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    Hollywood, machine à broyer : Judy Garland brisée par la MGM
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Alors que le biopic "Judy" est actuellement en salles, découvrez les coulisses tragiques des 15 années passées par Judy Garland à la M.G.M., et la façon dont le studio a brisé cette adolescente prometteuse.

    D.R.

    Entre Judy Garland et la M.G.M., tout commence en 1935, alors que Garland s'appelle encore Frances Gumm. Elle vient de se rebaptiser Judy, pour avoir un nom de scène, et l'origine du choix de "Garland" a plusieurs sources divergentes sans que l'on sache exactement d'où il est venu. Quoi qu'il en soit, le producteur Louis B. Mayer l'entend chanter et lui fait signer un contrat pour chanter à la radio. Le studio ne trouve pas à l'employer au cinéma vu que Judy a 13 ans et qu'elle est jugée trop vieille pour être enfant star et trop jeune pour les rôles adultes.

    En attendant de savoir quoi faire, Garland se rend donc à l'école du studio avec les autres adolescentes de son âge sous contrat à la M.G.M. (Lana Turner, Ava Gardner) et développe un complexe quant à son apparence. Dans la série documentaire Judy: Impressions of Garland, le professeur de danse Charles Walters (futur réalisateur de La jolie fermière ou de Parade de printemps avec Garland) confiera que l'actrice se sentait comme "le vilain petit canard", un sentiment qui selon lui ne la quittera jamais.

    Relooking et régime forcés

    C'est l'époque où la MGM opte pour placer sur Judy Garland des disques de caoutchouc pour modifier son nez et des fausses dents. Elle lui refait également sa garde-robe pour la faire ressembler à une "fille comme les autres", une "girl-next-door". On lui fait alors tourner des films familiaux et parfois chantants aux côtés de Mickey Rooney, lui aussi adolescent sous contrat à la M.G.M. Les tournages s'enchainent (de 2 à 3 films par an avec 15 heures de tournage par jour) et à l'époque, le studio donne à ses jeunes comédiens des amphétamines pour qu'ils parviennent à tenir le rythme, puis des barbituriques pour les aider à s'endormir.

    Capture d'écran

    Le 24 mai 1938, Garland a un sévère accident de voiture qui la laisse avec 3 côtes brisées, un poumon percé et une foulure dorsale. Le studio lui laisse dix-huit jours de repos et la remet au travail le 11 juin. C'est aussi l'époque où son poids est étroitement surveillé, et on ne lui sert qu'un bol de soupe et une assiette de salade par repas.

    Son poids devient également le sujet de conversation des journalistes au moment de la promotion du Magicien d'Oz, qui restera son film le plus célèbre, notamment pour la chanson Over The Rainbow. Le maquilleur Howard Smit se souviendra que le studio la surveillait constamment, la privant de manger normalement de peur qu'elle ne grossisse et ne rentre plus dans les costumes préparés pour elle. 

    Harcelée par Louis B. Mayer

    Pendant des années, Garland est constamment harcelée et "tripotée" par Louis B. Mayer. Des faits dont l'actrice tient récit dans une autobiographie avortée de 68 pages retrouvée des années après sa mort. Dans sa biographie Get Happy: The Life of Judy Garland, l'auteur Gerald Clarke écrit : "de 16 à 20 ans, Judy a été approchée, encore et toujours, pour du sexe. (...) Chaque fois qu'il la complimentait pour sa voix en lui disait qu'elle chantait avec son coeur, Mayer plaçait invariablement sa main sur sa poitrine où se trouvait son coeur". Garland, elle, écrira : "j'ai eu de la chance que mon chant ne vienne pas d'une autre partie de mon anatomie".

    Lorsqu'elle s'affirme et lance un ultimatum au producteur de ne plus jamais avoir ce genre de comportement avec elle, il se met à pleurer et lui demande comment elle peut le rejeter alors qu'il l'aime. Garland conclura : "C'est fou comme ces hommes importants ayant fréquenté des femmes sophistiquées toutes leurs vies, peuvent agir comme des idiots".

    Capture du documentaire Louis B. Mayer - MGM Classic Hollywood

    De 1936 à 1939, Judy Garland alors âgée de 14 à 17 ans, sera l'objet des avances sexuelles de l'acteur Spencer Tracy (36-39 ans) qui en vient à coucher avec elle. Le "fixeur" (régleur de problèmes) de la M.G.M. Eddie Mannix étouffe l'affaire et s'en servira pour garder Tracy dans le droit chemin.

    Devenue adulte, Garland se heurte toujours à l'ingérence de la M.G.M. sur sa vie de couple. En 1941, alors qu'elle vit avec le musicien David Rose, elle tombe enceinte mais sa mère comme le studio décident de la faire avorter. Lorsqu'en 1943, séparée de Rose, elle tombe à nouveau enceinte de l'acteur Tyrone Power, elle est à nouveau contrainte d'avorter. Rappelons qu'à l'époque, le contrat des acteurs et actrices de la MGM stipulait qu'en cas de manquement à la loi ou à la morale, leur engagement pouvait être annulé et leur carrière ruinée.

    Et côté carrière justement, bien que débarrassée des disques de caoutchouc et des fausses dents depuis Le Chant du Missouri, la M.G.M. continue d'offrir à Judy Garland le même rôle, celui de la jeune fille bien gentille et comme tout le monde. Par ailleurs, le public rejette son drame L'horloge (1945), en partie parce qu'elle n'y chante pas. Dans les années qui suivent, le studio va s'assurer qu'elle ne joue que dans des films chantants. C'est ainsi que s'ensuivent Ziegfeld Follies, Les demoiselles d'HarveyLa pluie qui chante ou Le Pirate avec Gene Kelly, qui marque un moment clé dans la descente aux enfers de Judy Garland.

    Une santé détériorée

    C'est en effet pendant le tournage du Pirate que Judy Garland fait une dépression nerveuse et est placée en institut spécialisé. Elle commet une tentative de suicide quelques mois plus tard, après avoir terminé le tournage. Elle est envoyée en hôpital psychiatrique et ses absences pour raisons de santé coûtent de l'argent supplémentaire au studio. Elle parvient tout de même à tourner Parade de printemps avec Fred Astaire, qui sera un énorme succès.

    Souhaitant capitaliser sur cette bonne surprise, la M.G.M. lance immédiatement Entrons dans la danse (1949), avec Garland et Astaire. Sur le tournage, Garland souffre de migraines chroniques, prend des pilules pour dormir et développe des problèmes avec l'alcool. Après plusieurs jours consécutifs d'absence des plateaux, elle est remplacée par Ginger Rogers. Mise sur la touche par le studio, elle se soigne et reprend rapidement les tournages. Mais en 1949, alors qu'elle tourne Annie, la reine du cirque, toujours traitée pour dépression et lassée des numéros musicaux, elle est éloignée du plateau par des crises d'angoisse et à nouveau, le studio la remplace.

    D.R.

    En juin 1950, à 28 ans, elle tente une nouvelle fois de mettre fin à sa vie. En septembre, la M.G.M. rompt son contrat, et met ainsi un terme à 15 ans d'une longue et douloureuse collaboration. Dans un article de Life, en 1961, elle déclarera, à propos de cette période : "Après avoir été jetée de la Métro, je me suis décomposée pendant un certain temps. Tout ce que je voulais faire, c'était me cacher et manger. J'avais perdu toute ma confiance en moi. Pendant 10 ans, j'ai eu peur des volets, des avions, des voitures. Lorsque je travaillais, je souffrais l'agonie sur scène, on devait m'y pousser". Reparlant de sa tentative de suicide et de cette période, elle déclarera au magazine Photoplay

    "Je voulais obscurcir le futur comme le passé. Je voulais me faire du mal ainsi qu'à tous ceux qui m'ont fait du mal".

    Epilogue

    Judy Garland reviendra au cinéma pour Warner Bros avec le célèbre A Star Is Born (1954) aux côtés de James Mason, puis apparaîtra dans Jugement à Nuremberg (1961), Un Enfant attend et L'Ombre du passé (1963), un ultime film musical. En parallèle de ces rôles ponctuels, elle tiendra surtout à la télévision le Judy Garland Show et assurera des concerts à travers le monde. Pour découvrir en images la fin de sa carrière, rendez-vous en salles pour découvrir le biopic Judy, Oscar de la Meilleure actrice pour Renée Zellweger.

    Judy
    Judy
    Sortie : 26 février 2020 | 1h 58min
    De Rupert Goold
    Avec Renée Zellweger, Jessie Buckley, Finn Wittrock
    Presse
    3,4
    Spectateurs
    3,4
    louer ou acheter

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