AlloCiné : Quel a été le point de départ de votre projet ?
Mathieu Barbe, Damien Desvignes et Victor Hayé, réalisateurs de Glace à l'eau : Avoir un propos dans notre film de fin d’études était essentiel pour nous, et nombreux étaient les sujets ! La protection de notre environnement a été une des thématiques qui faisait l’unanimité dans notre groupe, et l’accélération de la fonte des glaces nous a particulièrement touchés. Derrière la question "comment donner vie à un iceberg ?" se cachait un grand défi technique, car il nous a fallu humaniser un immense bloc de glace. Le développement de l’histoire est venu se greffer sur la personnalité naissante de notre personnage principal, et son parcours a beaucoup évolué !
À quel moment avez-vous choisi ce titre pour votre film et comment ?
Le titre ne nous est pas venu comme une évidence. Nous avions simplement comme objectif qu’il puisse, après le visionnage du film, faire écho dans l’esprit des spectateurs. Aborder l'idée du changement physique de la glace vers l’eau correspond également au changement d'état d’esprit de notre personnage tout au long de son aventure. Nous voulions tout de même garder un aspect ludique et illustratif pour parler aux plus jeunes. En cela, "Glace à l’eau" correspondait parfaitement.
Le résultat est impressionnant, notamment du point de vue visuel. Combien de temps avez-vous passé à réaliser ce film, et dans quel cadre ?
Merci beaucoup, l’objectif de ce court métrage était avant tout de nous faire plaisir, tout en montrant notre savoir-faire ! Il nous a fallu 1 an pour réaliser le film dans sa totalité, et la production en elle-même a duré plus ou moins 7 mois. La préproduction comprend notamment l’écriture du scénario, le montage de l’animatique, mais aussi les croquis préparatoires, les recherches de styles, les concepts d’ambiances, etc. C’est un projet réalisé dans le cadre de nos études pour valider notre mastère, nous apprendre à travailler en groupe et appréhender les contraintes que nous rencontrerons dans le domaine professionnel.
Pouvez-vous nous présenter votre école en quelques mots ?
Nous sommes diplômés de l’ECV Bordeaux. Nous avons suivi un cursus qui nous a fait découvrir la totalité du processus de création et de réalisation d’un film d’animation. On a pu se spécialiser sur les dernières années, mais une approche généraliste est vraiment importante dans l'industrie pour connaître le fonctionnement et les contraintes des différents métiers avec lesquels on va travailler. L’ambiance de travail était super, avec une promo et une équipe pédagogique géniale !
La fin du film oscille entre message d'espoir et sonnette d'alarme. Qualifieriez-vous votre film d'optimiste ou de pessimiste ? Parlez-nous de la cause que vous souhaitez défendre.
La note négative n’est autre qu’une observation de notre environnement, mais cependant nous avons de l’espoir ! Le monde change vite, et notre vitesse de réaction face aux multiples problèmes contemporains n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le réchauffement climatique est particulièrement critique, et - à l’image de la forêt amazonienne brûlée délibérément par des inconscients - on possède à peine le moyen d’imaginer l’étendue colossale de ses conséquences. L’information est un outil puissant, et c’est pourquoi on aime le média du cinéma pour exprimer ce qui nous soucie, tout en pouvant le livrer sous forme de divertissement. En revanche, nous avons confiance dans le fait que l’émotion rythme toujours nos vies, et c’est ce qui vaut le coup d’être vécu !
Le décalage entre l'aspect cartoon de votre personnage principal et le réalisme de l'univers dans lequel il évolue rappelle de prestigieux courts métrages Pixar tels que "Piper" ou "Lava". Ces films ont-ils fait partie de vos influences ?
Ces deux courts métrages ont définitivement eu un gros impact ! En ce qui concerne Lava, on a longtemps cherché des références d’iceberg personnifié en vain. C’était donc ce qu’on avait de plus proche d’une masse d’échelle gigantesque avec seulement un visage pour communiquer. Cependant, on voulait éviter certains choix sur le character design du volcan de Pixar qu’on jugeait moins judicieux pour nous, ce qui explique la disparition de la bouche par exemple. En revanche, quand Piper est sorti, on était tous les 3 en admiration ! On a adoré la réalisation, la narration, la prouesse technique. Le court métrage est exceptionnel !
L'animation qui raconte une histoire sans parler est probablement la plus noble de toutes, mais peut-être aussi la plus compliquée à mettre en œuvre. Est-ce un parti pris stimulant pour un artiste, ou bien une contrainte ?
Les deux ! Les contraintes nous ont forcés à faire des choix mais c’est là qu’elles sont stimulantes. Trouver des solutions aux problèmes : c’est là que les idées fusent ! Cette histoire sans parole nous a obligés à nous concentrer sur la narration par l’image plutôt que la rédaction des dialogues, ce qui nous a permis d’entrer plus en profondeur sur l’aspect cinématographique. Cela s’est traduit, entre autres, par l’utilisation de deux façons de communiquer différentes pour les personnages principaux : là où l’iceberg partage ses émotions par les yeux, il était plus naturel d’animer l’orque de façon à ce que son corps parle pour elle. D’ailleurs, même le bateau a eu le droit de s’exprimer à travers la froideur mécanique du harpon !