L'Appât s'inspire d'un fait divers survenu à Paris dans les années 1980 : l'affaire Hattab-Sarraud-Subra, qui a été elle-même minutieusement retranscrite dans un roman du même nom écrit par Morgan Sportès. En moins de dix jours, deux hommes riches sont retrouvés morts à leur domicile après avoir été assassinés dans des conditions effroyables. Rapidement, trois jeunes sont interpellés et, par la suite, condamnés devant la Cour d'Assises à de longues peines.
Ce fait divers se distingue surtout de par le profil assez inhabituel de ses criminels : Valérie Subra, 18 ans à l'époque des faits, est la fille de cadres supérieurs, prend des cours d'esthéticienne et travaille dans un magasin au Sentier ; Laurent Hattab, 19 ans, très frimeur, est le fils d'un patron d'entreprise située dans ce même quartier parisien ; Jean-Rémy Sarraud, 20 ans, abandonné par sa mère à 6 ans, multiplie les petits boulots et vit aux crochets de "gosses de riches".
Tous les trois rêvent de voler beaucoup d'argent pour mener la grande vie aux Etats-Unis. Pour ce, ils élaborent un plan diabolique : Valérie est chargée de séduire, en boîte de nuit, des hommes à la situation financière solide, pour qu’ils l’invitent ensuite chez eux. Une fois sur place, la jeune fille fait entrer ses deux complices, lesquels attachent la victime pour lui extorquer de l'argent… En employant les moyens les plus violents qui soient.
Leur première cible est un avocat de 50 ans. Après avoir été ligoté, il est tué par Laurent et Jean-Rémy de plusieurs coups de couteau. Et ce pour un butin de... 1 200 francs. Quelques jours plus tard, le trio diabolique s'introduit chez un homme de 29 ans, qui est directeur d'une maison de prêt-à-porter. Là encore, les deux hommes le tuent à l’arme blanche (un coupe-papier) après l'avoir attaché et lui avoir volé 13 000 francs.
Les meurtriers trouvent alors une nouvelle cible, mais la police parvient à mettre la main sur Valérie (et donc ses complices) grâce aux carnets de visite des deux précédentes victimes.
Le Gang des Barbares, Guy George...: 9 faits divers adaptés au cinémaLes réactions des trois jeunes, lors du procès en assises, dénotent une inconscience totale face à la gravité de leurs actes. L'un d'eux déclare même : "C'est facile de tuer, ça va très vite, tout le monde peut le faire". Les accusés sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de 16 ans pour Laurent et Jean-Rémy, et de 18 ans pour Valérie. Toutefois, cette dernière est libérée en 2001 et ses complices en 2003.
Si le but de Bertrand Tavernier n'était pas de retranscrire cette histoire sordide dans les moindres détails, il s’en est servi pour faire un film reflétant ses obsessions de cinéaste : une faillite morale de la société, accentuée par une dictature de l'apparence, conduisant à une perte de repères et donc à l'augmentation de la criminalité. De ce point de vue, les trois assassins du film ont en fait pris pour cibles leurs doubles : de nouveaux riches qui ne jurent que par l’argent.