché sur votre père que vous ne supportez pas ?

    Il n'y en a pas, parce qu'il ne suscite pas d'animosité particulière. De temps en temps, on le réduit au comique du début ou on me croise en me disant "Ah mon vélo", en faisant des imitations qui ne sont pas terribles, mais en dehors de ça, ça se passe plutôt bien ! (rires).

    Gaumont

    Est-ce qu'il y a un film de lui que vous préférez ?

    J'aime beaucoup La Grande vadrouille, comme beaucoup de gens. "Y a pas d'hélice, hélas, c'est là qu'est l'os" c'est une réplique formidable.(...) Mais le personnage qui m'a le plus impressionné, c'est celui du pilleur de tronc du Drôle de Paroissien.

    De Jean-Pierre Mocky.

    Voilà. L'univers de Mocky est très noir. Tous les hommes sont ridicules, mesquins, minables. Et cet homme, qui est fondamentalement un voleur, est touché par la grâce. Cette scène où il demande à Dieu des explications en disant "Dieu, vous m'avez fait paresseux, mais je ne peux plus vivre. Je ne veux pas travailler, comment faire ?" et à ce moment, il entend le bruit des pièces qui tombent dans le tronc et c'est une révélation. La scène est incroyable. (...) Et je trouve que [Bourvil] emmène l'univers de Mocky vers quelque chose de plus poétique. Ça fonctionne aussi un peu dans La Cité de l'indicible peur ou La Grande frousse, où un inspecteur de police totalement nul qu'on a affecté à une étude sur les graffitis dans les geôles de garde-à-vue (...) va dénouer un drame qui terrorise un village, avec une certaine fantaisie.

    Est-ce que vous alliez voir votre père sur les plateaux et si oui, en avez-vous gardé des souvenirs ?

    Je n'y allais pas souvent. Pour tout dire, et même si ça peut sembler un peu à contre-courant, je n'étais pas... j'étais adolescent et ce n'est pas un truc formidable. Mon père, je le connaissais, c'était un acteur célèbre, mais ça ne m'épatait pas de le voir puisque je le voyais tous les jours chez moi ! (rires). Les autres, je voyais bien que c'était des acteurs, mais je n'étais pas épaté. Et assister à un tournage où on refait la scène dix fois et où on entend des professionnels dire "ah ! Celle-là est meilleure", mais quand on est extérieur on se dit "mais pourquoi elle est meilleure, c'est la même ?!" C'est un peu lassant.

    Pathé

    J'ai quelques souvenirs, j'étais allé sur le tournage du Corniaud, j'avais vu la scène où il emmène la voiture chez le garagiste parce que le pare-choc a été enfoncé. (...) Plus  jeune, j'avais visité le plateau de Sérénade au Texas, mais ça m'avait semblé très long.

    Pour terminer, est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ce que l'on va trouver dans l'exposition consacrée à votre père, et qui se tient à Lille ?

    Il y a 450 pièces, et une partie des documents m'appartiennent. Il y a le bureau de mon père, le vélo de mon père, des objets personnels, mais aussi des affiches, des ausweis qu'il utilisait pendant l'Occupation... c'est anecdotique mais c'est pour dire qu'il y a beaucoup de pièces. Deux films seront projetés le 3 octobre : Le Corniaud et La Traversée de Paris.

    Retrouvez toutes les informations sur l'exposition Bourvil à Lille actuellement en cours jusqu'au 4 octobre. Un petit aperçu de l'exposition est disponible par ici.

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top