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    Locke & Key sur Netflix : que vaut la série fantastique adaptée des comic books culte ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Tirée des comic books homonymes de Joe Hill et Gabriel Rodriguez, la saison 1 de "Locke & Key" est disponible sur Netflix, après plusieurs tentatives d'adaptation. Mais que vaut donc la série ?

    Netflix

    DE QUOI ÇA PARLE ?

    Après le meurtre de leur père dans d’étranges et violentes circonstances, les frères et sœurs Locke emménagent avec leur mère à Keyhouse, leur maison ancestrale, où ils découvrent des clés magiques potentiellement liées à la mort de Rendell. Alors que les enfants explorent les pouvoirs uniques de ces clés, un mystérieux démon s'éveille et ne reculera devant rien pour les leur voler.

    Locke & Key, crée par Carlton CuseJoe Hill - Disponible sur Netflix depuis le 5 février 2020 - Épisodes vus : 10 sur 10

    ÇA RESSEMBLE A QUOI ?

    C'EST AVEC QUI ?

    Première victime du terrifiant Grippesou dans la nouvelle version de Ça, où il incarnait Georgie, Jackson Robert Scott reste proche de l'univers de Stephen King en interprétant Bode, l'un des héros de la série tirée des comic books écrits par son fils, Joe Hill. Vu dans les saisons 2 et 3 d'American Crime Story, ainsi que l'intégralité de Falling SkiesConnor Jessup joue ici son frère Tyler, tandis qu'Emilia Jones, déjà rôdée en matière de fantastique, de frissons et de mystère grâce à Doctor Who (l'épisode 8 de la saison 7), Utopia ou Ghostland, est sa sœur Kinsey.

    Trois jeunes acteurs entourés par Darby Stanchfield (vue dans Scandal et attendue dans la série DC Stargirl), qui incarne leur mère Nina Locke, ainsi que Laysla de Oliveira. Interprète de la mystérieuse Dodge, cette dernière retrouve Joe Hill et le réalisateur Vincenzo Natali (metteur en scène des deux derniers épisodes) après avoir été au casting de Dans les hautes herbes, adapté d'une nouvelle co-écrite par le premier avec son père.

    ÇA VAUT LE COUP D'ŒIL ?

    Les néophytes ne réalisent peut-être pas l'événement que constitue l'arrivée de Locke & Key sur Netflix. Car après une tentative d'adaptation en série qui n'a pas dépassé le stade du pilote en 2011 malgré la présence de Steven Spielberg parmi les producteurs exécutifs et un projet de film qui remonte à 2015 mais n'a jamais avancé, le bébé de Joe Hill et Gabriel Rodriguez prend enfin vie sur petit écran. Des comic books qui ont gagné leur statut de phénomène dès la parution du premier numéro, epuisé en l'espace d'une journée aux États-Unis, et sur lesquels beaucoup se sont cassé les dents avant que Carlton Cuse (Lost, Bates Motel) ne trouve, enfin, la clé pour transposer les aventures de Bode, Kinsey, Tyler et leur mère dans l'étrange maison qui a vu grandir leur défunt père, et où chaque porte cache un secret plus ou moins sombre.

    Divisée en dix épisodes, cette saison 1 mérite le coup d'œil et se dévore rapidement tant elle se révèle efficace. Mais elle risque de diviser les fans du matériau de base et les autres. Pour les premiers, la série est certes fidèle aux événements racontés sur papier, ce qui n'est pas plus étonnant que cela quand on sait que Joe Hill a participé à l'adaptation télévisuelle. Mais la chronologie est quelque peu chamboulée afin d'accélérer le rythme. Là où les héros mettaient du temps à trouver les clés au gré de chaque tome, leur collection est bien plus rapide ici, même s'il faut ensuite patienter avant de découvrir l'utilité de certaines d'entre elles et les conséquences de chaque découverte.

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    L'autre regret que les fans pourront avoir concerne la noirceur de la série. Ou plutôt sa relative absence. Car c'est peu dire que cette version de Locke & Key atténue grandement la violence, physique et psychologique, de son modèle, pour se muer en un show adolescent, voire familial : les meurtres y sont moins graphiques ; les traumatismes des héros (Tyler en tête) moins présents ce qui les rend moins immédiatement attachants ; et l'apparence de Sam Lesser (Thomas Mitchell Barnet) n'est pas aussi monstrueuse que dans la bande-dessinée, où il ressemble à la créature de Frankenstein avec son visage lézardé de balafres. Outre le fait d'être en phase avec la cible principale de Netflix, ne faut-il pas voir dans ces changements une volonté de jouer la carte de la sécurité ?

    Le premier numéro date en effet de 2008, et les précédentes tentatives d'adaptation remontent à 2011 et 2015. La plateforme pourrait donc avoir été tentée de mettre toutes les chances de son côté en élargissant le public potentiel en même temps qu'elle réduisait son degré de violence. Et perdait aussi en audace, ce qui est à déplorer. Mais peut-être que ceci n'est que temporaire, que cette entrée en matière est plus sage que prévu pour plaire au plus grand nombre, avant de passer à la vitesse supérieure si saison 2 il y a. Et on notera à ce sujet que les scénaristes ont bien pris soin de boucler l'intrigue principale en laissant une porte ouverte.

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    Les fans devront donc passer outre le jeu des sept différences avec les comic books pour l'apprécier de la même façon que les néophytes. Lesquels pourront eux aussi regretter un positionnement qui place moins Locke & Key dans la lignée de The Haunting of Hill House que celle de Sabrina ou Umbrella Academy, sortie à la même période l'an dernier. Ce qui ne les empêchera pas de vouloir avancer dans le récit, très prenant et mieux adapté ici à la notion de binge watching que ne l'est le matériau de base qui, à titre de comparaison, progresse au même rythme qu'une série classique, diffusée à raison d'un épisode par semaine. Une méthode propice aux théories les plus diverses mais qui ne peut fonctionner de la même façon lorsque la saison entière est disponible.

    Nous sommes donc face à un vrai exercice d'adaptation (souvent synonyme de trahison), et le bouleversement de la chronologie des événements provient peut-être aussi d'une volonté de générer le moins de frustration possible si la série devait être annulée au terme d'une seule saison alors que toutes les clés n'ont pas été trouvées. Les premiers épisodes se font ainsi trépidants, presque plus qu'un numéro de "Fort Boyard", pour ensuite laisser place aux révélations : des effets qu'on les objets sur les héros et des secrets auxquels ils donnent accès. Et c'est en cela que le show reste fidèle aux comic books, qui parlent, derrière leurs atours fantastico-horrifiques, de deuil, de traumatismes, de la nature profonde de chacun et d'un passé que l'on voudrait parfois garder enfoui.

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    Le tout avec de jolis effets pour représenter à l'écran le pouvoir des clés, qu'il s'agisse de celle permettant de devenir un fantôme, de celle qui donne accès aux souvenirs d'une personne rangés de façon amusante (dans un bocal ou des boîtiers de VHS) ou permet d'entrer dans la tête de l'un des personnages. Et un dénouement réjouissant, dans les deux derniers épisodes, lorsque toutes les pièces du puzzle s'assemblent autour d'une mystérieuse porte qui dégage une lueur bleue. Conclue par un cliffhanger qui vient remettre le happy end en question, cette saison est donc un joli divertissement capable de plaire au plus grand nombre (même si les fans de base auront besoin d'un peu de temps), une entrée en matière réussie dans un univers qui ne demande qu'à s'étendre sur petit écran.

    Au vu de son potentiel, la série a tout pour fonctionner et continuer, surtout qu'il reste de la matière avec les autres tomes de cette histoire organisée en trois dyptiques dans les comic books. Si l'aventure devait s'arrêter là, cela prouverait que le projet est aussi maudit que la famille Locke. Sinon, c'est que quelqu'un a bien trouvé la bonne clé.

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