Avec son film de guerre 1917, le réalisateur Sam Mendes cherchait un moyen de plonger le spectateur dans la plus grande immersion possible. Pour cela, il a décidé avec son équipe d'avoir recours au plan séquence. Cette technique cinématographique consiste à tourner l'action en temps réel sans effet de montage, sans coupe et permet donc d'être "embarqué" avec des acteurs qui vivent l'action en même temps que le spectateur. Ce dernier se retrouve au coeur des événements, qu'il suit sans artifice de montage, créant un effet de réalisme indéniable.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, l'absence de montage n'annihile pas la mise en scène, au contraire, elle l'alourdit techniquement. Chaque séquence doit être préparée au millimètre, répétée au maximum pour éviter les ratés. La caméra (portée par un Steadicam) doit non seulement suivre l'action, mais parfois montrer au spectateur le danger qui arrive avant que les personnages ne le voit ou l'inverse. Cela demande une caméra très mobile et des acteurs qui savent toujours où se placer par rapport à elle, tout en restant dans leurs personnages quoi qu'il arrive.
Peut-on cependant dire que 1917 est un unique plan séquence ? La réponse est non. Le réalisateur Sam Mendes a d'ailleurs détaillé pourquoi au micro de Cinema Blend : "chaque scène avait ses propres défis. C'était comme faire un mini film, puis lier tous ces minis films ensemble (...). Vous ne pouvez pas faire de montage, donc vous devez vous investir". Mendes a tourné plusieurs longue scènes en plan séquence et les a unies en un film. Aux Etats-Unis, on parle de "long shots" ou de "continuous shots" (plans continus) : l'expression "plan continu" traduit bien l'idée qu'un film peut être un "vrai" plan séquence ou un "faux", constitué de plusieurs séquences assemblées avec une continuité entre elles.
Mais comment le metteur en scène de Skyfall a-t-il concrètement réalisé ces tournages de scènes de plusieurs minutes sans coupes ? La première étape a été d'écrire le film en fonction de ce défi technique et d'adapter les événements du film à cette contrainte d'une caméra en perpétuel déplacement. Le directeur de la photo Roger Deakins se souvient de ces conditions de tournage pour EW :
"Vous faites de très longues prises, la plus longue était sans doute de 8 minutes 30, vous faites des mouvements de caméras délicats, les acteurs jouent et tout doit être synchronisé car c'est semblable à un ballet. Vous franchissez un obstacle, puis un autre, puis un autre, vous approchez de la fin de la séquence et vous vous dites "mince, j'espère que je ne vais pas tout foirer maintenant !" car cela voudrait dire qu'il faut tout recommencer depuis le début. C'était un sacré voyage."
Laissons le mot de la fin à Sam Mendes : "il y a une danse entre la caméra, les personnages et les paysages, tous les trois bougeant perpétuellement. Le langage [cinématographique] était quelque chose sur lequel Roger Deakins et moi avons travaillé très dur".
"1917", en salle depuis ce mercredi :