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    Piranhas : "Au-delà du film de gangsters, je raconte un récit de formation", confie le réalisateur Claudio Giovannesi

    L'émouvant "Piranhas", qui brosse le portrait émouvant d'une jeunesse napolitaine en perdition, sort dans les salles ce mercredi. Lors du festival du film policier de Beaune, nous avions rencontré son réalisateur, Claudio Giovannesi.

    2019 PROKINO Filmverleih GmbH / Angelo Turetta

    AlloCiné : Pourquoi avez-vous souhaité adapter ce roman de Roberto Saviano ?

    Claudio Giovannesi : Piranhas m'a été proposé par l'écrivain et par le producteur. Plus qu'un film de gangsters, c'est un récit de formation sur la perte de l'innocence. Ce qui m'intéressait, c'était de montrer ces sentiments absolus que sont le premier amour, cette amitié qui devient une espèce de fraternité, et ce qu'il advient de tous ces sentiments quand on fait un choix criminel.

    Où avez-vous trouvé cet acteur extraordinaire qui interprète Nicola et comment avez-vous travaillé avec lui ?

    C'est un casting qui a été très long puisqu'il a duré six mois et qu'on a vu environ 4000 jeunes. Je recherchais quelqu'un qui devait avoir trois caractéristiques. D'abord, un visage innocent, c'était très important. Il fallait aussi qu'il puisse connaître directement la réalité de ce qu'on allait raconter. Cela ne veut pas dire que ces jeunes étaient délinquant, mais ils vivaient dans ces quartiers et savaient ce qui s'y passait et comment cela se passait. La troisième chose, c'est qu'il devait avoir un talent pour le jeu : pas simplement avoir une capacité d'acteur, mais être capable de montrer les sentiments. Ensuite, on a fait vivre les jeunes comédiens en groupe, pour qu'il se crée entre eux une véritable amitié.

    Vous vivez à Rome, mais vous filmez Naples, qui est une ville violente, d'une très belle manière, un peu étouffante. C'est une ville que vous connaissez bien ?

    Je ne suis pas napolitain en effet, je suis romain, mais j'ai déménagé à Naples pendant deux ans car c'est essentiel de connaître les lieux que l'on va filmer. Je me suis installé dans les quartiers dont on parle dans le film. Tout cela est tourné dans le centre historique et Naples a encore un centre historique populaire, ce qui n'est plus le cas dans la plupart des villes, à Rome, à Paris… Ce sont des lieux merveilleux qui ont été filmés par De Sica, racontés dans les pièces d'Eduardo De Filippo, et cette présence populaire leur donne une identité très forte.

    Wildbunch

    C'est un film sur la jeunesse napolitaine qui est quand même très pessimiste. C'est comme cela que vous voyez la jeunesse du Sud de l'Italie aujourd'hui ?

    Plus qu'un film sur Naples ou sur l'Italie, il s'agit d'un film sur l'adolescence en Occident. Naples est un lieu où l'Etat, les institutions, l'éducation et la famille sont très lointains. Le choix criminel apparaît comme un choix évident, facile. Plus que de pessimisme ou d'optimisme, il s'agit de raconter une réalité et à travers cette réalité, de raconter une humanité. 

    Le film est très violent et en même temps il y a une vraie douceur dans la mise en scène. Pourquoi ?

    L'important pour moi, c'était qu'on filmait des adolescents, pas des criminels ou des dealers. En filmant l'adolescence, on filme quelque chose d'inconscient. Mêmes les actes de violences, au début, sont construits comme un jeu, comme une initiation. Après, il y a un point de non retour qui entraîne la fin du film. 

    Beaucoup de gens vont certainement vous parler de Gomorra de Matteo Garrone. Votre film apparaît comme une réponse à ce film, moins abrupte, beaucoup plus orientée vers les sentiments. C'est un film que vous aviez en tête ?

    Pour moi, Garrone est le plus grand réalisateur italien et Gomorra est un chef-d'oeuvre, c'est un film qui appartient à l'histoire du cinéma, mais c'est un film qui est construit sur la distance, sur un point de vue objectif. C'est un peu comme s'il regardait une autre planète et qu'il essayait de montrer quelque chose de l'extérieur. Ma manière de faire du cinéma est complètement différente, dans la mesure où moi j'essaie de montrer l'humanité, de ne pas mettre de distance justement et d'aller vers les sentiments. Plus que de Gomorra le film, c'est plus de la série Gomorra, dont j'ai réalisé des épisodes, que j'ai cherché à m'éloigner en prenant du recul par rapport au genre pour me concentrer sur les sentiments. 

    Wildbunch

    Le cinéma italien s'est beaucoup construit sur une dimension politique et sociale, avec le néoréalisme par exemple. Pensez-vous qu'aujourd'hui le genre peut-être un moeyn pour le cinéma italien d'exister sur la scène internationale ?

    S'il y a une chose que je déteste, c'est vraiment quand on essaie d'imiter Hollywood. Hollywood, c'est le film de genre et je le ressens comme une forme de colonialisme, d'un empire qui pèse sur nous. Après, le film de genre a aussi quelque chose du mythe, qu'il faut sans cesse réinterpréter. Ici, on a la structure d'un film de gangsters, ascension et chute, mais au-delà, je raconte un récit de formation. Ce que la structure du genre permet, c'est d'aller vers le public et c'est très bien, tant que l'on ne fait pas du faux Hollywood. 

    La musique est peu présente dans le film mais le thème est magnifique. Comment avez-vous travaillé sur la bande originale ?

    Je compose toujours la musique de mes films en collaboration avec Andrea Moscianese, car avant de faire des films, j'avais une formation musicale et je faisais du jazz, la musique a donc toujours été très présente dans ma vie. Dans le film, j'essaie d'utiliser le moins possible la musique : il y a quatre interventions musicales qui correspondent à des passages de transformation émotionnelle. Les musiques d'ambiances, elles, sont des musiques qui correspondent à l'univers de ces jeunes. 

    La bande-annonce de Piranhas, en salle dès aujourd'hui : 

     

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